On a vu aux Chorégies d’Orange : « Nabucco » en petite forme dans le vent et le froid

Publié le 10 juillet 2014 à  12h20 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h56

La totalité de la distribution réunie sur le plateau pour un « tutti ».  De g. à dr. : Marie-Adeline Henry, Dmitry Beloselskiy, Piero Pretti, Karine Deshayes, George Gagnidze, Martina Serafin, Nicolas Courjal et Luca Lombardo (Photo Chris Picart)
La totalité de la distribution réunie sur le plateau pour un « tutti ». De g. à dr. : Marie-Adeline Henry, Dmitry Beloselskiy, Piero Pretti, Karine Deshayes, George Gagnidze, Martina Serafin, Nicolas Courjal et Luca Lombardo (Photo Chris Picart)

Les intempéries ont contrarié la mise en place de cette nouvelle production de l’opéra de Verdi, «Nabucco», au théâtre antique d’Orange. Pluie, vent violent et froid pendant les répétitions et une générale qui s’est tenue la veille de la première. S’il ne pleuvait pas, mercredi soir, le mistral soufflait et la température était bien au-dessous des 20°! Il valait mieux avoir une polaire sur les épaules qu’un costume en lin… Ce qui n’a pas empêché le théâtre de faire le plein, l’heure des trois coups arrivée.
Puisqu’il est question de costume, taillons-en un sur mesure pour Jean-Paul Scarpitta qui signe une «non-mise en scène» étonnante, proche de l’encéphalogramme plat, soit une succession d’entrées et de sorties à cour et jardin et des déplacements de masses qui n’ont rien de très original. Les costumes sont assez laids, du moins c’est notre avis et les projections sur le mur sont, elles aussi, sans intérêt. C’est dit ! Et à ceux qui nous rétorqueront que le lieu est particulier, qu’il y a beaucoup d’artistes sur le plateau, et cætera, et cætera, nous conseillerons de jeter un regard en arrière sur le travail réalisé ici par des Charles Roubaud, Nicolas Joël et autres qui ont surmonté les mêmes contraintes pour des productions qui font date dans l’histoire des Chorégies.
Vocalement et musicalement, il y a du bon et du moyen. Petite déception, en effet, avec le «Nabucco» de George Gagnidze; s’il en impose physiquement, il manque un tantinet de puissance et de projection.
Dommage car la voix est bien en place. Il est un peu comme un vin qui promettrait beaucoup au nez et qui décevrait le dégustateur une fois en bouche. C’était une première, pour lui, au pied du mur. Gageons qu’il aura apprivoisé les conditions si particulières du chant dans ce lieu à nul autre pareil et que, la douceur estivale revenue, il donnera sa pleine mesure pour la deuxième représentation.
A ses côtés, Martina Serafin, qui elle aussi découvrait le théâtre antique, fut une bonne Abigaïlle. Passés deux ou trois petits moments de faiblesse, elle s’est imposée livrant un chant tout de puissance. C’est le rôle le plus exposé de l’ouvrage et elle l’a bien assuré. Karine Deshayes, elle, incarnait Fenena. Un rôle discret, presque effacé, qui ne favorise pas les grandes envolées lyriques. La voix est précise, souple, mais manque elle aussi d’un peu de projection. Totale satisfaction, en revanche, chez les femmes, avec Marie-Adeline Henry qui incarne Anna. Certes sa partie n’a rien à voir avec celle d’Abigaïlle, mais la jeune femme impose sa voix, notamment dans les ensembles où nous arrivions à distinguer ses aigus lumineux et puissants. Superbe.
Chez les hommes, Dmitry Beloselskiy prête ses traits à Zaccaria. Dans un registre qui relève plus du baryton basse que de la basse profonde la voix passe la fosse sans problème. Le chant est beau ; on regrettera seulement une légère carence dans les graves. Pour nous, la révélation de ce casting masculin est le ténor Piero Pretti, superbe voix pour Ismaele. Le chant est précis, puissant et ne manque pas de nuances. Une belle prestation. Nicolas Courjal et Luca Lombardo, respectivement le grand prêtre et Abdallo s’acquittent bien de leur tâche respective.
L’imposant chœur composé de voix venues d’Avignon, Montpellier, Nice et Toulon est bien en place. Et le tube que 8 000 paires d’oreilles attendait, ce «Va, Pensiero» à nul autre pareil, fut donné de fort belle façon, avec des nuances remarquables de beauté. Une qualité d’interprétation qui doit beaucoup à la direction musicale de Pinchas Steinberg. Défiant les rafales du mistral, le maestro a conduit ses troupes sur le chemin du succès musical. Les voix sur le plateau, mais aussi les instrumentistes de l’excellent Orchestre national de Montpellier qui a fait valoir ses couleurs et son brillant sous la baguette de celui qui est l’un des chefs les plus apprécié des musiciens. Et ne serait-ce que pour cette direction lumineuse, même dans la froidure d’un été en forme d’automne, ce« Nabucco» vaut le déplacement.
Michel EGEA

Pratique
Autre représentation, samedi 12 juillet à 21 h 45.
Réservations : 04 90 34 24 24. Choregies
Prochain spectacle : Carmina Burana de Carl Orff dirigé par Michel Plasson, le 17 juillet à 21 h 45.

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