On a vu au théâtre du Jeu de Paume à Aix: Toutes les héroïnes de Puccini sont-elles irrémédiablement condamnées à mourir d’amour ?

Publié le 20 février 2016 à  19h44 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  21h39

Madame Butterfly passera trois ans à scruter l’horizon espérant un panache de fumée qui lui ramènerait son officier américain. Le panache et l’officier reviendront. La mort aussi. (Photo Hilde de Windt)
Madame Butterfly passera trois ans à scruter l’horizon espérant un panache de fumée qui lui ramènerait son officier américain. Le panache et l’officier reviendront. La mort aussi. (Photo Hilde de Windt)

Butterfly, la Geisha se fait Hara Kiri lorsque Pinkerton l’odieux vient lui arracher leur fils en compagnie de sa nouvelle -et légitime- épouse; Tosca se jette du haut du château Saint-Ange en découvrant que les balles tirées sur son amant n’étaient pas à blanc; Mimi tuberculeuse au dernier degré vient expirer dans la mansarde de son Rodolphe qui ne l’aime plus depuis longtemps; Liu, la petite esclave s’offre à la mort, tel le christ en croix venu sauver le monde, pour préserver la vie de ce Prince Calaf qu’elle aime tant mais qui ne le lui rend pas… Dans son spectacle «Tanto Amore», elle les sonde, ces femmes, Simmone Moesen qui vient de se produire à deux reprises sur la scène du théâtre du Jeu de Paume. Ces héroïnes de Puccini sont toutes sacrifiées sur l’autel du romantisme exacerbé qui préfère voir défuncter sur scène le sexe dit faible que les gros bras. Alors la comédienne flamande analyse les situations tout en revisitant les caractères. Et si Pinkerton ne voulait plus de Butterfly parce qu’elle a des petits seins? La question est posée. Mais que l’on se rassure, c’est toujours la femme qui est sacrifiée même si, au dire de Simmone, elle le cherche bien. En fait, la seul qui survivra au carnage, c’est Turandot, elle si prompte à faire couper les têtes de ses prétendants, succombera finalement à l’amour du Prince Calaf; une petite mort dans les bras de l’homme ? Peut-être, mais un triomphe pour l’amour. Puccini avait-il été touché par une pointe de féminisme pour son dernier opus.
Conteuse et comédienne, mais aussi chanteuse, Simmone Moesen fait sourire, réfléchir et émeut. Son Vissi d’arte est électrisant. Certes la voix est particulière mais juste et elle n’hésite pas à monter haut dans la tessiture. Elle est superbement accompagnée par Kaat de Windt aux claviers et aux percussions et la mise en scène est intelligente (Alain Fourneau et Stef Depover). Il reste désormais à Simmone Moesen, Anna de «Le Villi», Fidelia poignardée par Tigrana dans «Edgar», Manon Lescaut qui meurt dans les bras de De Grieux; Sœur Angélique qui se suicide pour boucler sa liste des héroïnes «pucciniennes» passées de vie à trépas en musique.
Michel EGEA

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