« Oncle Vania » au Jeu de Paume à Aix – Vania, démiurge au cœur du monde: impossible plaisir humain.

Publié le 23 mars 2015 à  17h19 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h47

Oncle Vania (Photo Mation stalens)
Oncle Vania (Photo Mation stalens)

Après avoir eu la chance d’assister au spectacle unique donné au Jeu de Paume d’Aix avec une Romane Bohringer émouvante et des acteurs exceptionnels (Mathieu Rozé et Scali Delpeyrat en tête), une mise en scène de Pierre Pradinas qui fera date, des décors et des lumières somptueux, un apport musical touchant le cœur et l’esprit, il faut d’emblée dire que ce «Oncle Vania» de Tchekhov méritera de figurer parmi les grandes interprétations. Qu’on nous pardonne ce préambule, et la suite maladroite : nous voulons bien faire. Dans notre hâte à vouloir, à l’issue de la représentation à laquelle nous avons, poignée de privilégiés ne soupçonnant pas notre bonheur (et découvrant à mesure notre joie), assisté ; dans notre hâte à vouloir, dit-on, non seulement défendre et non seulement porter mais soutenir encore et de très haut et la pièce et le jeu et les chœurs et la scène, le juste ensemble donc de si haute volée… nous commencerons pourtant par les tempéraments.
Ce n’est peut-être pas en pure perte et en toute idiotie : ainsi radoucie et ramenée, sans perdre vraiment de sa saveur ni de sa capacité joyeuse, la boisson sera moins émolliente et moins vive. A vrai dire, on n’en perçoit que mieux les contours, ils glissent mieux sur la langue. Ce n’est point verbiage gustatif et sensualisme esthète que le dire : la thématique des sens et de leur perte, soit que la tête vous tourne soit qu’elle vous soit tournée, soit que quelque soleil ou que quelques vapeurs aient brûlé tout de bon et pupilles et papilles (d’où naît une grande désorientation et une incapacité plus funeste encore à se réorienter ensuite -en repartant du bon pied), ces sens perdus, ces sens déçus, ces sens égarés et confus que l’on cherche à retrouver pourtant, à tâtons et palpant jusqu’à la grossièreté mordante (sardonique et noire ; l’idéalisme du docteur succombe d’autant quand retombe par paquets l’enthousiasme), c’est bien le signe d’une forme d’absurdité stupide où nous sommes plongés ; et cette grossièreté des comportements résulte moins d’une amblyopie sur notre état que de notre impuissance irrésolue à nous plier au départ du plaisir. Alors on targue et l’on défie, on provoque pour continuer à revendiquer : sans vouloir déflorer et perdre tout le monde d’emblée (les liquides se noient mais le solide décante et le lourd retombe en lie et effondrilles ; on y verra plus clair), le fatalisme (qui n’est jamais complet) demeure une modalité de rébellion et l’acceptation du lot (la besogne et le labeur omniprésent mais plaints et déplorés, plutôt que le travail conçu et vécu sous son ambition d’œuvre) signe en même temps la déposition d’impuissance et le motif de plainte : vague et quelque peu lâche main courante du destin –sait-on jamais. Aucun pari, plutôt des impuissances en trombe et à tombeaux ouverts ; qu’il faut bien vivre.
La belle affaire : nous y sommes toujours et tous, en Russie ou à Göttingen.
Mais voyez comme on s’égare. On disserte déjà : pardon. Nous disions donc et y revenons, que nous apporterons d’emblée un peu d’eau au vin et que la chose ne pouvait du reste être tout à fait malheureuse –et hasardeuse. Tant de breuvage en effet dans cette pièce ! Et sous tant de mélanges mal appariés d’âmes diverses, pour façon d’alliages de plus mauvaise trempe… Encore n’enlevons-nous pas la bouteille : ce serait ingrat et n’avoir rien compris ; bien inhumain surtout.
Nous louons donc déjà le travail magnifique, la belle œuvre, la composition qu’on nous a faite et c’est bien ce dernier terme qui contribue à nos yeux le plus décisivement à poser l’avantage de l’excellente traduction d’Elsa Triolet (en personne) qu’il ne faudrait non plus oublier que passer sous silence ; mais plus loin (c’est-à-dire plus proche de nos affaires) le mérite et la valeur de l’excellente mise en scène de Pierre Pradinas, les effets lumineux et nombreux des sons et lumières, l’intelligence de la scénographie etc. ; enfin (les derniers seront les premiers) jusqu’au jeu des acteurs, magnifique dans l’ensemble et somptueux parfois. Impeccable n’est pas de ce monde, mais le compte y était et nous eûmes notre saoul. Au reste, de pécheur à pécheur, et puisque nous versons ensemble au vice, il y avait là toutes les apparences de la vertu dans le jeu de Scali Delpeyrat en Vania, de Matthieu Rozé en Astrov notamment… Leurs échanges offraient à nos yeux les plus justes répliques et, le feu se nourrissant du feu et leur feu bicolore (nous hasardons : couleur vieux fauve ici, bleu ciel là) se doublant sans s’étouffer mutuellement ni se jouer pièce (le malheur eût résulté d’une volonté de placement sur la même place ; point le cas ici, et les échanges ne réussissent que parce qu’ils se font, on le dit, « au marc le franc »), le tout était singulièrement lumineux et douillet -de là où nous étions.

