Michel Montana n’est plus, un grand Monsieur s’en est allé

Publié le 15 février 2022 à  15h58 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  15h23

Il est le Mondial La Marseillaise à pétanque qu’il a porté plus de 40 ans durant, l’image nationale et internationale du journal « La Marseillaise ». Il est celui qui a mis au cœur de ses relations l’humain d’abord. Il est Michel Montana… Michel Montana est décédé, lundi soir 14 février à 22 heures, emporté par la Covid à l’âge de 90 ans.

Michel Montana  ©Patricia Maillé-Caire
Michel Montana ©Patricia Maillé-Caire

«On résiste», avait-il l’habitude de dire lorsqu’on lui demandait comment il allait. Aujourd’hui c’est nous qui devons résister. Un monument s’en est allé. Un enfant des quartiers populaires de Marseille, petit juif enfant caché qui sera aussi résistant. Il a traversé les tumultes du XXe siècle avec humanité, bienveillance, générosité et fidélité. Lui qui a été l’ami des plus grands, d’Yves Montand à Paul Ricard, savait utiliser sa faconde, son sens du verbe pour cacher son humilité.

Chez Michel Montana le mot vacances était vite synonyme de punition, d’ennui, son empire c’était son bureau à La Marseillaise. -«Ce bureau derrière lequel disait-il, il « voulait mourir »», rappelle Huber Auer, d’Air France-. Ce journal lui doit tant… Samedis et dimanches c’est là qu’il était pour recevoir, passer des coups de fil, analyser la situation. Et, parfois, un appel : «Viens». Occasion d’entrer dans cette pièce qui était un musée où livres, objets, et photos accrochés sur les murs racontaient une histoire, des histoires, où personnalités politiques, des médias, de la culture se rencontraient. Occasions d’échanges avec Michel Montana, d’anecdotes -qui souvent raconter la grande histoire-, d’analyses politiques… Et puis, parfois, un déjeuner dans ce qui était sa cantine, chez Rose.

Piqueur de sel: « 4 jours et je suis parti en courant »

Michel Montana est né dans une famille juive en Algérie avant de rejoindre la France. C’est la vie à quatre dans une pièce des quartiers Nord de Marseille où il a pour voisin un certain Ivo Livi, plus connu sous le nom de Yves Montand. Pendant la guerre une famille le cachera, avec ses parents et son frère, dans le Nord du département.

La guerre prend fin, il sera piqueur de sel, «4 jours et je suis parti en courant», raconte-t-il. Puis, il sera planton, vendra La Marseillaise… Il sillonne les départements de la zone de diffusion avec une voiture équipée d’une sono… Ce qui lui vaudra d’être réquisitionné pour assurer la sonorisation du procès Dominici.

Arrive la guerre d’Algérie, mobilisé, Michel Montana ne veut pas tuer, il s’invente donc photographe lui qui ne connaît rien à la photo. Quelques jours après le Premier ministre vient rencontrer son régiment. Des photos doivent immortaliser la scène… Ratées. Convoqué par le général Michel Montana ne se démonte pas lui signifiant que c’est une honte de ne proposer qu’un matériel aussi obsolète… Et le message est entendu, il disposera d’un matériel beaucoup plus moderne et beaucoup moins complexe.

«J’ai une passion pour Marseille, le New York de la Méditerranée»

Puis, patron de presse connu et reconnu, il lance le « Mondial La Marseillaise à pétanque » avec Paul Ricard et Charles Pasqua. Une aventure, exceptionnelle, commence qui fera du Mondial le «Roland-Garros des boules», selon la formule d’Yves Mourousi. Une amitié indéfectible naît avec ce dernier et sa complice Marie-Laure Augry. Lors de la présentation d’un film de France 3 sur Michel Montana, en 2017, il devait déclarer: «J’ai une passion pour Marseille, le New York de la Méditerranée. Mais, je tiens à dire que sans Paul Ricard je n’aurais jamais pu en faire autant. J’ai beaucoup aimé cet homme auprès duquel j’ai passé des dizaines d’années. Et je l’ai dit jusqu’à Pékin : « Ricard c’est la France »». Parmi ses rencontres Pablo Picasso. «Un jour, je suis dans son atelier, il me dit: « prend un tableau ». Je lui réponds: « Non maître, vous faites déjà tellement pour le PCF » »… Il se tait un instant et poursuit: «Qu’est-ce que j’ai été c..». Et de raconter son amitié avec César, avec d’autres grands noms de l’art contemporain et l’on perçoit une réelle sensibilité à l’art. De la même façon il raconte son lien avec le PCF, ses campagnes, parfois homériques. «Puis un jour je suis allé à une réunion pour dire que je n’étais pas d’accord, que je m’ennuyais».

