On a vu au Théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence: Quand Caubère passe le bac ça décoiffe !

Publié le 7 février 2018 à  15h56 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  17h56

Philippe Caubère est au Jeu de Paume d’Aix un peu comme chez lui. Cette ville, il la connaît bien. Pour y avoir fait ses études, passer le bac en 1968 et dix ans plus tard, en septembre 1978, pour y être venu présenter au Cinéma Cézanne (et ce à l’invitation de Marcel Guillaume) la première partie de «Molière» le chef d’œuvre qu’Ariane Mnouchkine défendait ce soir là dans une salle archi-comble. Depuis Philippe Caubère a fait de sa vie un roman : celui d’un acteur hors normes, hors cadre, esprit libre jamais là où on l’attend, capable de jouer dans «La gloire de mon père », dans «Truands» de Frédéric Schoendoerffer, monter «Urgent crier ! », d’après l’œuvre d’André Benedetto, partager l’affiche avec Galabru dans «Jules & Marcel» œuvre réalisée par Elie Chouraqui, ou enregistrer de sa voix inoubliable la lecture pour Gallimard/Audio d’extraits du roman d’Alexis Jenni «L’art français de la guerre» (2 CD MP3). Et puis, il y a cette série de spectacles donnés depuis plusieurs décennies qui l’ont conduit à se mettre en scène inlassablement et avec une énergie incroyable, raconter sa vie à l’aune de son imagination débridée.

Philippe Caubère : un
Philippe Caubère : un
En cette saison, Philippe caubère est donc de retour au Jeu de paume avec «Le bac 68 » qu’il a créé en 2015 au Théâtre des Carmes en Avignon, dans le cadre du Festival Off. Deux heures durant, dans un flot ininterrompu de paroles, Philippe Caubère se déchaîne, investit la scène sans décors, avec pour seuls accessoires une chaise, une sorte de cape rouge, et un drapeau rouge, brandi en fin de spectacle en chantant l’Internationale de manière décalée. Absolument pas réaliste l’écriture de l’acteur-écrivain qui a d’abord improvisé son texte devant Jean-Pierre Talihade et Clémence Massart, s’offre des moments rabelaisiens et d’une ironie voltairienne. Pour évoquer ce bac 68 passé à Aix dans des conditions rocambolesques (l’interrogation de Ferdinand par l’examinateur sur la Sibérie où le candidat qui ne sait rien confond Goulag et Goulash et sur l’incendie du Reichtag qui a simplement …..éclaté sont des moments d’anthologie), Philippe Caubère donne la parole à la mère de son personnage fétiche, son double fraternel. Défilent alors les années d’occupation, la course folle en 2 CV de la grand-mère traversant les oliviers de la Fare, le monde interlope du Paris d’après-guerre, et l’angoisse d’une mère qui exige de son fils qu’il passe d’abord son bac avant que de devenir comédien. Philippe Caubère défini par la journaliste Armelle Héliot comme un «Arlequin poli par le rêve» emprunte à la Commedia dell’arte toutes les astuces de jeu. Quelle mémoire que la sienne, car s’avaler un texte d’une telle longueur relève de l’exploit, ce qui est d’autant plus paradoxal ici puisque le personnage de la mère est frappée d’aphasie. Portrait d’une mère couvant voire étouffant son fils, évocation de Marseille, de la Provence et de ce mois de 68 où il est rappelé que cette époque fut singulière pour avoir vu durant un court laps de temps les étudiants, friands de manif se lever avant midi, cette pièce est un régal. Un grand spectacle d’un acteur-poète et témoin historique d’une époque fondatrice de toutes les utopies. Un régal !
Jean-Rémi BARLAND

Au jeu de paume, jusqu’au 10 février à 20h30. Sauf le mercredi 7 février à 19h. Plus d’info: lestheatres.net

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