Derechef pourtant nous forlignons, nous fourrageons trop loin et échouons à fournir ce que nous voulions dire enfin : les satanés tempéraments !
Dieu merci, ce n’en est du reste et non plus pas vraiment : les pièces de Tchekhov peuvent être abruptes en soi. Elles sont, à nos yeux, bien plus qu’une ascension brutale ou qu’un précipice, une forme de faux-plat. Sous les allures de la constance, voire sous les effets de la monotonie, elles vous poussent toujours sur un chemin peu tortillard mais qui grimpe pourtant. La hauteur s’accumule à mesure, lentement mais sans mollir. Cette dureté-ci est dans l’endurance, il faut avoir le cœur accroché et le souffle long quand l’effort est de longue haleine. Cette patience, tous ne l’ont pas toujours ; avouerons-nous modestement ne pas l’avoir toujours eue nous-même et avoir, horreur !, bâillé déjà –certes jadis et à l’âge encore vert, mais bâillé toutefois, devant sa Cerisaie… ?
Le singulier est ici probablement pour partie dans l’écriture et l’intrigue (l’intrigue qui n’en mène pas large à dire vrai, mais qui brasse en revanche tellement et si bien force thèmes et suivant tant de traces !) ; tout aussi sûrement la réappropriation que nous avons mentionnée contribue d’une manière décisive à rendre plus intelligible le texte, plus abordable la marche et la pitance digeste, de sorte qu’on a trouvé très aimable le sentier et beaux les paysages parcourus.

Voici pour l’essentiel et la pièce et la forme. Ce que nous voulions dire de compliments et ce qu’elle peut avoir à nos yeux de juste prétention et de fierté légitime. Nous avons éprouvé un grand et un immense plaisir ce soir de premier printemps, ce premier soir de l’enfin-printemps, débarrassés de cet ennui maudit (qui nous accable encore, pourtant, au sortir de l’hiver, et pour quelque temps) et que rappelle la pièce : elle tourne certes bien et rond (après traitement), mais « les jours raccourcissent ». Au reste le compte de nos jours lui, en dépit des printemps et aussi par leur faute… Las !

La réplique provenait de notre médecin Astrov, notre « astro-physicien » pas toujours bien luné (et partant, malotru comme le sont tous les « mal-astrés » –c’est l’étymon- à qui l’alignement défavorable et la conjoncture douloureuse valent ces difficultés), dont on ne sait trop s’il a un temps d’avance ou un train de retard. Elle s’inscrivait et se détachait d’une de ses sylves divines, de ses glanures païennes : l’Astrov sacré et sacrilège.
Précisons de plein saut qu’aucun des personnages n’est d’ailleurs clair car aucun n’a le cœur net ni le cœur à s’y mettre –à la démystification. Cette semi-habileté consciente dans la raison, cette enfance de l’art et cette volonté de persévérer dans l’enchantement de toutes les façons et fût-ce par les mirages ; mais sans tromperie sur la fin, sans véritable croyance toutefois dans le progrès possible ou la rupture d’un au-delà meilleur (qui se borne à n’être que « repos ») : voici bien où se loge l’angoisse, où tout « cloche », où ça coince et cuit. La solidarité de cette famille au sens large est d’ailleurs moins organique et nécessaire que fonctionnelle et triste : quand on ne peut tout à fait être soi-même de la partie, on ne peut se passer du reste et des gens qui en sont –ou qui essaient d’en être. De ceux qui font en sorte pour en sorte ne rien faire.

