Mutualité française Paca : débat constructif sur le tiers-payant avec les professionnels de la santé à Marseille

Publié le 20 mars 2015 à  23h30 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h43

La Mutualité française a organisé ce vendredi un débat sur le tiers payant (Photo Philippe Maillé)
La Mutualité française a organisé ce vendredi un débat sur le tiers payant (Photo Philippe Maillé)
Le débat organisé par la Mutualité Française Paca à Marseille entre les acteurs de la santé sur le tiers-payant a été riche, dense. Les questionnements des uns et des autres sur cette réforme mais aussi les possibilités d’accord ont été mis en lumière. Alors, pour Philippe Lance, du syndicat des pharmaciens des Bouches-du-Rhône, il s’impose de «simplifier». Pour Martine Corso, présidente de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM)13 «le dispositif n’est pas mauvais mais il est présenté trop brutalement. Il faudra le mettre en pratique insensiblement». Noëlle Chabert, présidente de l’Union régionale des professionnels de santé-infirmière, déplore une loi qui n’offre pas d’avancées aux infirmiers et qui risque de «supprimer le libre-choix des patients». Le docteur Rémy Sebbah, secrétaire de l’Union régionale des professionnels de santé-médecins libéraux (URPS-ML) avoue son inquiétude : « J’ai bien peur que ces modalités annoncent une nationalisation de la médecine libérale alors que ce système convient à la population. Et le système n’est pas fait pour assurer la sérénité des médecins libéraux». Mais, dans le même temps, il reconnaît que le système peut se débattre, si, comme le désire Jean-Paul Benoît, le président de la Mutualité Française Paca : « Le tiers-payant soit efficace, plus simple, garantisse le paiement et ne soit pas obligatoire». Rappelons que le dispositif du tiers-payant permet la dispense de l’avance des frais médicaux pour le patient.

«Il y a eu de très gros problèmes avec la mise en application du tiers-payant »

Philippe Lance, du syndicat des pharmaciens des Bouches-du-Rhône (Photo Philippe Maillé)
Philippe Lance, du syndicat des pharmaciens des Bouches-du-Rhône (Photo Philippe Maillé)

Philippe Lance, le premier, prend la parole. Il explique : «Le tiers-payant existe pour les pharmaciens depuis une quarantaine d’années, sous l’impulsion du mouvement mutualiste. Les pharmaciens n’étaient pas trop pour, mais ils l’ont appliqué. Nous avons donc plus de 30 ans d’expérience et d’évolution de ce système. Et force est de reconnaître qu’il y a eu de très gros problèmes avec sa mise en application. Mais il est aussi vrai qu’à l’heure actuelle le tiers-payant est un plus pour les patients, surtout lorsque l’on voit le prix de certains traitements. Mais je ne vois pas comment des généralistes qui commencent leur journée avant 8 heures et la finissent après 20 heures pourront effectuer ses travaux supplémentaires. Nous, à la pharmacie, nous devions avoir une secrétaire à mi-temps rien que pour le tiers-payant. Maintenant, il semblerait que Marisol Touraine ait entendu les professionnels de santé qui ont manifesté dimanche dernier et qu’elle soit favorable à un paiement unique. Si cela marche, les pharmaciens essaieront d’en obtenir autant». Il invite, enfin « à se méfier du pouvoir de coercition que peut représenter le tiers-payant».

«Si la loi passe elle doit être appliquée intelligemment»

Martine Corso, présidente de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM)13 (Photo Philippe Maillé)
Martine Corso, présidente de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM)13 (Photo Philippe Maillé)

Martine Corso prévient : «Bien que je sois présidente de la CPAM 13 et que j’occupe une fonction politique, je représente tout de même une organisation syndicale: FO. Je ne suis pas une supplétive du gouvernement et il faut savoir que je peux comprendre et partager les réticences et les appréhensions des médecins».
«Le point le plus complexe, considère-t-elle, est le remboursement de la part complémentaire, qui a d’ailleurs fait dire à la Ministre que les CPAM devaient garantir le remboursement à 100% aux médecins. Au travers de cette garantie de paiement, il serait même possible d’appliquer des sanctions et des pénalités en cas de retard dans les remboursements, au delà d’un délais de 7 jours. Cela se traduirait pour les CPAM par un surcroît de travail, sans compensation d’effectifs et des coûts supplémentaires à supporter. Tout cela conduirait les CPAM à connaître une asphyxie progressive». Mais, rappelle-t-elle: «Un français sur quatre ne se rend pas chez le médecin car il ne peut pas faire l’avance des frais. De plus 30% des actes des médecins sont déjà en tiers-payant». Et de souligner que pour le moment «le tiers-payant n’est qu’un projet de loi. Si la loi passe elle doit être appliquée intelligemment et le système ne doit pas être complexe pour les médecins».

«Il faut beaucoup se bagarrer pour récupérer 3,15 euros»

Noëlle Chabert, présidente de l'Union régionale des professionnels de santé-infirmière (Photo Philippe Maillé)
Noëlle Chabert, présidente de l’Union régionale des professionnels de santé-infirmière (Photo Philippe Maillé)

Noëlle Chabert précise que « L’URPS infirmière Paca regroupant les 3 syndicats majoritaires en Région Paca : Convergence Infirmière, FNI et SNIIL, se positionne contre le tiers-payant généralisé pour l’acte unique et insiste sur les difficultés rencontrées avec la majorité des mutuelles et sur la déresponsabilisation du patient induite par cette gratuité». «Il faut savoir, poursuit-elle, ce qu’est le reste à charge de 5 à 10% que peuvent laisser certaines mutuelles.Vous imaginez ce que cela peut représenter sur une injection dont le coût est de 3,15 euros. Une facture part à l’assurance maladie, une autre à la mutuelle et il faut demander 10% au patient… Il faut beaucoup se bagarrer pour récupérer 3,15 euros. Souvent nous laissons tomber le reste à charge, par lassitude et, à la fin de l’année cela représente un manque à gagner certain». Elle déplore d’autre part: «La loi santé à venir n’avantage en rien les infirmières libérales. Nous regrettons que la vaccination ne nous soit pas ouverte malgré nos propositions».

