Mathis Gil : « J’attends avant tout d’un metteur en scène qu’il soit sincère et m’aide à progresser ». Rencontre avec un jeune artiste à la fois comédien exigeant et réalisateur soucieux des autres

Publié le 25 juillet 2020 à  18h54 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h52

Mathis Gil, comédien et réalisateur dont le court métrage « La nuit du 28 » évoque la mort du père (Photo Corentin Delias)
Mathis Gil, comédien et réalisateur dont le court métrage « La nuit du 28 » évoque la mort du père (Photo Corentin Delias)

C’est par son parrain qui lui donna le goût du théâtre que Mathis Gil découvrit le pouvoir attractif des planches. Il avait dix ans et s’inscrivit de manière bien entendu non professionnelle au Conservatoire de théâtre de Béziers, la ville de son enfance. Le jeune comédien né le 2 septembre 1999, raconte «Là, on a divisé l’année en deux. Une partie consacrée au travail corporel et travail de scène, l’autre versant insistant sur les liens unissant la scène et le texte ». Et Mathis Gil d’explorer alors toutes les possibilités de faire une pièce de théâtre. Ce que cela implique et sous-entend aussi au niveau de l’émotion, et de l’apprentissage du monde. Divertir, susciter des débats, réfléchir, exprimer ce que l’on est, en un mot appréhender la complexité des choses, Mathis Gil soucieux de comprendre s’inscrivant alors au Cours Florent de Montpellier. Et d’y faire une rencontre amicale et artistique qui devait changer sa vie. «J’ai croisé sur les bancs de cette école de théâtre Corentin Delias, et on s’est assis à côté durant les cours. Sans se parler on réagissait de la même manière à ce qu’on nous proposait. De cette vison commune est née une complicité et l’envie de travailler ensemble.» Quelques années plus loin Mathis Gil et Corentin Delias, accompagnés de Maxime Bensoussan ont monté d’abord leur compagnie de théâtre appelée «Les détenteurs» puis, ont crée leur chaîne You Tube. Et l’aventure se poursuit à Paris, là où tout se fait, avec deux rôles télé. Le premier décroché par Mathis Gil l’amènera sur la série «Tandem» interprétée par l’Aixoise Astrid Veillon, et l’acteur Stéphane Blancafort. «C’est avec lui que j’ai tourné une scène dans un des épisodes. C’était fort enrichissant car Stéphane fut extrêmement bienveillant, et m’a donné confiance en moi.» La deuxième aventure sera sur «Un si grand soleil », et là encore Mathis Gil apprit beaucoup et en tira une force intérieure supplémentaire. Avec en 2020 une nouvelle rencontre bénéfique, en la personne de deux réalisateurs, Pierrick et Elliott Pham Van Suu frères dans la vie et à l’écran, qui l’engagèrent ainsi que Corentin sur leur film «Château de sable» qu’ils tourneront avec Pierre Delion, un autre metteur en scène, en Normandie du 3 au 20 août et en septembre-octobre. «Ces deux artistes ont un parcours extraordinaire , explique Mathis Gil, ils ont monté leur boîte de production, sur le même principe que nous avec notre compagnie et notre chaîne You Tube. C’est avec eux d’ailleurs que j’ai tourné mon premier court-métrage». Ayant suivi des stages à la Cartoucherie avec Ariane Mnouchkine, et fou de théâtre bien qu’il n’y ait jamais joué de façon professionnelle tout en ayant interprété Fernand de Bois-d’Enghien dans «Le fil à la patte» de Feydeau, et travaillé Molière, Marivaux, Mouawad, et Koltès, («Roberto Zucco »), Mathis Gil attend d’un metteur en scène qu’il soit avant tout sincère. «Qu’il me dise ce qu’il pense, qu’il me guide, et il y a trop de metteurs en scène au cinéma comme au théâtre qui ne parlent pas assez avec les comédiens et si on collabore je trouve qu’on avance plus vite».