Voir par exemple Sérébriakov, le professeur et cérébral comme le nom l’indique, dont les lumières comptent plus de bougies mortes au matin que véritablement d’éclats et de grâce. Dragon jaloux pourtant de son écrin (et de ce monde, qu’il « tient »). Certes cet être-ci, qui n’en reste pas moins et pour longtemps le plus sûr de lui, isolé et rendu probablement plus obtus par son statut (ou sa posture) d’intellectuel, qui considère mal et sa personne et son sort (relire Fontenelle, sur la patience : « Un homme du commun ou ignore, ou reconnaît ses défauts avec assez de simplicité, pour les rendre en quelque sorte excusables ; au lieu qu’un philosophe païen, fier d’avoir acquis les siens à force de méditation et d’étude, leur donnait tous ses applaudissements » ; d’ailleurs d’Astrov à Sofia : « Les paysans sont pareils, tous, arriérés, ils vivent dans la crasse, et, les gens cultivés, il est difficile de s’entendre avec eux. » : les uns n’entendent rien et les autres ne s’entendent qu’eux-mêmes et (donc) point entre eux) : ce personnage donc, voici qu’à mesure que la pièce se déroule son compte est fait et que l’outre se vide. Goutteux et rincé, il se rabougrit et finit par « crever ». Il disparaît progressivement de la scène et c’est bien le premier à partir, à être évincé ou plutôt à s’évanouir dans l’oubli. De Vania son beau-frère : « Mais écoute ça, par contre. Un homme qui parle et qui écrit sur l’art pendant très exactement vingt-cinq ans et qui ne comprend rigoureusement rien à l’art […] pendant vingt-cinq ans, il parle et il écrit sur ce que les gens intelligents savent depuis belle lurette et qui n’intéresse pas les imbéciles ; et donc, pendant vingt-cinq ans, il ne fait rien que remuer du vent. Et pendant tout ce temps-là, pour qui ne se prend-il pas ! Quelles prétentions ! Il est à la retraite, son nom ne dit rien à personne, c’est l’inconnu parfait ».

Solidarité fonctionnelle, connivence aussi et ambiguïtés qui créent du lien : partout des liens et des ressemblances, du semblable et de l’analogue. L’oisiveté contemplative et intellectualiste du professeur qui se redouble par exemple chez sa femme laquelle est tout autant dans la complaisance et l’oisiveté que lui : mais une complaisance ocieuse, une oisiveté matérielle qui ne pousse ni ne va jusqu’à endosser tout à fait la volupté et la licence à quoi elle semblerait pourtant condamnée (Astrov à Elena : « Avouez, en ce monde, vous n’avez rien à faire, de but dans la vie, vous n’en avez aucun, vous n’avez rien pour retenir votre attention et, tôt ou tard, vous succomberez au sentiment c’est inévitable »). Mais cette volupté-ci, bréhaigne et qui « apporte la dévastation » et la ruine, est aussi la seule figure qui soit encore en mesure de « tourner la tête », seule et clairvoyante sur la scène, voyant les choses du haut et d’ensemble, celle du médecin Astrov –qui le reconnaît, encore.
De l’importance de garder toujours en tête ces nuances qui, chez Tchekhov, créent autant de différences qu’elles établissent de parallèles et le font même de conserve et à mesure : et n’est-ce pas l’avantage décisif et la lâcheté ambiguë des nuances sur les ruptures que d’élire sans décider ? Cette constellation familiale de bric et de broc ne constitue pas tout à fait un vrac : il y a du système là-dessous.
Il n’y a du reste aucune vraie décision (et aucune véritable intrigue non plus, superflue) dans cette pièce : plutôt des coups d’éclat (l’irruption du revolver et la menace matérialisée de la mort par la folie ancillaire, jusque lors latente et d’un coup enfin assumée : la boîte de Pandore était ouverte et le cosmos, « l’ordre » relatif et mollement malsain évoquant un long coma automnal dérangé tout à fait cette fois : secoué) et des conséquences nécessaires tirées (nous ne disons pas décisions, à dessein et par distinguo ! ; ainsi du départ de la propriété, de la séparation de la famille : la terre ayant tremblé, et la colombe s’étant réveillée, il ne restait qu’à renverser la table. Quoi d’autre pour tuer le dragon ?).
Mais pour en revenir à Elena : elle est «l’ondine» qui n’évolue que sous l’eau et qui suffoque à la surface. Elle n’est, comme le dit encore Astrov, que « principe de rhétorique, non de logique ». Tout amour entre cette étoile et cette sirène, cette Hélène (on l’a compris) arrachée à son fond(s), est trop impossible pour aboutir –moins sur le mode de la distance que de l’étrangeté. Cette rhétorique qui est la sienne est aussi et encore, comme ailleurs, une grande fatigue et plus encore un ennui : le fameux « ennui de vivre ». D’Astrov : « vous êtes paresseuse au point que cela vous ennuie de vivre ». D’où son repos sur le barbon d’intellection plus que d’intelligence, son contentement d’une morale facile c’est-à-dire d’une demi-morale « poltronne et bourrelée de remords » qui donne une contenance sans obligation de faire (simplement de s’abstenir), mais qui noie en même temps toute valeur, tout sens de la fidélité : dans cette demi-mesure permanente tout est dénaturé, « cette fidélité est fausse du début à la fin » comme l’indique Vania. Astrov d’ajouter « Elle n’a aucun devoir ce sont les autres qui travaillent pour elles. Et une vie oisive ne peut pas être pure ».
Nous l’avons dit et nous le répétons : un vertige qui échoue en vestige, une ruine. D’ailleurs l’aveu est clair, au cours d’un dialogue avec sa belle-fille Sophia :

