On a vu au Festival d’Aix-en-Provence : un « Turc en Italie » jubilatoire

Publié le 16 juillet 2014 à  16h33 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h56

Zaida (Cecelia Hall) et Fiorilla (Olga Peretyatko), face à face de deux rivales qui se disputent le cœur du beau Selim, le Turc, venu chasser la gueuse en Italie (Photo Patrick Berger)
Zaida (Cecelia Hall) et Fiorilla (Olga Peretyatko), face à face de deux rivales qui se disputent le cœur du beau Selim, le Turc, venu chasser la gueuse en Italie (Photo Patrick Berger)

Parfois, l’opéra devrait être remboursé par la Sécurité sociale. Par exemple, prenez « Le Turc en Italie » dans sa production actuellement donnée au théâtre de l’Archevêché d’Aix-en-Provence. Voici un ouvrage thérapeutique de grande efficacité. D’abord, c’est un anti-dépresseur.
Par les temps qui courent ça sert. Ensuite, il fait rire, bien rire. Et les effets sont multiples : réduction des tensions musculaires, augmentation de la capacité respiratoire, effet positif sur le système cardio-vasculaire. Enfin, son côté sexy peut titiller la libido… Ce qui n’est pas le moindre effet thérapeutique de ce « Turc en Italie » !

Premier médecin prescripteur, le metteur en scène Christopher Alden qui signe là une mise en abyme particulièrement réussie. L’intrigue se noue au fur et à mesure que le poète Prosdocimo, à court d’inspiration en début de représentation, avance dans l’écriture de sa pièce. Une approche intelligente, vivante, qui ouvre la porte à la création en ne l’enfermant pas dans le carcan des conventions. Il livre une mise en scène parfois délurée mais en totale adéquation avec la veine «pirandellienne» où s’écoule le sang du spectacle. Un travail qui fait l’unanimité. Il faut dire, aussi, que pour servir sous ses ordres, Christopher Alden bénéficie d’une troupe lyrique hors du commun… Cette troupe rassemble sept autres médecins prescripteurs. L’omniprésent Prosdocimo de Pietro Spagnoli, tout d’abord. C’est lui qui, sur scène, donne le tempo au rythme de sa machine à écrire. Comédien jusqu’au bout des ongles, il est aussi un baryton en pleine possession de ses moyens vocaux. Le chant est franc, direct, limpide, et son côté «Paolo Conte» lui va à merveille, conférant un cachet « italianissimo » à son interprétation. On en redemande. A ses côtés, Olga Peretyatko est une Fiorilla « caliente, caliente… » Plastique de rêve, coquine à souhait, l’ancienne pensionnaire de l’Académie Européenne de musique est aussi très présente vocalement ; puissance et aigus à tous les étages même si la prise de risque scénique lui enlève un peu de justesse. Son barbon de mari, Don Geronio, est incarné par Alessandro Corbelli, plus vrai que nature. Le baryton, lui aussi «made in Italia» excelle scéniquement et vocalement. Avec lui on est à mi-chemin entre le clown du cirque Zavatta et la commedia dell’arte, la voix en plus. Quant au Turc, Selim, c’est Adrian Sampetrean qui lui prête avec bonheur ses traits… Et sa voix. Le ténor Lawrence Brownlee promène son Don Narcisso, amant malade et éconduit, de cour à jardin avec sa voix légèrement acide qui nous fait penser à la tessiture de Monostatos, même si notre homme a déjà incarné Tamino. Cecelia Hall est idéale en Zaida et Juan Sancho, impérial en Albazar; du très grand spectacle avec ce dernier au deuxième acte où il termine son aire en Fred Astaire du pauvre… Une mention toute particulière, aussi, pour les membres du chœur Aedes mis à contribution par la partition mais aussi par le metteur en scène. Ils s’en sortent idéalement.
Enfin, le dernier praticien à nommer, mais pas le moindre, c’est Marc Minkowski qui livre la musique de Rossini de façon très débridée, enthousiaste, avec envie, passion, gourmandise. Oui, gourmandise, pour croquer à pleines dents dans cette production réjouissante en compagnie des musiciens de son orchestre du Louvre-Grenoble qui font briller leurs couleurs de façon chaleureuse.
Alors, de cette médecine, on en redemande… Et même si ce n’est pas remboursé par la Sécu, c’est tellement bon, aujourd’hui, de se faire plaisir qu’on ne rechignera pas. Merci à tous et pour tout !

Michel EGEA

Pratique
Deux représentations, encore, pour tenter votre chance d’avoir des places : les 19 et 22 juillet à 21h30.
Renseignements et réservations : la Boutique du Festival, place des Martyrs de la Résistance, 13100 Aix-en-Provence. Tél. 0820 922 923. Festival d’Aix

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