On a vu au Grand Théâtre de Provence : la clémence de « Lucio Silla »

Publié le 30 avril 2016 à  19h16 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h14

Mozart est âgé de 16 ans lorsqu’il compose «Lucio Silla». Un épisode de la vie du tyran romain qui renoncera à la violence pour faire preuve de cette clémence que l’on retrouvera chez Titus alors que le génie n’a plus que quelques mois à vivre… 19 ans séparent les deux compositions aux ressorts dramatiques communs : passion, jalousie et pardon.

Au moment des saluts, les protagonistes vocaux de « Lucio Silla » réunis sur scène autour de Laurence Equilbey et, dans la fosse, les musiciens heureux de l’Insula Orchestra (Photo M.E.)
Au moment des saluts, les protagonistes vocaux de « Lucio Silla » réunis sur scène autour de Laurence Equilbey et, dans la fosse, les musiciens heureux de l’Insula Orchestra (Photo M.E.)

C’est «Lucio Silla» qui était proposé, vendredi soir au Grand Théâtre de Provence, par Laurence Equilbey à la tête de son Insula Orchestra, du jeune chœur de Paris et d’une distribution digne d’un festival… Aix-en-Provence, avant-dernière étape d’une tournée débutée à Paris, passée par Le Havre et Vienne (en Autriche !) et qui s’achèvera lundi 2 mai à Versailles. Chaleureusement accueillie dans la capitale, en Normandie et sur les terres de Mozart au bord du Danube, cette production allait connaître un nouveau succès mérité dans la salle aixoise où Laurence Equilbey est comme chez elle depuis plusieurs années.

Les raisons du succès sont multiples. A commencer par une mise en espace originale et fort réussie signée Rita Cosentino, qui donne tout simplement, mais encore fallait-il y penser, une vie scénique à l’ouvrage qui totalise plus de deux heures et demi de musique, évitant la classique, et souvent soporifique, version concert. L’occasion pour les auditeurs, qui ont fait preuve d’une grande qualité d’écoute, de profiter pleinement des richesses de la partition. Richesses mises en valeur, et ce n’est pas la moindre raison du succès dont nous parlons plus haut, par le son d’un Insula Orchestra qui a désormais trouvé son équilibre et sa plénitude sous la direction de Laurence Equilbey. On a souvent reproché à cette dernière une conduite d’orchestre rigide et parfois trop similaire à celle d’un chœur, aujourd’hui la dame fait preuve certes de rigueur, il en faut, mais aussi de sensibilité, de rondeur, de classe à la tête de cet ensemble cohérent et chatoyant, solide à tous les pupitres. Et pour ce «Lucio Silla», Laurence Equilbey avait décidé de s’adjoindre les services des membres du Jeune Chœur de Paris, un choix plus qu’excellent, cette formation faisant preuve de maîtrise, de précision et de puissance. Puis, il y a les solistes, une distribution qui, comme nous l’avons écrit plus haut, peut faire des jaloux du côté des grands festivals. On nous avait annoncé Alessandro Liberatore souffrant ; alors qu’est-ce que cela doit être lorsque le ténor italien, qui chantait le rôle-titre, est en forme… Présence scénique, couleur, chaleur et puissance sont à mettre à son crédit. Quant à Franco Fagioli, qui prêtait sa voix à Cecilio, il a une fois de plus triomphé au Grand Théâtre de Provence, faisant preuve de ces qualités scéniques et vocales qui font de lui l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur, contre ténor en activité à l’heure actuelle.

Du côté de ces dames, Olga Pudova , enceinte de sept mois, est éblouissante. Elle incarne Giunia, le rôle psychologiquement et vocalement le plus éprouvant de l’ouvrage ; et elle le fait avec passion, mais aussi avec calme et intensité. Sa voix est posée, sans faille, et ses airs des deuxième et troisième acte sont des monuments.
Dans le rôle travesti de Lucio Cinna, Chiara Skerath, pensionnaire, entre autres, de la fondation Royaumont, affirme une belle personnalité et impose sa voix souple et puissante. Plus mutine et juvénile, la soprano belge Ilse Eerens a offert sa voix fraîche et agréable à Celia. Avec cette production de «Lucio Silla», le Grand Théâtre de Provence a vécu un nouveau moment exceptionnel. Personne ne s’en plaindra.

Michel EGEA

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