On a vu au Grand Théâtre de Provence. Pour Angelin Preljocaj « Le Lac des cygnes » c’est « no future »

Publié le 30 octobre 2020 à  22h13 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  12h19

Preljocaj embarque sa somptueuse et talentueuse troupe dans une aventure chargée de symboles illustrant la décadence inéluctable de nos sociétés (Photo Jean-Claude Carbonne)
Preljocaj embarque sa somptueuse et talentueuse troupe dans une aventure chargée de symboles illustrant la décadence inéluctable de nos sociétés (Photo Jean-Claude Carbonne)

Mardi 27 octobre vers 20 heures. La bande son déroule les ultimes notes de la partition de Tchaïkovski. Sur la scène les cygnes s’écroulent victimes, dans notre imaginaire, d’une marée noire assassine. Le lac a perdu son eau et l’usine crache la mort. C’est l’une des dernières images d’un «Lac des Cygnes» de forte personnalité. Pour la première fois de sa riche carrière de chorégraphe, Angelin Preljocaj a décidé d’embrasser cette œuvre iconique de la danse. Et il a bien fait. Nul doute que sa vision ne viendra pas rafraîchir l’ambiance lourde et sombre qui recouvre le monde actuellement. Mais qu’importe. Preljocaj embarque sa somptueuse et talentueuse troupe dans une aventure chargée de symboles illustrant la décadence inéluctable de nos sociétés. Pour Roméo et Juliette, c’est de l’univers d’Enki Bilal qu’il s’était emparé pour nourrir le drame des Montaigus et des Capulets. Pour son Lac des Cygnes, les images de Fritz Lang ne sont pas loin. En fait, Rothbart le sorcier et le père de Siegried sont des hommes d’affaires liés par un projet de nouvelle usine à construire sur les rives du Lac. Odette, qui a découvert le projet, est transformée en cygne. Siegfried tombera amoureux d’Odette mais au soir de la signature de l’accord pour la construction, c’est Odile, le cygne noir, double maléfique et sosie d’Odette qui séduira Siegfried par ruse avant que ce dernier ne découvre sa méprise. Il ne trouvera aucune consolation dans les bras de sa mère et retournera au lac pour la mort du cygne blanc broyé, comme les autres, par l’usine tentaculaire sortie de terre. Ici, le talent de Preljocaj est de faire alterner sur scène romantisme et réalisme cruel avec un égal bonheur, développant une chorégraphie moderne et riche tout en ne tournant pas le dos à la danse classique qui jalonne, souvent sous forme de clin d’œil, les deux heures de la représentation. Les ensembles sont puissants et remarquablement réglés, s’exprimant souvent sur la musique additionnelle et électronique de 790. Les vidéos de Boris Labbé, distillées avec intelligence, apportent indéniablement une dimension supplémentaire à l’étrange ambiance qui préside à la représentation. Les pas de deux de Siegfried et Odette/Odile sont beaux à couper le souffle et la scène, très sensuelle, entre le héros et sa mère fait frissonner. Pour la représentation de mardi soir au Grand Théâtre de Provence, les danseurs étaient ceux qui avaient créé la chorégraphie quelques jours auparavant à Clermont-Ferrand. Blanc ou noir, le cygne était Théa Martin, somptueuse et habitée pour des moments intenses en compagnie de son partenaire Laurent Le Gall. C’est Clara Freschel qui dansait la mère avec une présence émouvante. Baptiste Coissieu, le père, et Antoine Dubois, Rothbart, complétant avec bonheur le cast des solistes. Sur scène le cygne a été broyé par une société cupide qui s’autodétruit ; dans la vraie vie, l’envol de cette production a été stoppé net par un nouveau confinement pour cause de pandémie. Etrange coïncidence qui donne encore plus de puissance à la vision terriblement réaliste d’Angelin Preljocaj pour son « Lac des Cygnes ». No future pour notre monde ? Peut-être, hélas…
Michel EGEA

Les Théâtres : novembre noir

Face à la reprise de l’épidémie de coronavirus qui touche notre pays et solidaires des décisions prises par les pouvoirs publics et les autorités sanitaires, Les Théâtres, Gymnase-Bernardines à Marseille, Théâtre du Jeu de Paume et Grand Théâtre à Aix-en-Provence, sous la direction de Dominique Bluzet, sont fermés jusqu’au 30 novembre. Les représentations suivantes sont annulées : «Le Lac des cygnes», Grand Théâtre de Provence – 30 et 31 oct. «La Dispute» – Création Théâtre du Jeu de Paume – 03-06 nov. «Les Fables ou le jeu de l’illusion» – Création Théâtre du Gymnase – 03-07 nov. «Show Room» Théâtre des Bernardines – 04-07 nov. « L’Or blanc» Grand Théâtre de Provence – 06-08 nov. «Baobabs» – Création Grand Théâtre de Provence – 12-14 nov. «Laterna Magica» Théâtre du Jeu de Paume – 12-14 nov. «Ammonite» Grand Théâtre de Provence – 15 nov. «L’Oiseau migrateur» Théâtre des Bernardines – 17-18 nov. «Roberto Fonseca» Grand Théâtre de Provence – 18 nov. «Ah ! Perfido» Grand Théâtre de Provence – 21 nov. «Alain Chamfort» Grand Théâtre de Provence – 29 nov. Par ailleurs, dans le contexte actuel Les Théâtres sont également contraints d’annuler les représentations : « A Passage to Bollywood» Grand Théâtre de Provence – 09 et 10 dec ; «Batsheva Dance Company» Grand Théâtre de Provence – 17 et 18 dec ; «Le Pavillon des Pivoines», Ballet National de Chine Grand Théâtre de Provence – 8 et 9 janv.

Dominique Bluzet s’exprime sur les dernières annonces de confinement :

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