Mirare célèbre par le livre (coédité avec Fayard) et par le disque le 250e anniversaire de la naissance de Beethoven

Publié le 23 mars 2020 à  11h17 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h13

Le violoniste Guillaume Chilemme (Photo X.D.R.) - Le pianiste Tanguy de Williencourt (Photo Jean-Baptiste Millot) - La violoniste Fanny Clamagirand (Photo Laetitia Carette) - Le Trio Chausson (CD Mirare)
Le violoniste Guillaume Chilemme (Photo X.D.R.) – Le pianiste Tanguy de Williencourt (Photo Jean-Baptiste Millot) – La violoniste Fanny Clamagirand (Photo Laetitia Carette) – Le Trio Chausson (CD Mirare)

«Vous me faites l’impression d’un homme qui a plusieurs cœurs, plusieurs âmes. On trouvera dans vos œuvres quelque chose, je ne dirai pas de bizarre, mais d’inattendu, d’inhabituel. Certes, partout de belles choses, même des choses admirables, mais ici quelque chose d’étrange, de sombre, parce que vous êtes vous-même, un peu sombre, et étrange ; et le style du musicien, c’est toujours l’homme.» Ce jugement que Haydn porta sur Beethoven en 1792 met en évidence deux aspects du compositeur : sa diversité et son étrangeté. Avec justesse, le livre «Beethoven et après» coédité par les éditions Fayard et Mirare souligne ces traits de caractère tout autant que le fait que ce qui guida Beethoven toute sa vie en tant qu’artiste c’est «la conviction maintes fois formulée d’avoir à communiquer à travers sa musique un message personnel ne souffrant aucun compromis.» Ce qui le conduit, ajoute Bernard Fournier, un des auteurs de l’ouvrage cosigné aux côtés de François-Gil Tual et Élisabeth Brisson: «À une inhabituelle liberté, tant vis-à-vis des institutions et de la tradition, que du jugement de la critique et des règles.» Belle analyse tout comme celle la précédant où l’on analyse la pensée de Beethoven, à l’aune de celle de Kant dont le musicien s’est abondamment nourri. «La conception beethovénienne de l’art se caractérise», nous dit-on, «par l’affirmation du « je » dans le discours musical, un « je » purifié, affranchi, non seulement du désir de plaire, mais des contraintes de mode, un « je » en proie à l’urgence, d’exprimer ce que l’esprit (lui) dicte, un « je » investi, par conséquent, par l’image d’un « nous ».» Cette pensée dialectique où l’on voit combien Beethoven éprouve une attirance pour les oppositions, est disséquée dans l’ouvrage autant en historien qu’en philosophe de l’esthétique. Intelligent ouvrage que ce «Beethoven et après» qui n’omet rien de sa vie personnelle dans une partie biographique signée Élisabeth Brisson, à ce que Beethoven a laissé derrière lui, influençant des artistes tels que Wagner, Joseph Joachim, Gustav Mahler qui ont dirigé la 9e symphonie, ou encore le peintre Klimt. En chapitres courts on nous présente Beethoven jeune brillant pianiste, effondré par sa surdité à 30 ans, admiratif de Goethe, soucieux de prendre en charge son neveu à la mort de son père, frère de Ludwig, récupéré par les nazis, qui demeure toujours aujourd’hui moderne et inclassable, dont toute l’œuvre incite chacun «à ne pas rester à la même place, à ne pas nous satisfaire de ce qui est .»

Le compositeur de la transmission

«Bien qu’il en ait créé certaines, Beethoven n’est pas connu pour avoir à proprement parler « inventé » des formes nouvelles : il n’a créé ni la sonate dont il a hérité ni le poème symphonique qui est venu après lui », est-il souligné avant que ne soit précisé: «Ce qui l’a intéressé dans ces formes, c’est la possibilité de jouer avec leurs limites». Beethoven qui est présenté comme le compositeur de la transmission, apparaît aussi dans son humanisme comme celui qui crée une œuvre d’art apparaissant non plus comme «un don de Dieu dont l’artiste doit « découvrir » les signes dans la nature, mais comme l’expression pleine et entière, de l’humain, l’expression de son « invention », c’est à dire non seulement de sa raison, mais de sa sensibilité et de son imagination, bref de sa subjectivité.» Kant encore et toujours, tandis qu’en signe de conclusion des témoignages nous sont donnés évoquant une immortalité de Beethoven : «C’est en la référence consciente et permanente à Beethoven qu’il faut voir la cause de mon engouement pour les genres de la symphonie et du quatuor à cordes », confie Guillaume Connesson qui le définit comme «le compositeur archétypal». «Lorsque j’étais enfant, c’est la musique de Beethoven qui m’a donné envie de devenir musicien. C’est elle qui est ma colonne vertébrale de compositeur, qui répond toujours aux questions que je me pose, qui ne cesse de me porter, d’incarner pour moi l’élévation artistique absolue», affirme Bruno Mantovani alors que Anton Webern avait réagi avec ferveur aux écoutes de la «Neuvième» puis de «l’Héroïque» : «Le génie de Beethoven se révèle à moi toujours plus nettement, et viendra un jour où je serai directement imprégné de sa divinité.» On ne pouvait en tout cas rêver mieux pour célébrer le 250e anniversaire de la naissance du compositeur que cet essai publié par Mirare et Fayard. Un formidable livre à trois voix où on expose le parcours de vie de Beethoven, sa force d’innovation, et où on analyse après études des principales œuvres du compositeur son influence à travers le temps.