Eléna : Tu m’en veux parce que j’ai l’air d’avoir épousé ton père par calcul… Si tu crois aux serments, je t’en fais le serment –je me suis marié par amour. J’ai été séduite par un homme tellement savant, tellement célèbre. L’amour n’était pas véritable –une apparence- mais, moi, à ce moment, j’avais l’impression qu’il était véritable. Ce n’est pas ma faute. Toi, depuis le jour de notre mariage, tu n’as eu de cesse de me châtier avec tes yeux intelligents et soupçonneux.
Sophia : Allez, la paix, la paix ! Oublions.
Eléna : Mais il ne faut pas regarder comme ça ; ça ne te vas pas. Il faut faire confiance à tout le monde, sans quoi on ne peut pas vivre.
Sophia : Dis-moi pourtant une chose, en toute conscience, comme une amie : est-ce que tu es heureuse ?
Eléna : Non.

Le désœuvrement d’Eléna a aussi quelque chose de hautain, de pèlerin, et qui tient de l’attitude, à l’image de son mari qui œuvre sans œuvrer vraiment : à Eléna lui reprochant ses bourdonnements à longueur de journée, fatigants, tandis qu’elle-même meurt d’ennui et ne sait pas quoi faire, Sophia rétorque que « le travail ne manque pas et qu’il suffirait de vouloir ». L’une vise la besogne d’apparence bête mais d’une certaine façon supérieure du point de vue de l’acceptation de ses limites et d’un ordre qui s’impose, tandis que l’autre estime précisément n’avoir aucun ordre à recevoir de personne (et de nulle part) et attend toujours l’heure, qui ne vient pas, de son œuvre : l’ouvrage et l’œuvre diffèrent, et la notion du travail, qui unit les deux personnages, les différencie aussi, puisqu’elle est diverse et que chacun s’entend. Eléna semble postuler aussi que l’œuvre peut se passer d’ouvrage : la main n’a rien à faire aux affaires et la pâte du créateur se modèle d’elle-même. Ce qui n’est pas sans rappeler la position de son docteur ès Arts de mari qui élucubre dès la sorgue et toute la nuit et qui s’applique à façonner une cire déjà chaude, ramollie, qu’il reprendra quoiqu’il en soit au lendemain, de plus en plus tardivement d’ailleurs, à pure perte et avec un effet toujours moindre, mais partant du principe idiot (et irréfléchi) qu’« il faut bien faire quelque chose ». Et qui enfin a le culot, en sus, de conclure, au moment de partir, par la réplique charmante qui suit, à l’endroit de Vania (qui s’est toujours décarcassé pour lui sans gratitude jamais) : « Il faut avoir une activité utile ».
Ensemble d’éléments qui en effet ne peut que plaire à demi à l’Astrov partagé entre ses pulsions de destruction certes (bien plus loin que l’abandon ou le laisser-aller d’Elena toutefois) mais aussi ses idéaux supérieurs et généreux : créateurs. Partagé… et peut-être à égalité. Après tout, aux dires même du texte celui-ci s’accorde une fois par mois le plaisir artistique et esthète de la peinture ; une fois par mois aussi et à fond celui de la biture… Encore que tout énoncé sur le quantum se heurte au quotidien, au gris, à l’indéterminé du continu : hormis les bitures, les cuites sont constantes ; et tout aussi pérenne la volonté (après la tentation) de s’en sortir par le haut, de briller au-dessus, de planter des arbres et, du haut de ces cimes, de respirer un air frais et clair.
« L’homme a été doué de raison et de force créatrice pour multiplier ce qui lui était donné, mais, jusqu’à présent, il n’a pas créé, il a détruit. Les forêts, il y en a de moins en moins, les rivières tarissent, le gibier a disparu, le climat est détraqué et, chaque jour, la terre devient plus pauvre et laide.
(A Vania) Tu me regardes d’un air ironique, là, et rien de ce que je dis ne te paraît sérieux… […] mais quand j’entends bruire ma jeune forêt, plantée de mes propres mains, j’ai conscience de ce que le climat lui aussi est un tant soit peu en mon pouvoir et que si, dans mille ans, les hommes sont heureux, eh bien, ça sera aussi, un tant soit peu, à cause de moi. Quand je plante un jeune bouleau, que je le vois se couvrir de feuilles et se balancer dans le vent, mon âme s’emplit de fierté et je… ».

