Publié le 29 septembre 2017 à 18h51 - Dernière mise à jour le 28 octobre 2022 à 17h39
Ouverture de la saison lyrique, jeudi soir à l’Opéra de Marseille, avec «Le Dernier jour d’un condamné» l’œuvre de David Alagna, pour la musique et des trois frères, Roberto, David et Frederico, pour le livret inspiré du roman éponyme de Victor Hugo. L’opéra fut créé en version concertant à Paris en 2007 et en version scénique à Debrecen deux ans plus tard. C’était donc une première représentation à Marseille devant un parterre qui affichait clairement de grands vides, la présence de Roberto Alagna ne garantissant plus, semble-t-il, le remplissage de la salle. Puis on sait le peu d’entrain du public local à venir découvrir des partitions contemporaines. Ajoutons la morosité ambiante et le poids du sujet traité : il n’en fallait pas plus pour arriver au triste constat décrit plus haut. Dommage.
Ce plaidoyer contre la peine de mort, même s’il installe une lourde et grise chape de plomb au dessus de la scène, même s’il instille une infinie tristesse dans les âmes, même s’il finit par générer remord et révolte, vaut d’être découvert. Et ce pour plusieurs raisons. Pour la musique, tout d’abord. David Alagna a composé une œuvre puissante et harmonieuse qui tient plus, parfois, de la belle et grande musique de film que d’un délire dodécaphonique. Superbement servie par la main gauche du directeur musical Jean-Yves Ossonce (la droite étant blessée) et par les musiciens de l’orchestre de l’Opéra, la partition livre de belles ambiances, parfois lourdes et chargées mais toujours très bien écrites. Puis il y a la mise en scène de Nadine Duffaut. Entre deux antichambres de la mort : une cellule du 19e siècle dans une prison française et une contemporaine dans une prison pour femmes aux USA (un pays indéfini, selon l’argument), la metteuse en scène installe le drame et l’intensifie progressivement jusqu’au fatal paroxysme. Elle joue avec les deux univers carcéraux pour analyser les sentiments ; peur, incompréhension, fatalisme, acceptation, révolte : rien ne manque et le côté émotionnel est exacerbé avec la présence des deux enfants qui « hériteront » malgré elles d’un passé parental difficile à gérer. Avec Roberto Alagna et Adina Aaron, Nadine Duffaut a la chance de pouvoir travailler sur les talents de comédiens des deux interprètes pour leur procurer cette chair émotionnelle qui fait tressaillir le spectateur. En son temps cette mise en scène a obtenu un prix dans un festival international. C’était amplement mérité et, pour ce travail, ainsi que pour le propos qu’il véhicule, il est important que cette production ne tombe pas dans l’oubli et continue de vivre. Taillée sur mesure pour Roberto Alagna, cette partition, tout au moins dans l’interprétation qui en fut donnée jeudi soir, permet à Adina Aaron de submerger la scène de son talent de comédienne et de ses qualités vocales. Comme possédée par ce rôle elle nous tire des frissons et son grand air, en deuxième partie, restera dans les mémoires. Roberto Alagna, lui, est aussi impressionnant scéniquement et vocalement. Mais il nous a moins ému qu’il y a quelques années en Avignon. Aux côtés des deux condamnés, les comprimari s’acquittent parfaitement de leurs tâches respectives contribuant à la bonne impression d’ensemble, tout comme le chœur. Mention, aussi pour la récitante Catherine Alcover et la violoniste Alexandra Jouannié chargées de mettre en avant le texte de Victor Hugo en ouverture de chaque partie… «Montez vers l’avenir, montez vers les clartés ; / mais ne vous laissez plus entraîner ! Résistez ! / Résistez quelque soit le nom dont il se nomme, / à quiconque vous donne un conseil contre l’homme.» Michel EGEA
Pratique. Autres représentations dimanche 1er octobre à 14h30, mercredi 4 octobre à 20heures. Réservations au 04 91 55 11 10 ou 04 91
55 20 43 – www.opera.marseille.fr