Des maîtres appelés Ken Loach, Michel Audiard, Astier, Chaplin et Roberto Begnini

Et de citer ses cinéastes favoris, : «Ken Loach pour le message social qu’il délivre, Alexandre Astier, dont je trouve le travail exceptionnel et dont les dialogues de ses films me rappellent ceux de Michel Audiard, à l’écriture inouïe, et d’une puissance difficilement égalable». N’aimant pas les films formatés, qui «sont le produit de producteurs visant à embarquer un vaste public sans se soucier d’originalité », Mathis Gil cite Orson Welles, Fellini, Charlie Chaplin dont les films sont des exemples de perfection et présente «La vie est belle» de Roberto Begnini comme étant son film préféré. « Il y a tout dans ce long métrage. On rit en dépit du fait qu’il évoque le sujet le plus grave de l’humanité, et cela encourage chacun à se relever quand on est tombé ».

«La nuit du 28», un court-métrage sur la mort du père en forme de chef d’oeuvre.

Ralentir…chef d’oeuvre ! Cela s’appelle La nuit du 28. On y voit et entend Mathis Gil s’adresser à un homme interprété par Vincent Debost et qui incarne son père disparu. Un fils étranglé de douleur qui s’entretient avec lui, outre-tombe serait-on tenté de dire, et à qui à la fin lance dans un sourire masquant des sanglots intérieurs : «J’espère qu’on se reverra». Économie de moyens, chef opérateur Elliott Pham Van Suu, script de Corentin Delias, absence de pathos, musique d’accompagnement sublime, Mathis Gil fait exploser ici ses talents d’écriture, de réalisateur et de comédien. «J’avais déjà au Cours Florent composé une esquisse de dialogue entre un père et un fils, et de l’avoir réalisé ce fut thérapeutique», précise l’acteur dont «La nuit du 28» possède hélas des racines autobiographiques, puisqu’il a lui-même perdu son père à l’âge de 17 ans. Pas de guimauve étalée, pas de larmes versées, pudeur et intensité en bandoulière Mathis Gil atteint ici à l’universalité des consciences et des vies endeuillées par la perte d’un être aimé. C’est beau, grave, drôle aussi.

«Le parloir» court-métrage que Mathis Gil va tourner en dirigeant Laurence Bréheret et Thierry Ragueneau.

Fin août la jeune carrière de Mathis Gil va prendre à n’en pas douter, un large envol puisqu’il tournera «Le parloir» son nouveau court-métrage avec Laurence Bréheret, actrice pratiquant aussi le doublage étant notamment la voix française régulière d’Helena Bonham Carter, Tilda Swinton et Morena Baccarin ainsi que l’une des voix de Lena Headey, dont notamment dans la série Game of Thrones. Elle sera entourée de Thierry Ragueneau, un acteur connu principalement pour son rôle de François Marci dans le feuilleton «Plus belle la vie », mais aussi pour ses nombreux doublages, comme celui du personnage de fiction Patrick Jane, interprété par Simon Baker dans la série télévisée «Mentalist ». Comédien de théâtre Thierry Ragueneau a aussi été la première voix française régulière de Keanu Reeves et Andy Garcia, à leurs débuts, ou encore de Nicolas Cage. «C’est un honneur pour moi que ces deux grands comédiens aient accepté de s’embarquer sur cette aventure. Ils ont accepté tout de suite, et je leur en suis vraiment reconnaissant». Gageons qu’ils n’ont pas accepté simplement de tourner avec un jeune réalisateur à l’orée d’une prometteuse carrière simplement pour l’encourager, mais qu’ils ont trouvé dans le projet de Mathis Gil des qualités d’écriture, de script et de réalisation qui sont celles d’un humaniste en fait soucieux des autres plus que de lui-même.
Jean-Rémi BARLAND
«La nuit du 28 » à (re) découvrir ICI
Bande démo : ICI

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