Ce médecin qui entend réparer et qui entend créer -ce qu’il concilie par la plantation : créer les forêts, réparer les terres, et fournir des paysages durables qui rendront l’humanité heureuse (occasion peut-être de déplorer, de façon historique, l’influence dégressive –dégénérescence séquelle de la « routine sans conscience de la modernité » sur le mystère des choses, sinon sur les choses elles-mêmes et leur sens), ce médecin donc qui entend réparer et créer… et qui boit pour mourir, pour s’amortir, amatir son éclat.
Figure-miroir ici de celle de Vania comme nous le verrons plus loin, lequel boit pour survivre et dans l’espoir de puiser à cette source la force de vivre enfin.
Astrov est le plus brillant des personnages sans doute, et le plus lucide encore dans ses moments de veille : lucidité écarlate et douloureuse de l’astre au déclin dans son ciel bleu, nous l’avons vu. Plein d’un idéalisme désincarné néanmoins, il n’est pas moins contradictoire que les autres personnes et ne s’extirpe pas d’une fatalité supérieure (les Dieux mêmes sont soumis au dictamen du Fatum, et la dictature des hauts faits comme des basses œuvres s’exerce toujours, indistincte) : il voit clair dans le jeu des autres, et sans doute dans le sien propre. Ainsi de : « J’ai vieilli, je me suis usé au travail, je suis devenu un rustre, mes sentiments se sont émoussés […] je n’aime personne… et je n’aimerai plus. Ce qui me touche encore c’est la beauté. A ça, je ne suis pas indifférent » ; et plus tard à l’occasion d’une réplique à Vania : « Eh, mais arrête un peu ! Une vie nouvelle, tu parles ! Notre situation, à toi et à moi, elle est désespérée ». Cette lucidité n’est pas utile pourtant, las ! Elle est une vanité de plus. En effet certaines lucidités s’aveuglent encore : c’est le cas ici. Sur sa personne, il reconnaît la sensibilité aux attraits et appas ; il tourne la tête lorsqu’Eléna débarque sur le pont et la tentation, clairement charnelle et humble et humide : terrestre, reparaît alors. Saisi d’un vertige qui est l’appel de la chute, l’astre est proche de tomber. La rencontre est pourtant impossible, et le médecin s’y noierait. De sorte que par ironie c’est Eléna elle-même, tout aussi affolée « à l’envers », qui voit l’endroit des choses et exhume et déterre le vers qui manquerait à la rime : c’est Sophia.

La sage Sophia qui porte bien son nom et apporte clémence ; elle n’est pas bien belle, elle est plus laide peut-être mais ses épaules sont larges et capables de porter et soutenir le vaste front du médecin. Qui ne la voit, bien sûr. Elle seule sans doute serait en mesure de l’élargir de son angoisse, et réciproquement (le drame réside là) lui seul pourrait l’élargir du foyer où elle se consume avec douleur.
Eléna donc, qui avait été chargée par la même Sophia, pudique et timide comme le veut son jeune âge, de jouer les entremetteuses (l’impossible situation : « il n’y a rien de pire que de connaître le secret de quelqu’un et de ne pas pouvoir l’aider » ; surtout quand une promesse vous tient et qu’on s’est lié au reste en paroles maladroites !), qui reconnaît ainsi la vertu de la petite « Elle est loin d’être belle, mais, pour un médecin de campagne, vu l’âge qu’il a, elle ferait un parti splendide. Fine, pure et si gentille… Non, ce n’est pas ça… ».
Ce n’est pas là, en effet, que le bât blesse. Si divin soit-il, le médecin n’en est pas moins le patron des paysans et des bêtes à cornes, le Satyre des campagnes qui voulant faire l’ange se retrouve enchâssé par le bas dans les poils et la bête : le charnel encore, le charnel toujours, et ce poids ! ce poids funeste qui est moins grave qu’il n’est lourd. Le médecin ivre-mort ne supportant pas la banalité mais s’y trouvant ramené et réduit toujours, qui se tue de sa propre allumelle tout en cherchant le salut de l’homme et à l’avenir. Ici encore, une aporie. Un drame de plus.
De la somme de ces destins sans échéances, de ces fatalités déchues, on comprend bien que c’est toute la maison qui tient. La pièce le dit : « Il y a quelque chose qui cloche dans cette maison » ; certes mais c’est encore la clochardise de cette chacunière communautarisée qui, dans son mouvement perpétuel (encore que sans motif, sinon le spasme qui n’en a pas), évite la gangrène et le syndrome (mettons) du « pourrissement danois ». Renvoi est fait, à telle fin que de raison, à la goutte du professeur, qui le gêne et le bloque ; qui du reste trouve une dissipation foudroyante au moment qu’est tiré le revolver, sans empêcher non plus son retrait rapide des lieux peu après.
Les diligences reprennent alors sans que de cet écart puisse advenir quelque changement nouveau, on ne le sent que trop –mais l’on n’a ici pas le fin mot et le cœur espère encore. Comme le dit si bien Sophia, « Je préfère l’incertitude, il y a quand même l’espoir ». A quoi l’on est tenté d’ajouter qu’elle introduit aussi le seul principe de liberté qui reste, la seule marge de réappropriation sur cette scène où tout est préjugé, où les décrets semblent déjà tombés : elle seul échappe par l’espoir et le choix de l’incertitude à cette condition triste.

