Nikon Film Festival (en ligne): Zoom sur « Je suis une nuit » de Guillaume Caramelle

Publié le 21 janvier 2018 à  21h15 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  17h52

03_instagram_je_suis_une_nuit.jpgDémarche originale que de proposer sur le net un Festival de courts-métrages où ce sont les internautes qui choisiront leur lauréat parmi les quelques 1 375 films sélectionnés. Les 50 œuvres arrivées en tête des votes seront ensuite soumises au regard d’un jury composé de professionnels comptant cette année dans ses rangs l’excellent Pierre Niney. Témoignant de la richesse de création, certains sont de pures merveilles, on a pu noter «Je suis une nuit » réalisé par Guillaume Caramelle. Si l’on devait donner un titre générique à ce qui ressemble déjà à une œuvre on dirait des films de ce scénariste-réalisateur et créateur de la maison de productions «Polygone vidéo» qu’il s’agit de «L’insoutenable légèreté de l’être», référence explicite bien sûr au chef d’œuvre de Kundera. Un auteur que Guillaume Caramelle n’a paradoxalement pas lu mais dont il emprunte, par hasard donc, l’humour ironique et un rien grave. On a beaucoup comparé son travail d’écriture (en revanche, il reconnaît la filiation) à celui de Charles Bukowski pour cette manière de montrer sans démontrer des personnages en crise, coincés entre leurs rêves d’élévation et, leur désir d’éviter la chute. Des gens qui boivent, fument, se soûlent parfois de mots, comme dans «Nikki Marianne», et «Au souvenir d’une lune», (ses deux premiers opus dont le second disponible sur You Tube) utilisant le langage comme matériau d’une expression de soi, autant que comme moyen de communication. Si le langage est un phénomène social, chez Guillaume Caramelle il se double d’une puissance de révélation à soi-même et d’arme absolue contre l’engloutissement de son être. Un rempart contre une destruction morale toujours annoncée puisque nourrie à chaque fois chez les personnages du cinéaste par un puissant sentiment de culpabilité. Se racheter de ses fautes, s’ôter de l’esprit l’impression de ne pas être à la hauteur, autant d’actions dont les héros des films de Guillaume Caramelle sont comptables pour eux-mêmes et face aux autres.

La nuit intérieure des gens

En parlant de soi, les figures centrales des récits du cinéaste libèrent leur esprit et se tournent vers leurs semblables. Pour le mettre en forme Guillaume Caramelle filme la nuit en artiste de la pellicule. La nuit extérieure parisienne, nourrice des songes, et la nuit intérieure des êtres. Avec au passage de sublimes figures de femmes, libres, rebelles, sauvages, femmes-enfants ou fille-courage élevant seule une enfant dont le père biologique s’est désintéressé. Ainsi Aurélien le héros de «Je suis une nuit» apparaît comme un grand fauve blessé, sa compagne lui offrant un cadeau-anniversaire inattendu. Retours en arrière fréquents, jeux sur les masques et sur le temps, ce film laisse entrevoir un drame passé poignant, dont on comprendra la teneur lors des dernières images. Tout dire des rapports humains en moins de 2 minutes 20 (c’est le temps attribué à chaque court-métrage), voilà une gageure dont s’acquitte fort bien Guillaume Caramelle, aidé en cela par l’actrice magnifique qu’est Dorcas Coppin, et de baptiste Caillaud son acteur fétiche.

Baptiste Caillaud, acteur d’exception

Comédien d’exception devrait-on ajouter que les Provençaux ont pu applaudir dans le rôle de Racine lors de la pièce « ’adieu à la scène» de Jacques Forgeas qu’il jouait cet été aux côtés de Baptiste Dezerces qui lui prêtait ses traits à La Fontaine. Faisant partie de ces rares comédiens qui marquent les esprits dès qu’ils apparaissent soit à l’écran soit sur scène, Baptiste Caillaud joue dans tous les films de Guillaume Caramelle, et nous bouleverse dans les dernières images de «Je suis une nuit». Pas seulement son acteur fétiche, il est le double du cinéaste, son frère en cinéma, et en amitié d’ailleurs, il est ce que Jean-Pierre Léaud incarnait aux yeux de François Truffaut: son alter ego, son porte-parole, son ambassadeur en émotions. Il contribue ainsi à délivrer la parole claire du réalisateur qui montre sans démontrer et qui s’appuie sur les personnages pour développer son récit, plutôt que sur des prises de position générales. Si avec cela il n’est pas dans les 50 courts-métrages sélectionnés ce mercredi, c’est à n’y rien comprendre.
Jean-Rémi BARLAND

Pour visionner «Je suis une nuit »: ici
-Tous les films en compétition : festivalnikon.fr

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