«Michel était et reste plus que jamais une légende vivante»

Mais, s’il est un mot qui compte plus que tout chez Michel Montana c’est celui d’amitié. Philippe Savinel, ex PDG de Pernod Ricard France raconte: «Michel était et reste plus que jamais une légende vivante. Il nous a tellement donné et il a su non seulement construire un énorme réseau d’amitiés autour de lui mais il a aussi permis à ceux qui avaient la chance d’en faire partie de nourrir le leur, quelles que soient les opinions politiques, religieuses. Il est au-dessus de nous tous par sa générosité, son intelligence, son regard pétillant. Il distribuait du bonheur et il était inspirant. S’il disait lui-même s’être inspiré de Paul Ricard, il a aussi inspiré ce dernier. Les deux hommes se respectaient, s’estimaient et je dois dire que nous avions trois temps forts dans la société: les anniversaires de la naissance et de la mort de Paul Ricard et la soirée du Mondial La Marseillaise à Pétanque que nous avons accueillie pendant de nombreuses années au château Ricard».

«Paul Ricard et Michel Montana sont inscrits dans l’histoire de Marseille»

Philippe Savinel poursuit: «J’avais la chance de le rencontrer de février, pour préparer le Mondial, à novembre, pour en tirer le bilan, toujours avec le même plaisir. S’il a créé ce concours avec Paul Ricard il a su le développer jusqu’à en faire le plus grand concours de pétanque au monde». Il ajoute: «Paul Ricard et Michel Montana sont inscrits dans l’histoire de Marseille». Philippe Savinel souligne: «Parler de Michel c’est parler de Marie, un couple fort, uni, dans les beaux jours comme dans les épreuves…».

Philippe Coutin, successeur de Philippe Savinel à la présidence de Pernod Ricard, présente, avec les collaborateurs de Pernod Ricard France: «leurs plus sincères condoléances et leur amical soutien à sa famille. Nous avons appris ce matin avec une profonde tristesse la disparition de M. Michel Montana, personnalité emblématique de Marseille.» Pour Philippe Coutin le nom de Michel Montana
«restera attaché au « Mondial La Marseillaise à pétanque » qu’il a créé avec Paul Ricard en 1962 et qu’il aura animé jusqu’en 2017 pour en faire la plus grande compétition de boules au monde. Avec la complicité de la Société Ricard il aura fait de ce rassemblement international autour de la pétanque, un des plus grands moments annuels de convivialité de la vie Marseillaise et de la Région. Nous nous souviendrons longtemps des magnifiques soirées organisées au Château Ricard à Sainte-Marthe à l’occasion du lancement du concours. Michel va nous manquer; il manquera à Marseille, à la pétanque et à Pernod Ricard».

«Un homme modeste et flamboyant à la fois»

De même c’est avec une grande tristesse que les élus de la Chambre de Commerce et d’Industrie métropolitaine Aix-Marseille-Provence et son Président Jean-Luc Chauvin, ont appris le décès de Michel Montana: «Nous souhaitons rendre hommage à cet homme engagé, un homme modeste et flamboyant à la fois, un homme aux vies multiples, profondément ancré dans Marseille dont il a porté les couleurs tout au long de sa vie. Capable de mobiliser toutes les forces vives de notre territoire, il a su faire rayonner Marseille et la Provence en faisant du Mondial La Marseillaise à pétanque un événement sportif et international de premier plan, un événement à son image, populaire et festif. Nous nous associons à la douleur de sa famille et de ses proches en leur présentant nos condoléances les plus sincères», a réagi Jean-Luc Chauvin, Président de la CCI métropolitaine Aix-Marseille-Provence qui a tenu à ajouter: «C’était vraiment un monument, la seule personne que je connaisse qui, autant que je le sache a réussi tout ce qu’il a entrepris». Il poursuit: «Il avait une ambition pour cette ville, mieux, une vision internationale. Michel Montana était l’âme de cette ville, de sa diversité». Il rend hommage à une personne «qui avait le même comportement avec tous, du serveur au ministre». Il en vient au Mondial La Marseillaise à pétanque «qui dépend maintenant de ceux qui ont pris sa suite. C’est à eux qu’il incombe maintenant de faire perdurer le bébé et pour cela il leur faudra faire perdurer l’état d’esprit car c’est l’état d’esprit qui est extraordinaire».

