On a vu à l’Opéra de Marseille – Élégance et mélancolie d’Eugène Onéguine

Publié le 14 février 2020 à  10h32 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  9h46

Lenski, Thomas Bettinger, Jean-Marie Delpas, Zaretski et Onéguine, Régis Mengus, se préparent au duel. Photo Christian Dresse
Lenski, Thomas Bettinger, Jean-Marie Delpas, Zaretski et Onéguine, Régis Mengus, se préparent au duel. Photo Christian Dresse
Faut-il obligatoirement plonger dans le vivier lyrique russophone pour composer la distribution d’Eugène Onéguine ? Maurice Xiberras, le directeur général de l’Opéra de Marseille, ne s’est, semble-t-il, pas posé la question à l’heure d’engager les forces vives appelées à incarner les protagonistes de ces «scènes lyriques», nom que Tchaïkovski aimait employer pour parler de son opéra. Des scènes que le compositeur est allé trouver en lisant Pouchkine et qui lui ont donné la possibilité de composer l’une de ses plus belles œuvres, voire la plus belle. Musicalement, c’est frissons de A à Z pour accompagner un drame qui verra Onéguine refuser l’amour de Tatiana, tuer son ami le poète Lenski en duel après un quiproquo survenu au cours d’un bal où, par jeu, il est allé «draguer» Olga, sœur de Tatiana et amoureuse de Lenski, avant de s’exiler puis de retrouver Tatiana deux ans après, au bal du Prince Gremine avec lequel la jeune femme est mariée. Les deux se diront leur amour devenu impossible car Tatiana entend être fidèle au Prince laissant Onéguine à sa triste solitude. Intemporelle, la mise en scène d’Alain Garichot est d’une intelligente sobriété permettant à chaque caractère de s’affirmer sur scène sans être perturbé par des fanfreluches ou autres accessoires malvenus. La partition, c’est Robert Tuohy qui a la charge de la faire vibrer avec la complicité des instrumentistes de l’orchestre de l’Opéra. Le maestro cisèle les notes et met en place des ambiances superbes, parfois éloignées de la «russitude». Mais c’est tellement beau. Ceux qui ne manquent pas d’âme russe, ce sont les chœurs qui excellent préparés superbement, comme à l’habitude, par Emmanuel Trenque . Ce dernier n’a pas hésité à les faire travailler avec une coach linguistique et il a eu raison. Pour choisir les solistes, donc, Maurice Xiberras a fait majoritaire du made in France. Et au bout du compte on ne peut pas dire qu’il ait eu totalement tort même si les intonations slaves sont très spécifiques et difficiles à reproduire sans travail long et ardu. Marie-Adeline Henry est une très émouvante Tatiana qui ne manque ni de charme, ni de médium dans sa voix à la belle ligne de chant mais pêchant dans les aigus. Joviale et maîtrisant parfaitement son chant, la mezzo Emanuela Pascu fut une Olga idéale alors que les rôles de Madame Larina et Filipievna étaient dévolus avec bonheur aux voix éprouvées de Doris Lamprecht et Cécile Galois. Élégant Eugène Onéguine, Régis Mengus prenait le rôle en ce soir de première. On aurait aimé un peu plus d’assurance vocale chez le baryton mais le challenge a certainement pesé sur lui. Précis, puissant, Thomas Bettinger fut un très émouvant Lenski, notamment dans son air précédant le duel et Nicolas Courjal un triomphant Prince Gremine empli de sensibilité avec une voix captivante et souple qui a séduit l’auditoire. Le Monsieur Triquet d’Eric Huchet est adorable alors que Jean Marie Delpas campe idéalement un sombre Zaretski, Sevag Tachdjian et Wilifried Tissot complétant sans faille cette distribution. Une œuvre élégante et mélancolique dans une production qui mérite d’être découverte.
Michel EGEA
Eugène Onéguine, de Tchaïkovski, à l’Opéra de Marseille. Représentations dimanche 16 février à 14h30 et mardi 18 février à 20 heures. Location : 04 91 55 11 10 – 04 91 55 20 43 – plus d’info et réservations: opera.marseille.fr

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