Michael Lonsdale : mort d’un homme de foi

Publié le 21 septembre 2020 à  23h14 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  12h13

Michael Lonsdale dans
Michael Lonsdale dans

Michael Lonsdale qui vient de nous quitter à l’âge de 89 ans était avant tout une voix. Puissante, reconnaissable entre toutes avec laquelle il a enregistré des dizaines de livres audio qui des œuvres d’Agatha Christie à celles de Camus, Duras, Hugo, Balzac, Nietzsche, ou Zweig, en passant par des cantiques, des textes chrétiens, ou d’humour pur tel que «Pourquoi j’ai mangé mon père» de Roy Lewis ou la captation avec d’autres comédiens de l’intégralité de «A la recherche du temps perdu», ont signalé son éclectisme, sa curiosité, sa disponibilité et sa manière de se fondre dans des univers parfois très éloignés du sien. Acteur complet jouant là encore sur des registres différents que l’on a vu chez Duras, bien sûr, partenaire au cinéma de Delphine Seyrig, celle qu’il n’a cessé d’aimer toute sa vie déclarant : «J’ai vécu un grand chagrin d’amour et ma vie s’en est trouvée très affectée. La personne que j’ai aimée n’était pas libre… je n’ai jamais pu aimer quelqu’un d’autre. C’était elle ou rien et voilà pourquoi, à 85 ans, je suis toujours célibataire ! », nous faisant hurler de rire dans « Hibernatus » avec De Funès, nous bouleversant dans «Des hommes et des Dieux », nous impressionnant chez James Bond, ou Orson Welles, il savait tout faire et posséder un charisme à l’écran comme sur scène. Pour preuve sa prestation inoubliable dans une pièce de Tchekhov, voilà fort longtemps au Théâtre du Jeu de Paume, au temps où monsieur Truphème en était, avant Dominique Bluzet, le directeur. Disponible il avait aussi séduit les Aixois lorsqu’il fut invité à Aix par Annie Terrier la directrice des Écritures croisées. D’une humilité exemplaire Michael Edward Lonsdale-Crouch est né à Paris le 24 mai 1931. Sa mère était française et son père un officier anglais. Après avoir vécu en Grande-Bretagne, sa famille s’installe en 1939 au Maroc. Il y passera toute la Seconde Guerre mondiale. Sa passion pour la comédie naît à son retour en France en 1947. Il se destinait à la peinture, mais une rencontre avec un prêtre a changé son destin. «J’aimais les comédiens et le cinéma, mais je ne m’imaginais pas acteur. J’étais d’une grande timidité. Par une amie de mes parents qui m’emmenait à la messe, j’ai rencontré un père dominicain qui m’a dit ce que je voulais entendre», confiait-il à Armelle Héliot en 2015. Encouragé par Roger Blin, il suit les cours de théâtre de Tania Balachova. Il croisera alors Laurent Terzieff, Bernard Fresson, Stéphane Audran et Jean-Louis Trintignant…La suite on la connaît et elle est une suite d’éloges de ses pairs et de succès critiques.

« Dieu était son copain ! »

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Très lié à lui Richard Martin le directeur du Toursky que nous venons de contacter et avec qui il a écrit «Regards croisés sur le théâtre», ouvrage paru aux éditions Onésime 2000, dirigées par Serge Sarkissian et situées à Allauch, nous parle d’un homme qu’il considérait comme un frère. « J’ai un immense respect pour son travail et pour l’homme, nous a-t-il confié très ému. On a fait plusieurs spectacles ensemble. Dans l’un d’eux il jouait Dieu et moi Job. On a travaillé dans des cathédrales, des temples, on a même créé au Toursky «Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas», un spectacle qui nous ressemblait. J’avais une grande admiration pour sa foi. On ne pensait pas la même chose, moi je suis athée, et lui il aimait Dieu. On peut même dire que Dieu était son copain. Ce soir je ressens une tristesse douce car je sais que Michael attendait sa mort comme un rendez-vous déjà donné. Il avait la joie au fond de lui d’une rencontre avec Dieu au moment où il disparaîtrait. Oui c’est une belle âme qui vient de s ‘envoler. Et puis je me souviens que lorsque j’étais jeune saltimbanque il faisait partie avec Michel Bouquet des comédiens que j’aimais observer. Je m’aperçois en fait aujourd’hui que j’ai eu la chance d’avoir pour amis des artistes comme Léo Ferré, Michel Bouquet, Michel Lonsdale…avec eux tu marches en sécurité. Tu peux recevoir tous les orages tu ne seras jamais mouillé.» Et Serge Sarkissian -le patron d’Onésime 2000 qui a publié aussi «Confiance» dans lequel Michael Lonsdale s’entretenait avec le journaliste marseillais Jacques Bonnadier -de parler ainsi de la réunion de Richard Martin et Michael Lonsdale en préface de «Regards croisés sur le théâtre» : «Michael Lonsdale, Richard Martin, deux itinéraires distincts, deux univers aux antipodes, mais une même passion pour le théâtre. Pour Michael Lonsdale, le théâtre est le lieu où le « je » du comédien s’exprime dans la multiplicité des rôles qu’il interprète. Pour Richard Martin, le théâtre est le lieu où le « je » s’affirme en utilisant le jeu comme moyen d’expression à vocation politique et culturelle. En apparence tout semble les opposer pourtant une indéfectible amitié les unit depuis de nombreuses années.»

Amoureux de Marseille «ville et théâtre monde»

Serge Sarkissian d’ajouter : «La rencontre entre ces deux personnalités aux univers pittoresques relève de l’improbable. Mais les rencontres improbables se déroulent souvent loin des codes convenus et empruntent des chemins de traverse que nos duettistes fréquentent avec un plaisir assidu.» L’éditeur précisant encore que Martin et Lonsdale ont entretenu également une relation particulière avec Marseille « ville et théâtre monde », lieu de leur première rencontre. Monseigneur Dominique Rey qui était évêque de Fréjus-Toulon ayant pour sa part déclaré dans sa préface écrite pour «Confiance» : «Du comédien, du metteur en scène, du peintre, qu’est tour à tour Michael Lonsdale irradie l’humble certitude d’une foi aux aguets, disponible pour de nouvelles aventures intérieures.» On ne saurait mieux dire en conclusion. Ajoutons que Michael Lonsdale était un homme excessivement drôle. Au moment où il s’en va rejoindre de Funès son partenaire de «Hibernatus» gageons que ces deux-là vont bien se marrer et que Saint-Pierre rira lui aussi aux éclats.
Jean-Rémi BARLAND

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