On a aimé : « Un été au Kansaï » le dernier livre de Romain Slocombe

Publié le 19 octobre 2015 à  23h33 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  20h42

Lettres et paroles de vaincus

Romain Slocombe (Photo Jean-Raymond Hiebler)
Romain Slocombe (Photo Jean-Raymond Hiebler)
Quel message nous délivrent les nuées qui peuplent le ciel? Comment les lire, les interpréter? Les écrire? Romain Slocombe, en retrouvant avec inspiration les mille et une nuances du roman épistolaire nous en donne une interprétation. Il le fait de bien belle manière avec « Un été au Kansaï », où lentement, doucement, avec le tact de touches successives, il interroge les pièges de l’existence, broyée par des mécaniques effroyables. C’est la guerre, que Friedrich Kiessler, en mission diplomatique pour le IIIe Reich à Tokyo, tente d’éviter, d’esquiver, d’oublier. Il n’est pas lâche, simplement un allemand moyen, vaguement raciste, pas guerrier pour deux sous. Un amateur de jazz savourant « les Mille et une nuits » qui fuit la conscription tout en s’accommodant du système que le Fürher et ses sbires mettent en place. Seulement, le jeune homme qui part au bout du monde est rattrapé par la tourmente. Pendant que les assauts des Alliés font plier les nazis, engagés sur le front du pacifique, les Américains déploient des tapis de bombes sur Tokyo.

Retrouvailles réussies avec le Japon

page9_slocombe_uneteaukansaicopie.jpg
Le jeune diplomate quitte alors son poste et met cap au sud. Pour découvrir un Japon éternel, comme hors du monde où il se laisse bercer. C’est ce « recul » que nous raconte sa correspondance avec sa sœur Liese, restée en Allemagne, dans les horreurs du conflit qui vient bousculer la « fugue » de Friedrich. A travers la peur qu’il exprime pour les siens, il laisse effleurer la parole de ceux qui vont perdre la guerre, Japonais ou Allemands, qui deviennent perplexes face à l’idéologie nazie, tandis que passent, haut dans le zéphyr, « trois B 29, pareils à des poissons d’argent, glissent d’est en ouest« . On connaît la suite… Ce livre nous fait penser à des estampes, où se composent des motifs, par ajouts successifs, avec un luxe de détails qui donnent à voir un Japon où l’éternité est un horizon indépassable, tandis que la guerre et son cortège d’horreurs fissurent cette vision idyllique. « Un été au Kansaï » marque aussi les retrouvailles réussies de Romain Slocombe avec le Japon, source intarissable de son œuvre, tant avec la BD, les photos, les illustrations, les nouvelles, que les romans. Les éditions Arthaud ont eu un riche idée d’aller titiller l’imagination de cet auteur prolifique, chez qui l’horreur se combine avec intelligence à la clarté des camélias…
Baptiste BILGERTH

« Un été au Kansaï » de Romain Slocombe aux Éditions Arthaud – 372 pages – 19,90 €.

Articles similaires

Aller au contenu principal