Off d’Avignon – Gabriel Piquet-Pellorce inoubliable Dorian Gray dans la production de La Compagnie les Framboisiers au Théâtre du Chapeau rouge

Publié le 14 juillet 2019 à  10h57 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  12h05

Gabriel Piquet-Pellorce est Dorian Gray jusqu'au 16 juillet date à laquelle lui succédera Léo d’Ux dans le cadre du Off d'Avignon (Photo D.R.)
Gabriel Piquet-Pellorce est Dorian Gray jusqu’au 16 juillet date à laquelle lui succédera Léo d’Ux dans le cadre du Off d’Avignon (Photo D.R.)

Il entre en scène et d’emblée on est saisis. Gabriel Piquet-Pellorce fait partie (comme Delon jeune au cinéma ou Michel Bouquet constamment au théâtre) de ces (pas si nombreux) comédiens à marquer les esprits dès leur apparition sur les planches. Ils n’ont rien fait, ils n’ont pas encore prononcé une phrase et voilà qu’ils s’imposent, impressionnent et réussissent à rendre envoûtant leur personnage par leur seule présence physique. Cela ne se commande pas. Cela s’appelle le charisme. Le talent en tout cas et sans doute pour ce qui est du théâtre, beaucoup de travail et une bonne dose de passion. De tout cela Gabriel Piquet-Pellorce en possède à revendre. Études de commerce en poche, (sur les conseils de ses parents fidèles en cela à l’adage «passe ton bac d’abord»), il débarqua au Cours Florent où, en troisième année il suivra les cours de Suliane Brahim. Ayant travaillé Lorenzaccio, qu’il a joué, il est plutôt tourné vers le répertoire classique même si, il voue une admiration sans bornes aux pièces de Sarah Kane et rêve d’interpréter les œuvres de Koltès. Actuellement présent sur le Off d’Avignon, où il joue Dorian Gray dans l’adaptation théâtrale du chef d’œuvre d’Oscar Wilde, proposée tous les jours par la Compagnie Les Framboisiers à 21h45 « Au Chapeau rouge » (et ce jusqu’au 16 juillet Léo d’Ux le remplacera ensuite jusqu’à la fin du Festival), Gabriel Piquet-Pellorce n’aime rien tant qu’aller applaudir d’autres pièces que celle où il joue. «J’ai été bouleversé par « Jouliks » aux Lucioles et par « le choix de Gabrielle » les deux spectacles dans lesquels se produit Bérangère Dautun, magnifique comédienne», confie-t-il. «J’ai aimé aller écouter, poursuit-il, le chanteur Pascal Mary qui se produit à l’Atypik et qui dans son spectacle reprend « Une sorcière comme les autres » d’Anne Sylvestre. Et puis j’ai tenu absolument à aller applaudir et encourager ma camarade Lucile Jehel, actuellement sur la scène du Capitole à 12h40 dans la comédie de Thierry Taranne, « Tel père, telle fille », et qui fut ma partenaire dans « Je suis nos trois ans », le court-métrage qu’elle a co-réalisé avec Maxime Meston et moi dans le cadre du « Nikon Film Festival ». Pitch très simple « Pour Théo et Emma, la routine a pris le pas sur l’amour, lui tout le temps au travail, elle malade depuis plusieurs mois. Quel cadeau permettra d’améliorer la situation?» Et au final un film bouleversant sur l’amour et la mort où les deux comédiens sont exceptionnels de densité. Là encore Gabriel Piquet-Pellorce apparaît et nous saisit. Caméra ou planches de théâtre le résultat est le même finalement ! Généreux, soucieux des autres, aimant le partage, possédant une diction exemplaire, Gabriel aime aimer ! Et ne tarit pas d’éloges sur le travail du metteur en scène et acteur Jean-Baptiste Sieuw qui lui a fait confiance en lui offrant le rôle titre dans «Le portrait de Dorian Gray ». Déjà donnée dans le Off la pièce revient donc à Avignon, habillée de neuf, à la scénographie plus resserrée signée de Imago des Framboisiers, assisté de Delphine Thelliez, et la musique de Michaëlle Lemarié, où brillent aux côtés de Jean-Baptiste Sieuw (puissant Basil et Harry), Sophie Bindler, incarnant Alice et Gladys, et Vigdis Gondinet jouant Sibyl et Adriana. On n’oubliera pas Léo d’Ux pas encore présent en Avignon et qui s’est distingué l’année dernière. Gabriel Piquet-Pellorce en dandy vénéneux, tourmenté, solaire, lumineux, sombre, inquiétant est tout simplement troublant. «C’est un personnage rongé par ses rencontres, explique le jeune acteur, il est seul, aidé par personne et, mourra seul». Et de citer alors deux passages éclairant la psychologie de Dorian Gray. Le premier : «Je vais tuer le passé, et quand il sera mort je serai libre»; et le second : «Pourquoi ai-je fait ce souhait, il aurait mieux valu que chacun de mes péchés reçoive son propre châtiment, et la prière d’un dieu juste ne devrait pas être « « pardonne-moi pour mes péchés » mais « punis-moi pour mes iniquités »». Gabriel Piquet-Pellorce -comme toute la troupe des Framboisiers- s’est mis au service de l’œuvre et ne se sert pas d’elle, soignant particulièrement la manière de faire sonner les phrases. «J’ai toujours en mémoire cette injonction de mon professeur de théâtre Fabrice Michel lors de ma deuxième année au Cours Florent : « les gens veulent venir voir un comédien, mais surtout entendre des textes ». Et ce conseil me guide toujours». Quant à savoir ce qu’est une grande pièce il dit : «C’est quand on sait qu’on veut rester dans le théâtre une fois le rideau baissé. Quand en sortant on est retournés. Une grande pièce, c’est organique, c’est intérieur, ça ne s’explique pas forcément rationnellement. Comme avec Goethe, Tchekhov, ou Musset… » Gabriel Piquet-Pellorce, au talent multiforme et à l’énergie incroyable ne manque certainement pas de projets. «Je rêve de ramener à Avignon, « L’île des esclaves » de Marivaux, chef-d’œuvre absolu», confie-t-il. C’est tout le bonheur qu’on lui souhaite, et qu’on nous souhaite, car, avec tant de qualités Gabriel Piquet-Pellorce traiterait les esclaves de la pièce avec égard et résilience et surtout en… maître-artificier de la dramaturgie classique !
Jean-Rémi BARLAND

«Le portrait de Dorian Gray» Théâtre « Au Chapeau rouge » par la Compagnie Les Framboisiers – rue du Chapeau rouge – Avignon dans le cadre du Off. Jusqu’au 28 juillet à 21h45. Relâche les dimanches. 15 € ; 10 € – chapeaurougeavignon.org

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