Une série de disques consacrés à Beethoven

Et Mirare, maison de disques créée par René Martin, le directeur artistique du Festival de La Roque d’Anthéron de proposer une série d’enregistrements où est célébré Beethoven sous toutes ses formes par de jeunes artistes d’aujourd’hui.

Des Trios par le Trio Chausson.
Fondé en 2001 au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris (CNSMDP), le Trio Chausson est devenu aujourd’hui une référence incontournable du paysage musical. Le répertoire du Trio Chausson témoigne de sa passion pour la musique française et le classicisme viennois ; les trios de Haydn en particulier, dont la richesse et la liberté d’écriture sont une source d’inspiration inépuisable. Séduits par la générosité et la poésie d’Ernest Chausson, ils ont à cœur de jouer des trios de compositeurs romantiques français parfois injustement oubliés. Également friands de transcription, ils ont à leur actif une vingtaine d’arrangements pour trio tels que la Valse de Ravel ou l’Introduction et Polonaise brillante de Chopin. Leur vaste répertoire comporte les triples concertos de Beethoven et Chausson – une transcription du Concert op.21 réalisée par le compositeur Mathieu Lamboley. Comme pour Beethoven la transmission musicale étant particulièrement importante à leurs yeux, ils enseignent respectivement le piano à Torcy et la musique de chambre à Angers.. Ce disque Beethoven propose le « Trio l’Archiduc » et le « Trio Les esprits » donnés avec éclat.

Des Trios de jeunesse couplés avec ceux de Korngold
Les trios avec piano n°1 et n°3 couplés avec le Trio n° 1 de Korngold sont interprétés dans ce disque de manière puissante par Nathanaël Gouin pianiste surdoué entendu à La Roque, Yann Levionnois au violoncelle et par l’Aixois Guillaume Chilemme, brillant violoniste. C’est aérien, débarrassé d’effets et on goûte à ces deux univers mis ensemble se répondant et s’enrichissant l’un l’autre.

Sonates violon-piano par Liya Petrova et Boris Kusnezow
Un autre disque proposé par Mirare regroupe les sonates violon et piano n°7 et 8 de Beethoven auxquelles sont ajoutées la suite opus 6 de Britten, et La sonate pour violon et piano en fa mineur de Samuel Barber, autant d’œuvres composées à des moments charnières de la vie de ces compositeurs. Au violon Liya Petrova enchaîne les moments de grâce. Au piano Boris Kusnezow est aussi brillant qu’intériorisé. Boris Kusnezow fait partie des pianistes les plus recherchés de sa génération en tant que chambriste et accompagnateur. Il se produit partout dans le monde avec des instrumentistes et chanteurs de grande renommée.

Les bagatelles en intégrale par le pianiste Tanguy de Williencourt
Ralentir chef d’oeuvre. Le pianiste Tanguy de Williencourt aux racines aixoises prononcées s’est attelé à l’intégrale des « Bagatelles » de Beethoven avec un album qui fera date. Toute l’intensité la beauté, l’humour et la gravité de ces pièces courtes éclatent ici avec grâce et profondeur.

Le concerto pour violon par Fanny Clamagirand
Révélation du violon français, qui n’a pourtant pas paru très à l’aise lors des récentes journées de La Folle Criée 2019, Fanny Clamagirand a débuté son instrument à l’âge de sept ans. Après avoir remporté de prestigieuses récompenses dont le Prix Rainier III des Violin Masters 2007 de Monte-Carlo et le 1er Prix du Concours Kreisler à Vienne en 2005, c’est sur la scène des plus grandes salles et des plus importants festivals qu’elle construit sa carrière. Cet album consacré au concerto pour violon de Beethoven et au Concerto pour violon de Vasks brille par son audace, même si le deuxième mouvement de l’opus 61 de Beethoven n’offre pas toute la poésie escomptée. Mais c’est un disque très coloré à l’interprétation très nuancée où l’English Chamber Orchestra placé sous la direction de Ken-David Masur ne surligne jamais les éléments de chaque partition.

Beethoven pour les enfants
Et les enfants me direz-vous ? Mirare a pensé à eux avec «Chut ! Je m’endors avec Beethoven» une compilation de 17 morceaux joués par de prestigieux artistes Mirare tels que Jean-Frédéric Neuburger, Sélim Mazari, Anne Queffélec, Tanguy de Williencourt, qui offre la «Lettre à Élise» ou Jean-François Heisser et Fanny Clamagirand. Et avec aussi «Dis papa, raconte-moi Beethoven» où sur un texte écrit et dit par André Peyrègne on peut écouter la vie du compositeur enrichie là encore de morceaux joués par des artistes maisons. Avec Mirare c’est donc Beethoven for ever !
Jean-Rémi BARLAND
«Beethoven et après» par Élisabeth Brison, Bernard Fournier et François-Gildas Tual. Mirare/Fayard. 237 pages, 15 € Tous les disques cités sont édités par Mirare.

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