On a vu « Falstaff » à l’Opéra de Marseille : du rififi dans la basse-cour

Publié le 5 juin 2015 à  17h48 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  19h16

Meg Page, Mrs Quicly, Alice Ford et Nannetta ourdissent leur complot contre Falstaff (Photo Christian Dresse)
Meg Page, Mrs Quicly, Alice Ford et Nannetta ourdissent leur complot contre Falstaff (Photo Christian Dresse)

Pur bonheur que cette production de l’ultime opéra de Verdi donnée à l’Opéra de Marseille et dont la première était jouée jeudi soir. Bonheur, ou plutôt bonheurs avec un «S» majuscule. Par la grâce de la mise en scène de Jean-Louis Grinda qui installe les joyeuses commères de Windsor en tant que pintade (Alice Ford), poules (Meg Page et Mrs Quickly) et poulette (Nannetta) au sein d’une basse-cour où le vieux coq Falstaff, obèse et alcoolique, a encore les ergots qui le démangent du côté de sa libido. Pour livrer cette farce parfois très cruelle, Grinda a choisi la fable tout droit sortie des livres qui, sur le plateau, marquent les espaces où se déroule l’action.
Des livres qui se ferment, mais qui s’ouvrent aussi sur des décors d’albums pour enfants, ces décors de carton qui se déplient et font rêver. Ce faisant, le metteur en scène ne perturbe absolument pas les caractères des personnages, nous donnant l’occasion d’une vision au second degré qui renforce la réflexion sur la condition humaine. En ce sens le travail de Jean-Louis Grinda et de son assistante Vanessa D’Ayral de Serignac mérite d’être salué et apprécié. Ce qui a été le cas jeudi soir à l’issue de la représentation.
Puis il y a la partition. L’ultime de Verdi, celle que certains n’hésitent pas à qualifier de chef d’œuvre. Avec cette composition, Verdi se place à la croisée des chemins et se tourne vers l’avenir. Il préfigure ceux qui vont venir derrière lui, Stravinsky et les autres.
Lawrence Foster, le directeur musical de l’orchestre de Marseille, qui dirige cette production, nous confiait à l’issue de la représentation que cette partition était sans commune mesure, au niveau de la difficulté, avec «Le Vaisseau fantôme» de Wagner. Et c’est vrai que ça n’arrête pas. Staccato et staccatissimo sont les consignes de jeu imposées plus de 40 fois par Verdi dans la marge de la partition. Jeudi soir, les musiciens de l’orchestre de l’Opéra et leur chef attitré ont fait briller cette œuvre, lui donnant toute sa dimension et un relief qui l’imposent dans l’histoire de la musique. Un travail tout en précision, mais aussi en couleurs et en volume.
Sur scène, la distribution n’a pas de mal a être en osmose avec la fosse. Chacun et chacune joue sans grossièreté, sans vulgarité, dans la peau, les poils et les plumes des personnages. Un travail de tous les instants avec des attitudes d’animaux discrètes, mais bien présentes, qui n’occultent en aucune façon l’humanité des personnages. Sabine Devieilhe, en « pintadette » énamourée, est une Nannette impayable. Prise de rôle totalement réussie pour la soprano qui a eu l’occasion de faire apprécier ses qualités vocales, sa précision, sa ligne de chant et l’étendue de son registre. A ses côtés, Patrizia Ciofi, est une Alice Ford de classe, dont la voix n’a aucune difficulté à s’imposer. Annunziata Vestri et Nadine Weissmann qui incarnent Meg Page et Mrs Quickly sont aussi de la fête scéniquement et vocalement.
Ford, se fait passer pour un dénommé Fontana auprès de Falstaff pour mieux se venger de ce dernier (Photo Christian Dresse)
Ford, se fait passer pour un dénommé Fontana auprès de Falstaff pour mieux se venger de ce dernier (Photo Christian Dresse)

Côté masculin, difficile de trouver quelque chose à redire. Nicola Alaimo est un Falstaff monumental à la voix aussi énorme et puissante que sa bedaine, Jean-François Lapointe, toujours en forme, un Ford de première classe et Enea Scala, le bien nommé, incarnant Fenton, coquelet dans la force de la jeunesse, beau ténor clair et puissant. Carl Ghazarossian, Rodolphe Briand et Patrick Bolleire, respectivement Docteur Caïus, Bardolfo et Pistola sont au haut-niveau des précédents, tant vocalement que scéniquement. Le chœur est, quant à lui, tout en finesse et très agréable. Un petit mot, aussi, pour saluer le travail des enfants qui jouent les insectes et animaux dans la forêt et un grand bravo, enfin, au jeune Matteo qui n’est autre que le poussin coq, page de Falstaff, qui affirme déjà une belle personnalité. Alors, n’hésitez pas une seconde, courez voir ce «rififi dans la basse cour», un moment de purs bonheurs.
Michel EGEA

Pratique
Représentations les 6, 9 et 11 juin à 20 heures, le 14 juin à 14h30. Réservations : 04 91 55 11 10 – 04 91 55 20 43. Plus d’info : Opéra de Marseille.

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