Ce qui nous amène imparablement à évoquer le cas Téléguine, gênant. Avec Sérébriakov il est probablement le moins conscient de son état : celui qui voit le moins, celui qui s’aveugle le plus. Mais où le premier s’aveugle par prétention et intellectualisme, lui-même a quelque chose de profondément simple, de beaucoup trop passif pour être malicieux : il s’aveugle en suivant son devoir et la pente bovine, l’ornière où il est jeté : à la fois inerte et magnifique dans son dénuement (non pas son désœuvrement à l’image d’Eléna). Ce qu’il partage avec la nounou sans doute ; sans qu’aucun de tous les personnages, sinon la grand-mère peut-être (encore qu’elle soit la matrice et le prétexte de toute l’affaire ; et l’origine obscure, comme toutes les origines : scellée et impénétrable, méconnue), ne puisse être réduit au rôle de figurant gratuit ou même d’utilité.
L’impression est très curieuse puisqu’une réflexion sur le cas Téléguine nous amène à considérer que la passivité peut être d’une grande profondeur ; et que certaines profondeurs s’expriment et se révèlent en/par leur superficie. Au même titre que les autres personnages, et plus encore que les autres, il fait partie de ces taches grises décrites à plusieurs reprises notamment ici, dans la bouche d’Eléna « Dans une atmosphère d’ennui atroce, quand tout autour, en fait d’êtres humains, il n’y a que des taches grises… ». Ces taches sont envisagées au plus près chez ce parrain distant (qui est aussi une « tâche » certaine pour la famille) : ses traits sont déformés et son crâne couvert de pustules. On l’admire pourtant pour sa constance, son équanimité : il a pris le parti de n’en pas vraiment prendre, il glisse et tourne, il se fait Atlas (du verbe tlaw en grec, supporter) et sous cet attelage il est celui qui croule le moins.
C’est que, « par esprit » (?), Téléguine ne se charge et ne s’est chargé que de choses matérielles. Il ne voit pas plus loin ou plutôt refuse de voir plus loin que le bout de son nez. Comme les autres, notons qu’il est à l’étroit. Mais il domine ce monde, même petit, qui est celui de sa myopie. Il s’en sort ainsi mieux que les autres. D’une certaine façon, Téléguine est la figure de l’Amor Fati. Et il n’est pas tout à fait inutile de rappeler qu’en termes de figure, il rejoint à son tour les constellations si l’on veut bien considérer que Téléguine réfère en russe au chariot. En somme ce personnage s’il comprend peut-être moins l’ordre du monde (il est borné ; il se borne) l’épouse pourtant mieux par une adhésion directe. Il n’en décolle pas, il est dans le wagon et n’en veut pas descendre. Tout au plus s’affole-t-il parfois de voir le train que les choses prennent, le cours que la pente parcourt et les tournures. Il est brièvement catastrophé du coup de tonnerre familial que Vania amènera.
Reste que, si le mal (et surtout la douleur) est de vouloir son plaisir et de le chercher partout cela ne saurait empêcher de le prendre quand il est à portée : Téléguine n’est pas purement un être de devoir et cet aspect moral semble même souverainement étranger (au même titre que le serait le principe de plaisir ; Téléguine ne choisit rien!); mais il n’hésite pas toutefois à se saisir de sa guitare à l’occasion et à jouer des airs qui l’égayent et dispersent un feu prométhéen dans l’assemblée. Sans vouloir en remontrer jamais, ni même montrer le chemin. Montaignien, il danse pour danser.
Voilà une simplicité supérieure, qui pourrait aussi n’être qu’une grande bêtise. On ne saurait trancher et encore moins choisir. Figure passionnante quoi qu’il en soit que celle de Téléguine, plus discrète pourtant ; discrète… jusques et fors sa laideur. A l’image de Sophia. Il incarne sous cette lumière une deuxième forme de sagesse sur scène. Une sagesse plus profonde (ou lourde) peut-être, philosophiquement parlant, mais qui a moins de portée, moins d’élan, moins de survol. Celle de Sophia semble plus généreuse et plus morale ; plus humaine aussi. On la préfère spontanément dans cette altérité et on l’estime (Astrov lui-même confesse cette estime, pour s’éviter de (se re)connaître un amour) ; et l’on demande d’ailleurs souvent à Téléguine de se taire.

