On a vu à l’Odéon – « La fille de Madame Angot » : jeux de l’amour sous le directoire

Publié le 25 novembre 2018 à  20h45 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  19h22

Caroline Géa, Alfred Bironien et Philippe Ermelier, trio exceptionnel réuni sur la scène de l’Odéon. (Photo Christian Dresse)
Caroline Géa, Alfred Bironien et Philippe Ermelier, trio exceptionnel réuni sur la scène de l’Odéon. (Photo Christian Dresse)
Laurence Janot, somptueuse en mademoiselle Lange. (Photo Christian Dresse)
Laurence Janot, somptueuse en mademoiselle Lange. (Photo Christian Dresse)
Ainsi Madame Angot avait la cuisse légère… On lui prête bien des amants au nombre desquels le pacha de Constantinople. L’une de ses parties de jambes en l’air sera ponctuée, neuf mois plus tard, par l’arrivée d’une progéniture de sexe féminin. Mais Mme Angot devait avoir la cuisse plus légère que n’était développée sa fibre maternelle et c’est par le peuple des Halles que Clairette sera élevée, les marchands lui permettant, même, de recevoir son éducation dans un pensionnat chic pour jeunes filles… Passées les heures sombres de la terreur, le directoire s’est installé en France. Cocardes tricolores au bonnet, «incroyables» et «merveilleuses» sont de sortie. Clairette Angot, elle, ne veut pas du mariage qu’on lui réserve avec le coiffeur Pomponet. Elle préfère, de loin, les charmes d’Ange Pïtou, chansonnier royaliste au physique séduisant qui passe sa vie entre la rue et la prison… Un amoureux qui ne résistera pas aux attraits de Mlle Lange, actrice, elle aussi à la cuisse accueillante. Considérée, à tort, comme une opérette, cette «fille de madame Angot» est un opéra comique, un vrai. La composition du prolifique Charles Lecocq est solidement structurée, superbement écrite et comporte des parties lyriques parfois redoutables, notamment pour Mlle Lange et Pitou. Ce n’est pas pour rien que «La fille de madame Angot» traverse les siècles et demeure l’une des œuvres lyriques les plus jouées. C’est samedi que nous sommes allés chercher bonheur du côté de l’Odéon, en haut de la Canebière, pour la première représentation programmée par Maurice Xiberras. L’occasion de retrouver Emmanuel Trenque à la direction de l’Orchestre de la maison, soit 20 musiciennes et musiciens et un nouveau premier violon en la personne d’Alexandra Jouannié, Cécile Jeanneney ayant décidé de passer l’archet après quelques saisons de bons et talentueux services. L’orchestre de l’Odéon a gagné en qualité depuis l’arrivée de Maurice Xiberras à la direction de la maison et, pour cette «fille de madame Angot», il sonne à la perfection sous la baguette dynamique d’Emmanuel Trenque qui fait briller cette musique. Cette production bénéficie d’une mise en scène actualisée de Jack Gervais ; connaissant bien les lieux ce dernier se joue de l’exiguïté du plateau pour faire bouger intelligemment sa troupe et mettre en valeur les qualités, jeux et voix, des artistes conviés à la fête. En haut de l’affiche, deux femmes exceptionnelles de talent, les soprani Caroline Géa et Laurence Janot. La première donne au rôle titre toute sa jeunesse et son insouciance avec son sourire permanent, sa voix facile et bien placée et une aisance de tous les instants. Elle nous séduit à chacune de ses sorties marseillaises et nous la retrouverons avec joie dans quelques jours, sur la même scène, pour «Un de la Canebière ». En idéale Mademoiselle Lange, Laurence Janot use de sa plastique somptueuse et de sa voix solide et puissante, affrontant sans coup férir les difficultés d’une partition qui descend puis monte soudainement dans les aigus ; sa ligne de chant est directe et sa projection parfaite. Elle donne rendez-vous à ses fans en fin d’année à l’Opéra où elle incarnera Flora dans une «Traviata» mise en scène par Renée Auphan et dirigée par Nader Abassi. A leurs côtés, Jeanne-Marie Lévy est une Amarante pleine de gouaille et de personnalité. Chez les hommes, nous avons été particulièrement séduits par le Pomponnet d’Alfred Bironien, beau ténor limpide à la projection parfaite ; il livre ici une belle performance. Philippe Ermelier est un solide Larivaudière, Eric Martin-Bonnet un Lauchard idéal et Régis Mengus un charmant Ange Pitou qui trouvera la plénitude de ses qualités vocales à partir du 2ème acte. Claude Deschamps, Trénitz, Jean-Luc Epitalon, l’officier et Rodolphe Cappelletti, un hussard, complètent idéalement cette distribution. Une mention, enfin, pour le chœur Phocéen bien préparé par Rémy Littolff.
Michel EGEA
Prochain rendez-vous à l’Odéon : «Un de la Canebière» de Vincent Scotto les 8 et 9 décembre prochains à 14h30. Réservations. : 04 96 12 52 70 – odeon.marseille.fr

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