Hubert Auer, ex-communication d’Air France reprend: «Ce grand monsieur était fidèle en amitié, il m’a beaucoup aidé dans ma vie de salarié. Son action, notamment pour le Mondial, m’a servi énormément, nous avons pu faire pleins de choses grâce à lui. Quel grand monsieur…».

«Une des personnes qui m’a le plus marqué»

Pour Claude Cardella, ancien président de la CCIR Paca et de la CCIAMP: «Michel est un ami de longue date. C’était un homme exceptionnel, un humaniste, quelqu’un qui aimait les gens. Sa facilité à réunir des personnes totalement différentes était exceptionnelle. Il attirait la sympathie immédiatement et je dois dire que j’aimais beaucoup sa vision du monde. Peut-être grâce à tout ce qu’il a vécu il avait une clairvoyance exceptionnelle. Il lui arrivait de dire des choses qu’il était le seul à percevoir et qui allaient se réaliser. Et puis, il est l’un des rares qui a agi pour donner une image positive du territoire». «En fait, poursuit-il, tout ce qu’il faisait était positif, il défendait le territoire, l’Homme et, aujourd’hui je suis sûr qu’il défendrait avec intelligence l’écologie. J’ai rencontré beaucoup de gens dans ma vie, c’est le seul qui possédait un éventail aussi large, c’est l’une des personnes qui m’a le plus marqué».

«Raconter la vie de Michel Montana, c’est raconter Marseille»

Jean Marc Coppola, PCF, rend hommage à Michel Montana: «Michel Montana est indéniablement une grande personnalité marseillaise à l’image de cette ville méditerranéenne exubérante et attachante. Raconter la vie de Michel Montana, c’est raconter Marseille. Son nom est attaché au « Mondial la Marseillaise à pétanque » qu’il a créée avec son ami Paul Ricard en 1961 et qu’il a su développer, faire évoluer au fil des décennies. Son caractère, son entregent, ont permis des rassemblements de personnalités diverses du monde du show-biz, du journalisme, de la politique, de l’économie, au cours d’éditions mémorables du Mondial. Il a ainsi fait rayonner la pétanque à l’échelle internationale tout comme il a accompagné l’évolution et l’ouverture du journal « La Marseillaise », ce journal de la transformation sociale. Une page de l’histoire de Marseille se tourne … Michel va nous manquer».

Eugène Caselli, ex président de MPM évoque à son tour: «Un homme intelligent, plein de bon sens, qui a tant fait pour la presse, qui était totalement impliqué dans la vie de la cité». Jean Roatta ex maire de secteur, ex député ne cache pas: «Aujourd’hui, j’ai beaucoup de chagrin, un homme qui plaçait les valeurs humaines au-delà de tout s’en est allé. Un homme qui, au-delà de tous les clivages, a su réunir le monde politique. C’était un homme de passion pour sa Ville, pour la pétanque et pour son journal. Comment ne pas noter que le renouveau de La Marseillaise est passé par le développement du concours et la conférence de presse du « New York ». On venait au Mondial certes pour le concours mais aussi pour Monsieur Montana. Quai de Rive Neuve il y a la Criée et Michel Montana. Qui va pouvoir le remplacer?»

Destimed présente ses condoléances les plus attristées à Marie, son épouse, à Vincent, son fils et à tous ses proches. Espérons qu’il existe un ailleurs où un immense « Youpi » l’a attendu.
Patricia MAILLÉ-CAIRE et Michel CAIRE

[(Pour les personnes qui souhaitent accompagner Michel Montana, l’inhumation aura lieu ce vendredi 18 février à 11 heures au cimetière des Vaudrans – Route des Trois Lucs à la Valentine – 13012 Marseille. )]