«Si un système qui n’alourdit pas notre travail nous garantit de ne pas être amputés de nos honoraires, alors nous pourrons changer de position»

Dr. Rémy Sebbah, secrétaire de l'Union régionale des professionnels de santé-médecins libéraux (URPS-ML)(Photo Philippe Maillé)
Dr. Rémy Sebbah, secrétaire de l’Union régionale des professionnels de santé-médecins libéraux (URPS-ML)(Photo Philippe Maillé)

L’intervention du docteur Rémy Sebbah débute par une série de questions : «Est-ce que vous pensez que l’accès aux soins ne soit pas garanti à ceux qui en ont besoin? Est-ce que vous pensez que déresponsabiliser les personnes avec la gratuité est une bonne chose ? Est-ce que vous pensez que le généraliste, à la fin de sa journée, pourra aller chercher les 400 mutuelles pour percevoir le tiers-payant ?». Puis de rappeler : «On a demandé aux professionnels de santé de se responsabiliser et ils se sont impliqués dans l’évaluation des pratiques médicales et quelques 500 millions d’euros d’économie ont été réalisés. Mais nous sommes contre le tiers-payant généralisé car nous n’avons pas la garantie d’être réglé. Maintenant, si un système qui n’alourdit pas notre travail nous garantit de ne pas être amputé de nos honoraires, alors nous pourrons changer de position».

«Le pari du tiers-payant c’est de simplifier les choses»

Jean-Paul Benoît, président de la Mutualité Française Paca (Photo Philippe Maillé)
Jean-Paul Benoît, président de la Mutualité Française Paca (Photo Philippe Maillé)

Jean-Paul Benoît considère que plusieurs problèmes sont soulevés: «La déresponsabilisation, les charges administratives supplémentaires, les garanties de paiement… dans le même temps nous vivons dans une société où 25 à 30% de la population dit renoncer à des soins. Et nous assistons a un retard dans l’accès aux soins qui est plus coûteux car il peut conduire à des maladies plus graves et plus coûteuses».
«Autant nous sommes pour le tiers-payant généralisé, poursuit-il, autant nous ne demandons pas -et la loi ne le prévoit pas- que ce système soit obligatoire. Ce qui veut dire que, si cela est trop complexe, les médecins ne le pratiqueront pas. Avec la charge de travail qui est la leur, la désertification médicale, nous n’avons pas envie de rendre la vie des médecins encore plus compliquée qu’elle ne l’est déjà. Le pari du tiers-payant c’est de simplifier les choses». Pour qu’il en aille ainsi les mutuelles sont allées «jusqu’à travailler avec leur ennemies jurés, les assurances». Et en ce qui concerne les organismes de prévoyance: «Nous essayons de faire l’équivalent de ce qui s’est fait avec la carte bancaire où une autorisation en ligne est donnée et une garantie de paiement. Avec cela les médecins n’auraient pas plus mais moins de travail. Maintenant, les assurances voudraient deux cartes, nous une seule : la carte Vitale. Cela serait rapide et permettrait aux médecins d’éviter ce que trop d’entre eux connaissent, notamment dans les quartiers populaires : des piles de chèques impayés». Concernant la loi santé, il conçoit qu’elle puisse agacer «mais je souhaite que nous regardions ensemble comment mettre en œuvre le tiers-payant, dans l’intérêt de chacun». D’autant que, signale-t-il: «Tous les pays européens pratiquent le tiers-payant à part la France, la Belgique et le Luxembourg».
Le docteur Rémy Sebbah apprécie l’intervention: «Vous êtes un sage. Tous vos propos peuvent être pris en compte. Mais nous avons interpellé Marisol Touraine en 2013 sur le tiers-payant en disant que nous ne pourrions l’accepter que si les mutuelles avaient fait un travail de compréhension de nos demandes. Un travail existe, je ne le conteste pas mais, il n’a pas encore abouti. Rien ne garantit aujourd’hui que le paiement sera effectif».
Phillippe Lance de reprendre: «Si nous avons réussi à simplifier le tiers-payant nous ne le devons qu’à nous-mêmes. Et il serait illusoire de croire que la mise en œuvre du tiers-payant généralisé sera chose aisée pour les médecins». «Raison de plus pour se concerter et travailler encore plus», rétorque Jean-Paul Benoît.
«Il vous faut démontrer avant les décrets d’application qu’un système existe car il faut arrêter de charger la barque des médecins, ils sont déjà nombreux à ne plus en pouvoir», insiste le docteur Sebbah qui invite à se méfier de ce qui se passe dans d’autres pays. «J’ai un patient qui travaille en Angleterre. Il m’a appelé pour savoir si je pouvais le recevoir ce week-end. Il est malade. Dans le cadre du tiers-payant, il a été reçu par un médecin, 4 minutes, sans l’ausculter et il lui a prescrit des antibiotiques. Lorsque mon patient lui a demandé s’il pouvait être examiné, le médecin lui a proposé de revenir, hors tiers-payant…». Il pose enfin la question du dépassement d’honoraires. Jean Paul Benoît avoue ne pas y être favorable : «Mais le tiers-payant ne s’oppose pas à cela et peut permettre au patient de moins sortir de liquidités».
Michel CAIRE

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