Nous nous taisons donc sur Téléguine pour en venir calmement à Vania.
Il incarne la figure du destin dans ce qu’elle a de plus simple, de plus plein, de plus terrible : le sacrifice. Le sacrifice consenti d’ailleurs, bien oculé… et qui a désormais soupé de ses douleurs. Le vrai Prométhée, tout du long, l’Atlas qui a porté la maisonnée et qui désormais a renversé la table et ouvert la boîte de Pandore et la maison aux quatre vents, successivement l’élément de stabilisation puis celui du désordre (mais aussi la seule introduction d’une possibilité de création réelle, d’une nouveauté), c’est bien lui.
A l’insu (et au mauvais escient) de tous (soit qu’il a été ignoré, soit qu’il a été éludé –on le tenait pour farceur, soit encore qu’il n’a pas été justement reconnu), il a enduré longuement les humiliations et la médiocrité forcée ; il a accepté la raison effacée et servile, sans contours ni remous, ne comptant ni ses efforts ni sa dépense. En bref et en retour, ses sacrifices. Plus encore : conscient que l’ensemble n’était pas bon (« Le cours du temps est déréglé, je dors le jour je mange des plats exotiques matin, midi et soir je bois des alcools… c’est très mauvais ça »), il n’a eu de cesse de prolonger au niveau du détail son soin redoublé et sa recherche des qualités, de la bonté. Cet élément de conciliation le rapproche de sa nièce, comme les autres éléments de sa personnalité le rapprochent séparément des autres personnages ; on a dit pourtant son isolement. En bref Vania est l’élément central et le révélateur.
Vania est plus encore : il est l’élément perturbateur, le coup du sort. Lire : le coup DU sort. C’est que, précisément, Vania n’accepte plus ; Vania s’est réveillé d’une torpeur entretenue. Contre ce dérèglement du temps devenu insupportable, il était nécessaire peut-être de faire dérailler l’époque, de faire sortir le temps hors de ses gonds. Mais si Vania ouvre la boîte, c’est Eléna qui l’a portée : l’odieuse jalousie, le joyeux système !
Longtemps la dupe, il refuse de prolonger l’hypocrisie des états d’âme sans suite et langoureuses impostures (« Depuis cinquante ans nous ne faisons que parler, parler, parler et lire des brochures. Il serait grand temps d’arrêter »). Il ne veut plus davantage des oasis artificiels, des ressuis de l’âme, des paradis et mirages suspendus cotonneux et couchés au sein des brumes d’alcools. Astrov se saoulait pour mourir, lui pour survivre simplement – sans même parler de vivre. C’est cette pulsion de vivre qui, précisément, revient avec brutalité et se déchaîne.
Voici le printemps inattendu, la débâcle réintroduite en plein cœur de l’hiver : et les roses charmantes qu’il offre, et tristes, sont des roses d’automne. Il finira d’ailleurs fripon par détruire, dans un geste de rage, forcené le bouquet. Construction, destructions… toute création commence par un chaos et toute création finit en chaos. Eléna indiquait à propos du docteur, sans qu’on puisse s’interdire de faire rebondir le dire sur son beau-frère « facteur » : « Un homme de talent en Russie ne peut pas être propret ». Et lui refuse plus longtemps d’être « l’homme phare » qu’on attendait de lui, sans le louer jamais, et sans non plus qu’il ne donne véritablement de lumière à personne : simplement là, droit et à sa place pour éviter que l’arche ne sombre. La jalousie donc, et l’âge ont eu raison de la torpeur : « Maintenant, j’ai quarante-sept ans. Jusqu’à l’année dernière, j’étais comme vous, j’essayais, exprès, de m’aveugler avec les brumes de cette scolastique, là, qui est la vôtre, pour ne pas voir la vraie vie – et je croyais bien faire. Et maintenant, si vous saviez ! je n’en dors plus la nuit, de dépit, de rage, d’avoir si bêtement perdu mon temps, quand j’aurais pu avoir tout ce que la vieillesse me refuse maintenant ! ». L’objet même de son amour impossible, Eléna, n’y peut plus rien et aggrave cet état. Comme la mère qui, précédemment, sommait Vania de demeurer le phare, la lumière et l’intelligence, Eléna lui intime, lui qui est intelligent et cultivé, « de comprendre que ce qui détruit le monde, ce ne sont pas les brigands, les incendies, mais la haine, l’inimitié, tous ces conflits mesquins. Au lieu de grogner votre rôle serait de réconcilier tout le monde ». Sel sur les plaies de celui qu’elle-même devrait réconcilier en personne, lui qui étouffe du démon du foyer, de l’idée que sa vie « est perdue sans retour, [que] le passé n’existe plus, a été bêtement gaspillé en vétilles et [que] le présent est monstrueux d’absurdité ».
Voici de tous le plus grand des maux, et la bête immonde est lâchée : le sens de l’absurde qui finit par éclater, nauséeux, malgré tous les dénis. Vania en fait le premier l’amère expérience et ne se distrait plus pour ne plus se perdre davantage, pour ne pas gâcher plus longuement le « rayon de soleil qui tomberait dans un trou ».
Voici un autre idéalisme qui n’est pas moins idéal et moins beau que celui d’Astrov, mais qui commence, en charité bien ordonnée, par sauver sa propre peau. Vania souffrait aussi d’ « angoisse », d’étroitesse, mais d’une autre forme : contrairement à tous les autres, lui était hors et veut rentrer. Vania est la singularité et le titre. Son élargissement passerait par une intégration ; et c’est bien pour cela qu’aujourd’hui il s’ingénie à briser le cadre rigide qui l’exclut. Qu’on le reconnaisse enfin ; car enfin quoi ? de quoi cherche-t-on à se détourner ? Lui n’est pas le basilic ni la mort, il n’est pas cet aveu criant dont la vue simple glace et effraie, pétrifie et ravage. C’est justice qu’on le reconnaisse alors, et pereat mundus !
« Se peut-il que, même dans ma vieillesse, je n’ai aucun droit à l’égoïsme ? » s’écriait Sérébriakov ; Vania est à peu près ici, mais ne veut pas attendre encore et vieillir davantage, sombrer plus à fond dans l’autre pan de la vanité. La manie le sort et le fait éclater ; mais cette folie est sage : ne cesse-t-il pas à ce moment précis de toucher la Vodka ? C’est de l’eau qu’il demande au moment-clef où se dénoue l’affaire.

