Olivier Duverger Vaneck : « Le côté cathartique du sujet familial est pour moi essentiel ». Rencontre avec un comédien qui ayant créé et joué sa pièce « Seul(s) » en Avignon la représentera dans le Off 2021

Publié le 20 juillet 2020 à  19h54 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h52

Acteur, écrivain, metteur en scène Olivier Duverger Vaneck transforme chacune de ses rencontres artistiques en leçons de vie. (Photo X DR)
Acteur, écrivain, metteur en scène Olivier Duverger Vaneck transforme chacune de ses rencontres artistiques en leçons de vie. (Photo X DR)

Dans le film «Le collier rouge» que le réalisateur Jean Becker a tiré du roman de Jean-Christophe Rufin, un jeune homme, les yeux bandés est amené au peloton d’exécution, puis fusillé par des soldats sous le regard de Lantier, interprété par François Cluzet. «C’était très impressionnant de jouer cette scène», confie Olivier Duverger Vaneck qui incarne ici le condamné à mort. «C’était tourné dans un ancien fort où avaient été fusillés de vrais résistants, il était 6 heures du matin, quand on m’a bandé les yeux devant des hommes habillés en vrais soldats. J’avais beau savoir que les armes qu’on allait pointer sur mois n’étaient pas chargées à balles réelles, j’étais tout de même assez bouleversé». Né le 14 janvier 1987 à Paris, ce comédien, réalisateur et écrivain est tombé de fait dès l’enfance dans la marmite du théâtre. «Je suis le petit-fils de Pierre Vaneck, et c’est grâce à lui, que j’ai eu envie de faire ce métier», confie-t-il non sans émotion. De cet héritage artistique et malgré une vie familiale chaotique le jeune enfant devenu adolescent s’est construit pas à pas et a voulu suivre des cours à l’école Claude Mathieu de Paris avec en production de sortie en 2010 une représentation élaborée par Jean Bellorini qui s’occupait à l’époque des spectacles des formations sortantes. Le théâtre, Olivier Duverger Vaneck l’avait donc dans le sang, et début 2012 il fut très enthousiaste lorsque son ami (et presque frère), Émilien Benoît l’engagea pour jouer dans «Les caprices de Marianne» que ce dernier mettait en scène à Paris au théâtre du Marais. «Pour la jeune équipe que nous formons, expliquent les coordonnateurs du projet, ces « Caprices de Marianne » sont nés de l’envie de se confronter à un texte qui concentrerait, en lui, à la fois la force des grands classiques et l’audace, la folie de la jeunesse. En lisant cette œuvre, tout droit sortie du cœur d’un poète de 22 ans, -pièce dont l’étonnante maturité s’allie à merveille avec la désinvolture juvénile de son auteur- nous avons su immédiatement qu’elle donnerait matière à notre premier travail en tant qu’artistes du spectacle. Nous avons tenu à lui conserver ces qualités paradoxales par un travail assidu et précis, que nous avons agrémenté de notre fougue naturelle.». Et l’acteur, comme tous ses partenaires de s’immerger avec fougue dans ce travail, Olivier Duverger Vaneck, avec plus d’émotion que les autres sans doute puisqu’il se souvint que c’est dans ce classique de Musset que son grand-père joua un de ses premiers rôles au théâtre. Si l’on devait définir la manière dont Olivier travaille on dirait de lui que c’est un comédien très technique, perfectionniste, soucieux du moindre détail quant à la manière de poser la voix ou de se déplacer sur scène. Une exigence en fait nourrie sur le tas. « J’ai commencé à travailler au Théâtre du Rond-Point comme ouvreur pendant dix ans, explique-t-il, j’ai fait là beaucoup de rencontres professionnelles, et tout s’est enchaîné». Spectacles pour enfants, avec la comédienne Alice Faure, avec une magnifique adaptation de «Huckleberry Finn» ou encore «La Boîte de Pantoufle», un spectacle alliant théâtre, marionnettes et jeu masqué destiné aux enfants de 3 à 103 ans.

