Off d’Avignon – Axel Granberger : un impressionnant Roberto Zucco

Publié le 22 juillet 2018 à  13h31 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  18h55

Axel Granberger dans Roberto Zucco (Photo D.R.)
Axel Granberger dans Roberto Zucco (Photo D.R.)
Au moment où le Marseillais Arnaud Maïsetti publie une biographie remarquable de Bernard-Marie Koltès on peut voir dans le cadre du Off, à la Fabrik théâtre, l’impressionnante mise en scène effectuée par Rose Noël autour de la pièce Roberto Zucco -initialement créée à Berlin en avril 1990- dans laquelle Koltès décrit de l’intérieur l’invraisemblable trajet d’un meurtrier devenu un personnage mythique, un héros monstrueux que l’on suit pas à pas dans une vision sublimée, et où, l’auteur prit des libertés par rapport à la véracité des faits). En effet Roberto Zucco dont le vrai nom était Succo tua d’abord sa mère avant d’achever son père, (la pièce se positionne à l’inverse). S’appuyant sur des documents d’époque, réalisant de fait un biopic sur le vrai Succo-Zucco, cette jeune prodige qu’est Rose Noël (elle a 21 ans !!!!) nous montre un fou au visage d’ange, terrifiant et solaire, schizophrène et hanté par l’idée de mort, éternel enfant refusant de grandir, et tel le héros Peer Gynt rêve de s’envoler. La fin de la pièce d’ailleurs nous présente Zucco voulant se dépasser par le haut, grimpant sur une sorte de toit, regardant vers le ciel qui n’est pas ici porteur d’apaisement, mais plutôt d’orages qui a-contrario de ceux voulus par «René» le romantique héros de Chateaubriand demeurent non désirés. Travail de troupe où tous les acteurs jouent ensemble, dans une sobriété tranchant avec la violence des propos de Zucco, la pièce ainsi pensée n’est pas centrée uniquement sur Zucco. On peut même dire que le meurtrier italien n’est pas le rôle principal de ce spectacle où interviennent des éléments modernes se mélangeant à l’écriture de Koltès. Zucco étant celui que l’on regarde, un catalyseur d’énergie, un capteur de témoignages, tout part de ce que l’on dit de lui, de ce que l’on pense de ses crimes, et la lecture psychanalytique faite sur le personnage invite le spectateur à se forger sa propre opinion. C’est non seulement d’une intelligence phénoménale mais d’une beauté visuelle sans égal. Lola Blanchard, Akrem Hamdi, Sixtine Païtard, Rose Noël elle-même, (dont le travail principal est de raconter des histoires) Mélie Torrell, Clyde Yeguete et Jonathan Turnbull dans le rôle du frère sont tout simplement prodigieux. Mais celui qui crève les planches, c’est bien Axel Granberger, phénoménal dans le rôle titre.

Un acteur prodigieux

Axel Granberger (Photo D.R.)
Axel Granberger (Photo D.R.)

Né le 18 mars 1994 à Monaco, mais se sentant Lapon, (il vécut d’ailleurs en Laponie), ce comédien possède une force quasi animale. Sportif de haut niveau (boxe thaï, et autres activités extrêmes), Axel Granberger a beaucoup travaillé son rôle en amont, en lisant des textes parlant du vrai Succo. «Je me suis forgé une idée de ce que je devais faire en épluchant la vraie vie de Zuco», explique-t-il avant d’insister sur la chorégraphie écrite pour l’occasion et qui selon lui, permet d’avoir en ligne de mire tous les personnages saisis sur scène dans une sorte de chœur antique. Cet aspect drame antique on le retrouve dans la mise en scène de Rose Noël qui y ajoute une vision pasolinienne et viscontienne du personnage. Vision renforcée par le physique même d’Axel Granberger -un air du héros de Théorème et de Mort à Venise– qui fait partie de ces rares comédiens à frapper les esprits dès leur entrée sur scène. Travail imposant sur le corps la mis en scène ici proposée décrit un lion en cage qui sort de sa jungle et qui se surprend à vouloir se transformer en oiseau. On n’oubliera pas de sitôt le jeu exceptionnel d’Axel Granberger mais également sa façon d’être physiquement présent à chaque scène. S’il frappe les esprits (c’est peu dire d’ailleurs les mots viennent à manquer) il est magnifié par le regard d’une richesse inouïe de Rose Noël qui répétons-le n’a que 21 ans, et qui signe avec son «Ruberto Zucco» une mise en scène fidèle au texte (même si il y a des coupures), qui montre sans démontrer, qui s’impose également comme une réflexion sur le hasard, la violence, l’innocence, l’enfance broyée et la culpabilité. Une mise en scène qui fera date !
Jean-Rémi BARLAND
«Roberto Zucco» à la Fabrik’ Théâtre d’Avignon jusqu’au 29 juillet à 22h15. Relâche le mercredi soir.
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