Et Marina enfin, la nounou, qui nous semble être la figure du bon vieux temps. Un refuge sans valeur, universel, où chacun se plonge et s’enterre : elle est le déni du temps, le déni de l’âge, elle est confort et sommeil doux, enfance de l’art et figure matrimoniale prérationnelle dans les bras de laquelle on aime se retrouver. Sans pour autant que celle-ci apparaisse pousse-au-crime, ou au contraire duègne : confer les petits verres de vodka qu’elle distribue innocemment et largement tout du long. Elle semble impersonnelle d’une certaine manière, aimant tout le monde néanmoins et aimée de tout le monde, jusques et y compris d’Astrov qui confesse sa tendresse pour elle.
Sa fadeur tiède a quelque chose de recréant. De ses goûts, on sait simplement qu’elle aime les vermicelles à l’eau : un regret soupiré nous l’apprend. Mais pour sa personne on ne sait rien ou peu ; on a le droit de supposer : une des dernières répliques de la pièce lui est laissée et le tableau est troublant. Elle s’autorise, entre deux points de croix, un verre de vodka appuyé cul sec ; tout en marmonnant ce délicieux « Pardonnez-nous nos péchés ». Curieux. Le mot est récurrent. Il décrit sans doute bien la pièce et l’impression qu’elle laisse. Curieuse. La nounou sans contours trouve donc finalement aussi son soutien et son secours dans la boisson. Décidément, « tout le monde est fatigué » et ce monde-là surtout est las et lourd, dolent et morose. D’où la parole finale de Sophia qui ne pouvait être autre, et qui inspirera l’une des mélodies de Rachmaninov, « Nous nous reposerons ». Derechef l’espoir en conclusion, un espoir qui n’est pas grandiose, un espoir qui espère, mais un espoir de bonne tenue et de réconciliation.
Mais alors pourquoi l’amertume sur scène et de notre côté, au moment du tomber de rideau ?
C’est qu’il faut bien songer : qu’est-ce qui, au juste, a changé ? Rien. Tout est égal. Tout est ironique. Tout est récupéré et le drame est là : s’agiter, se démener, protester, accepter, on n’en bouge pas et on ne s’en sort. Les parts semblent déjà découpées ; le suicide seul est une alternative « réelle », qui a été présentée et soupesée à plusieurs reprises dans la pièce. Vania ne finit-il pas derechef et « comme en 40 » attablé à côté de sa nièce à éplucher tristement les factures accumulées pendant l’intermède de trouble ? Tout est revenu, tout est récupéré. Le sens de la roulette russe apparaît aussi plus clairement et l’on imagine le dépit (en plus du dégoût) qui a pu s’emparer dudit oncle au moment où, tenant enfin son coquin entre les mains, d’homme à homme et surtout de plain-pied, Sérébriakov coincé, l’arme ne cracha rien : vidée. Vidée. Tout est dit, pièce jouée dés pipés.
Lassitude et fatigue de ce monde-là, dont ne se distingue pas tant celui-ci.
Se résigner alors à la résignation. Mais le faire avec clémence. C’est peut-être le maître-mot. Laisser l’ignoble garce, « le triste Sort » frapper à la porte sans jamais lui ouvrir tout à fait. Supporter ses cris, fermer ses fenêtres et se couvrir d’un plaid aux premiers signes de rechute –des températures, ou d’accroissement –de sa bise perfide. Peut-être même lui en jeter un par la fenêtre.

Et se complaire enfin à l’idée et se soutenir surtout, au retour de l’hiver qui ne part jamais loin, dans la certitude que « PERSONNE ne dort, TOUT LE MONDE est exténué ». Triste plaisir dont les yeux sont mouillés.
Nounou, réchauffez ! Le thé est encore froid, dans ce fichu samovar !
Bastien FONTUGNE

Articles similaires

Aller au contenu principal