«Seul(s)», pièce en forme de plongée dans le monde de la famille, créée au Théâtre Transversal d’Avignon

Comédien Olivier Duverger Vaneck est depuis l’enfance un homme de plume doublé d’un fin lecteur. Avec en 2017 l’écriture d’une pièce intitulée «Atavi», qui fut jouée au Théâtre de l’Opprimé de Paris, et qui est la première création de la Compagnie Chahut(s), la compagnie d’Olivier Duverger Vaneck. Une bouleversante plongée dans l’univers de la famille durant laquelle en filigrane et avec une pudeur extrême Olivier parle de la folie de sa mère. Sur le plateau, cinq comédiens (dont Émilien Benoît le metteur en scène des « Caprices de Marianne», et Thomas Vignolles Ha-Van, le créateur lumière) questionnent le besoin d’émancipation. Ils cherchent comment vivre avec leurs traumatismes d’enfance et les liens ancrés au plus profond d’eux. «Ensemble, ils posent la question de l’atavisme. Leur sincérité les mène à aborder les thèmes les plus dévorants dans la construction de soi : L’abandon, la folie, la mort, l’amour fraternel… La pièce se construit alors dans une mise en abîme : les comédiens cherchent à en découdre avec l’attachement à la famille en incarnant des personnages en prise avec elle. Par le théâtre, ils cherchent la vérité, inatteignable, de leur être», précise Olivier Duverger Vaneck qui évoque ici en filigrane de douloureux moments de la vie de sa famille. Ce projet sera suivi en 2020 avec une création au Théâtre Transversal d’Avignon de « Seul(s) » un seul en scène qu’il interprète lui-même, mis en scène cette fois par Thomas Vignolles Ha-Van. L’auteur présentant sa pièce de cette manière : «Il y a Vierzon, Question pour un champion, Jacques Brel. Il y a son obsession pour la cigarette, ses amours perdues, ses séjours en hôpital psychiatrique. Il y a la maladie de sa mère, le rire de son père, la dureté de sa grand-mère. Il y a ses mots, drôles, bruts, sincères qui traduisent peu à peu son implacable folie. Il s’accroche alors à l’essentiel: son humour, ses rêves, et son envie de vivre. Malgré tout. Seul. Comme sa mère. Seul. Comme son père. Seul. Comme tous ses fantômes familiaux. Seuls». Et de préciser : «C’est l’histoire d’un homme qui raconte son histoire, ses origines,. Il est seul dans sa chambre psychiatrique et on se demande d’où vient sa folie. Cette pièce parle de failles, d’envie de vivre, mais on n’est jamais dans la plainte. Je voulais raconter des choses graves avec humour, et cette pièce est comme un manifeste». «La tragédie grecque c’est d’abord la famille derrière les Dieux», avance -t-il. Et de confier combien l’avait impressionné le livre «Mars» de Fritz Zorn, ce chef d’oeuvre d’un écrivain mort peu après la publication posthume de son récit en France (publication présentée et défendue en son temps à la télévision par Jean d’Ormesson bouleversé par les propos de cet écrivain suisse qui disait en substance combien il était normal qu’il eut développé un cancer avec la famille qu’il avait). Aventure théâtrale interrompue par le confinement «Seul(s)» sera redonné en Avignon dans le Off 2021.

Un projet théâtral autour du sport

Ayant joué au cinéma et au théâtre également dans «L’odeur de la ville mouillée» de Marie Causse, mis en scène par Margaux Conduzorgues, infatigable et plein d’idées nouvelles, soucieux des autres et animé du principe de résilience, Olivier Duverger Vaneck écrit en ce moment un roman et s’est attelé à un projet présentant une analogie entre le sport et l’artiste. «J’ai découvert que Pasolini aimait le foot qui était selon lui une terre sacrée, comme le culte à l’église. Cela m’a passionné ainsi que les textes de Blondin sur le cyclisme ou ceux de Paul Fournel», raconte-t-il. Jugeant qu’un grand film ou qu’une grande pièce relève avant tout de la sincérité et ce, quelle que soit sa puissance technique, le comédien-écrivain aime Tchekhov et Shakespeare «parce qu’ils te parlent à chaque instant de toi et de la vie». Un peu son credo d’artiste…
Jean-Rémi BARLAND

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