Publié le 4 mai 2017 à 23h44 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h45
A force de l’écrire, l’expression pourrait être considérée comme galvaudée. Mais seuls les pisse-vinaigre, mauvais esprits et langues de vipères seraient à même de le penser. Oui, Sabine Devieilhe est au sommet de son art, oui elle est radieuse, heureuse, rayonnante, lumineuse à l’image de sa voix. Cette production de «Lakmé », nous l’avions découverte, il y a un plus d’un an, sur la scène de l’Opéra d’Avignon. A l’époque, nous avions titré notre compte rendu sur une Sabine Devieilhe «stratosphérique»; le qualificatif nous avait alors été glissé à l’oreille par Nicolas Cavalier. Une saison et une maternité plus tard, la soprano est aujourd’hui maman d’un bébé de six mois, elle tutoie toujours les étoiles et la perfection, son air des clochettes étant devenu légendaire tout comme son incarnation de la jeune hindoue, fille du paria ! Mercredi soir, au terme de la première, une salle a de nouveau chaviré de bonheur acclamant à tout rompre la jeune femme… Et son interprétation sans faille. La voix est délicate, veloutée, sensuelle, la ligne de chant franche et puissante, les couleurs omniprésentes et la précision de tous les instants. Sabine Devieilhe a aussi un autre avantage : elle ne chante pas pour elle mais pour ceux qui l’écoutent ; elle offre totalement sa voix aux autres, ce qui, quelque part, doit faciliter la qualité de l’émission sonore. Quel bonheur, dès lors, d’être témoins de ce partage et de recevoir comme un présent cette prestation artistique.
Aux côtés de l’héroïne, Nicolas Cavalier est toujours un Nilakantha exceptionnel mettant à profit sa tessiture de basse qui n’a aucun mal à « barytoner » pour passer du père bienveillant au vengeur implacable : une prestation remarquable. La ligne de chant de Julien Dran est belle, mais le ténor, qui incarne Gérald, est confronté à deux ou trois reprises à des difficultés dont il se sort avec l’aide de sa technique affirmée. Nous avons particulièrement apprécié le Frédéric de Marc Scoffoni, baryton assuré et excellent comédien. Du côté des femmes, Majdouline Zerari est une belle Mallika, Cécile Gallois une idéale gouvernante britannique, Anaïs Constant une insouciante jeune amoureuse et Emmanuelle Zoldan, la réaliste sœur de la précédente : un quatuor de voix de qualité. Qualité, aussi, pour le Hadji de Loïc Félix, chez les hommes. Comme il en a désormais la bonne habitude, le chœur de l’Opéra est beau, sensible, précis et coloré et sous la baguette de Robert Tuohy, l’orchestre est excellent mettant en valeur les qualités de la partition de Léo Delibes. Concernant la mise en scène, rien de plus à dire que ce que nous avions écrit, il y a un an : elle nous laisse insensible, tout comme les décors à l’image de ce plastique mou symbolisant un tas de terre au premier acte ou des casseroles et boîtes de conserve figurant une ville d’Inde au deuxième acte. Les voix sont là, et c’est le principal ; vous pouvez donc fermer les yeux et vous envoler vers les rives du Gange aux accents cristallins de « Lakmé ».
Michel EGEA
Pratique . «Lakmé » de Léo Delibes, autres réprésentations les 5, 9 et
11 mai à 20 heures, le 7 mai à 14h30. Réservations au 04 91 55 11 10 ou au 04 91 55 20 43 – opera.marseille.fr