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Réactions

Yves Thréard, Directeur adjoint de la rédaction et éditorialiste au Figaro
«J’ai rencontré Michel Montana dans les années 90 et il est très vite devenu un père, un frère et un ami. C’était un homme assez exceptionnel, quelqu’un qui voulait faire le bien. Sa vie est un roman. Le petit Albert Tordjmann arrive d’Afrique du Nord, il choisit son nom en regardant une carte des États-Unis et lui, le fils d’un piqueur de sel devient l’une des figures de la vie marseillaise. Il avait un côté acteur et crooner. Il avait du talent et voulait d’ailleurs faire carrière dans le spectacle, il sera dirigeant du journal « La Marseillaise ». Michel Montana c’est aussi un parcours politique, d’abord très engagé, un voyage en URSS où il mesure que la réalité n’est pas à la hauteur de ses utopies. Michel c’est également une famille unie avec Marie, son épouse et Vincent, son fils. Un homme exceptionnel comme on en voit peu s’en est allé. « Le Figaro » lui rendra hommage ce jeudi 17 février.»

Renaud Muselier
C’est sur son compte Facebook que le président de Provence-Alpes Côte d’Azur lui rendra hommage.

«Michel Montana s’est éteint, et avec lui se ferme une page inoubliable de l’histoire de Marseille et du Sud. Neuf décennies traversées par un seul homme, ça fait beaucoup d’histoires à raconter. Et Michel Montana ne racontait pas des histoires habituelles, lui qui aura finalement vécu plusieurs vies, de la Résistance jusqu’à la reconnaissance.

De son vrai nom Albert Tordjmann, il a tout vécu ! Il a même été chanteur de music-hall, vendeur de journaux dans la rue, avant de devenir ce personnage emblématique et souriant de l’histoire de Marseille. Ce promoteur fantastique de la pétanque, des boules, de la convivialité, de l’amitié, de la joie de vivre !

Il a tout vécu. Tout, oui, mais avec une constante : «sa» Marseillaise, son journal dans lequel il aura occupé tous les postes, mais aussi – et surtout – son Mondial la Marseillaise à pétanque, qu’il a transformé en événement mondial apprécié de tous, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, puissants ou pas.

Il n’a jamais abandonné : sa première Marseillaise à pétanque n’était pas un franc succès, avec 300 équipes seulement ! Mais il n’a rien lâché, il a insisté, avec l’aide de Charles Pasqua, de Paul Ricard, d’Henri Salvador et de tous ceux qui croyaient en toi.
Et il en a fait un événement unique au monde.

Michel Montana, c’était Marseille ! Dans tous les milieux, dans tous les univers, il était capable d’être chez lui – et donc incontournable. C’est sa grande histoire d’amour pour toujours.

Et je veux partager avec vous une anecdote personnelle: Michel Montana était cet homme qui m’a contacté personnellement quand j’avais 25 ans, quand je me retrouvais face au Front National lors de mes premières élections cantonales. Ce jour-là, il m’a parlé de mon grand-père, du gaullisme et du communisme, et m’a apporté son soutien dans cette élection face à l’extrême-droite. A partir de là, nous avons créé une très belle et très vieille amitié que je n’oublierai jamais, malgré nos différences.
C’était toi Michel, c’était ce que tu nous laisses, ce sont tous les souvenirs que nous partagerons à jamais : la Région Sud te rend hommage.»

Benoît Payan
C’est via un communiqué que le maire de Marseille réagira…
«C’est avec une grande émotion que j’ai appris la disparition de Michel Montana à l’âge de 91 ans. Cet homme aux mille et une vies a marqué l’histoire de Marseille, comme Marseille aura marqué la sienne.

Né en Algérie, il a passé une partie de son enfance au cœur du 15e arrondissement de Marseille. Sa personnalité chaleureuse et son charisme naturel l’ont amené du music-hall jusqu’aux métiers de la presse au sein du journal « La Marseillaise ».

Passionné de pétanque, Michel Montana a été l’artisan du succès du Mondial La Marseillaise à Pétanque, premier rassemblement au monde du genre et fierté de notre ville. Proche des communistes comme du monde du spectacle, il a permis à cette fête populaire de réunir chaque année amateurs boulistes et célébrités médiatiques. Cet homme de conviction, fidèle à ses idées humanistes, a été un formidable ambassadeur de notre ville. J’ai, aujourd’hui, une pensée émue pour son épouse, Marie, son fils, Vincent, et tous ses proches.»)]

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