On a vu au Grand Théâtre de Provence à Aix Pogorelich et Tabachnik dans une soirée loupée !

Publié le 15 octobre 2014 à  10h21 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h22

Au GTP d’Aix Ivo Pogorelich a donné du concerto pour piano de Schumann une version quasi militaire (Photo DR)
Au GTP d’Aix Ivo Pogorelich a donné du concerto pour piano de Schumann une version quasi militaire (Photo DR)

Pas sûr que la grande Martha Argerich eût aimé l’interprétation du concerto pour piano de Schumann donné ce mardi soir au Grand Théâtre de Provence (GTP) d’Aix-en-Provence par Ivo Pogorelich, son protégé des années 1980. Ni même qu’elle ait reconnu véritablement l’œuvre jouée tant le pianiste serbe l’a déconstruite pour en proposer une vision tout entière tournée vers lui-même et non destinée aux autres. De virtuosité Ivo Pogorelich n’en a pas manqué. La puissance ne lui faisant pas non plus défaut mais ce, au détriment de la sensibilité poétique que réclamait la partition. En rajoutant dans les attaques, faisant un usage intempestif de la pédale du piano, Pogorelich a multiplié les effets, frappant fort et constamment, jouant Schumann comme si c’était du Stockhausen. Servant ainsi l’œuvre avec une rigidité, une sécheresse, et un aspect martial des plus désastreux, Pogorelich, à des années lumière de l’interprétation tout en rondeurs de Vladimir Ashkenazy, passa son temps à bombarder le public de sons, offrant une lecture erronée de l’œuvre. Il n’aurait plus manqué à la direction d’orchestre que Laurence Equilbey, experte en sècheresse musicale. Heureusement il n’en fut rien, et ce fut même tout le contraire, puisque en la personne de Michel Tabachnik à la tête du Brussels Philarmonic il a trouvé un chef gommant les aspérités du clavier pour proposer une vision disons plus « sucrée » du concerto. Ayant bien du mal à le suivre, en désaccord constant sur le tempo, Tabachnik a enrobé le tout dans des grands mouvements amples et une approche constamment romantique et généreuse. A l’opposé de Pogorelich peu enclin à offrir quoi que ce soit au public sauf son souhait de jouer en laissant la salle allumée tout le temps du concerto, ses grands saluts un rien mégalo à la fin du concert qui s’est achevé sans le moindre rappel. Un raté de plus en somme. Quant à Tabachnik comme si la présence de Pogorelich l’avait anesthésié, et alors qu’il fut excellent dans l’ouverture de Léonore III de Beethoven, distinguant les uns des autres chaque bloc de l’orchestre, effectuant un beau travail de metteur en scène sonore, nous l’avons vu académique en diable sur la symphonie numéro 3 de Brahms. Une version un rien sirupeuse, sans grande imagination, concluant une soirée ô combien décevante, compte tenu de la personnalité foisonnante et du pianiste exceptionnel qu’on était venus entendre. Et qu’on aurait aimé adorer ! Ce ne fut pas le cas ! On a même parfois frôlé le désastre.
Jean-Rémi BARLAND

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