Mucem. Plus que quelques jours pour découvrir l’exposition ‘Europa, Oxalá’

Publié le 14 janvier 2022 à  19h56 - Dernière mise à  jour le 4 novembre 2022 à  11h43

L’exposition « Europa, Oxalá » présente les travaux de vingt-et-un artistes et intellectuels européens dont les origines familiales se situent dans les anciennes colonies. Ces «enfants d’empires», nés et élevés dans un contexte postcolonial, proposent une réflexion sur leur héritage, leur mémoire et leur identité.

Malala Andrialavidrazana, Figures 1883, Reference Map for Business Men, 2019. Tirage pigmentaire. 110 x 163 cm © Malala Andrialavidrazana, courtoisie de l’artiste
Malala Andrialavidrazana, Figures 1883, Reference Map for Business Men, 2019. Tirage pigmentaire. 110 x 163 cm © Malala Andrialavidrazana, courtoisie de l’artiste

Leurs parents et grands-parents sont nés et ont vécu au Congo, en Angola, en Guinée, au Bénin, en Algérie, à Madagascar ; et ces artistes ont hérité non seulement des voix, des sons et des gestes, mais aussi des images et des souvenirs de leurs cultures d’origine, point de départ d’un important travail de recherche dans les archives historiques. De ce fait, leurs productions artistiques nourrissent une réflexion originale sur le racisme, la décolonisation des arts, ou encore la déconstruction de la pensée coloniale. La façon dont certains d’entre eux conjuguent langages contemporains et processus traditionnels constitue un apport essentiel pour l’Europe contemporaine. Le caractère novateur et transnational des travaux de ces artistes «post-mémoire» a d’ailleurs profondément marqué la scène artistique et culturelle ces deux dernières décennies.

L’exposition « Europa, Oxalá » présente environ soixante œuvres (peintures, dessins, sculptures, films, photos, installations) de vingt-et-un artistes : Aimé Mpane, Aimé Ntakiyica, Carlos Bunga, Délio Jasse, Djamel Kokene-Dorléans, Fayçal Baghriche, Francisco Vidal, John K. Cobra, Katia Kameli, Mohamed Bourouissa, Josèfa Ntjam, Malala Andrialavidrazana, Márcio Carvalho, Mónica de Miranda, Nú Barreto, Pauliana Valente Pimentel, Pedro A.H. Paixão, Sabrina Belouaar, Sammy Baloji, Sandra Mujinga, Sara Sadik.

À travers leurs travaux, « Europa, Oxalá » témoigne de la puissance créatrice de la diversité culturelle européenne contemporaine, ouvrant de nouvelles perspectives à la notion d’Europe.

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Entretien avec les commissaires António Pinto Ribeiro, Katia Kameli et Aimé Mpane

Mucem (M.) Que signifie « Europa, Oxalá » ? Pourquoi ce titre ?
António Pinto Ribeiro (A.P.R.), Katia Kameli (K.K.), Aimé Mpane (A.M.) :
Nous avons ainsi nommé l’exposition afin de véhiculer l’idée d’une Europe plurielle, mais unie. « Europa » nous vient de la mythologie occidentale. Oxalá est un terme portugais dont l’origine vient de l’expression arabe Insh’ Allah (« Si Dieu le veut ») et qui comporte plusieurs sens, tous liés au désir d’un futur où d’un événement positif. Par l’association de ces deux mots, nous affirmons notre volonté de rassembler au sein d’une Europe commune des géographies et des cultures supposées éloignées.

M. Ce projet se situe dans le champ des études mémorielles et postcoloniales. En quoi l’art contemporain peut-il aider à explorer ces notions ?
A.P.R., K.K., A.M. L’art contemporain est déterminant dans ce cadre, car dans la matérialité des œuvres d’art et de leurs récits, nous retrouvons des questions et des doutes semblables à ceux abordés dans ces études. C’est le cas, par exemple, des questions liées à la décolonisation des esprits, ou à la résistance aux modèles de domination encore pratiqués dans certains pays. L’art peut lutter contre le racisme contemporain, mais aussi aider à la relecture des histoires coloniales, de façon à créer des récits alternatifs.

M. Qu’est-ce qui rassemble ces artistes ? Partagent-ils des thématiques ou des langages plastiques ?
A.P.R., K.K., A.M.Ces artistes sont des enfants et des petits-enfants des générations qui ont vécu le processus de décolonisation. Ils soulèvent de nouvelles questions à partir de nouveaux territoires. Ils questionnent les histoires racontées (on non racontées) en Europe, les objets hérités du passé, mais aussi l’hégémonie de la modernité européenne et les différents récits autour des fantasmes coloniaux. Ces artistes revisitent des archives familiales ou issues d’organismes officiels et racontent ces histoires à travers des livres, des films et des œuvres d’art. De cette manière, ils redessinent la culture européenne ; aussi bien celle héritée de la tradition gréco-romaine que celle de la Mitteleuropa. Ces artistes deviennent les acteurs principaux d’une vision transnationale des arts, et ils jouent un rôle incontournable dans le cosmopolitisme européen du XXIe siècle.

Leurs parcours artistiques ont bien souvent comme point de départ le refus de tous les nationalismes artistiques, puisant dans les mémoires de leurs parents et grands-parents une matière première précieuse pour la réalisation de leur travail.
Certains d’entre eux n’ont pas d’ascendance liée aux anciennes colonies, mais ont commencé très tôt à travailler sur ces sujets que nous nommons, par simplicité de langage, « postcoloniaux ».

La matière sous-jacente à leur production artistique est le résultat de leurs réflexions sur les mémoires héritées de la période coloniale et des indépendances. Ces artistes participent à la production artistique internationale et contemporaine d’une façon très forte et incontournable.

Ils et elles s’expriment de façons très différentes. La singularité de leurs origines territoriales, les disciplines artistiques qui les inspirent, les théories avec lesquelles ils expliquent leurs pratiques, mais aussi leurs différences, se retrouvent dans la vaste diversité de techniques, de langages, et de formes que l’on peut voir dans cette exposition.)]

Commissaires : António Pinto Ribeiro, commissaire, université de Coimbra, Katia Kameli, artiste et commissaire, Aimé Mpane, artiste et commissaire
Scénographe: Joris Lipsch, Studio Matters
Coproduction : Fondation Calouste Gulbenkian – Délégation en France Mucem – Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Marseille / France) – Musée royal de l’Afrique centrale / AfricaMUSEUM (Tervuren / Belgique)-Centre d’études sociales de l’université de Coimbra (CES) à travers son projet européen (ERC) MEMOIRS – Enfants d’empires et post-mémoires européennes (Coimbra / Portugal)
Itinérance : Fondation Calouste Gulbenkian (Lisbonne) : printemps 2022
Musée royal de l’Afrique centrale / AfricaMUSEUM (Tervuren / Belgique) : automne 2022.
Un événement organisé dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne

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