Opéra de Marseille. ‘Les Huguenots’ de Meyerbeer: la terrible fin de saison

Publié le 7 juin 2023 à  20h49 - Dernière mise à  jour le 8 juillet 2023 à  16h27

Que l’on se rassure, la qualité de la production des Huguenots, l’œuvre de Meyerbeer donnée pour quatre représentations à l’Opéra de Marseille n’est pas du tout mise en cause par le titre de notre article. Le vocable terrible étant ici utilisé pour stigmatiser un pan sanglant de l’histoire de France, celui de la nuit de la Saint-Barthélémy au cours de laquelle les catholiques ont exterminé les protestants. Terrible, parce que cet ultime rendez-vous lyrique impose des images hélas réalistes et cruellement d’actualité, l’histoire se répétant et avec elle les tueries commises au nom d’un dieu par les fanatiques et intégristes.

Photo Christian Dresse
L’histoire des Huguenots conte les amours plus que contrariés de Valentine de Saint-Bris avec le huguenot Raoul de Nagis. Elle s’achèvera au long de la nuit évoquée plus haut. L’œuvre fait partie du répertoire dit «des grands opéras à la française», et déroule sur plus de quatre heures un drame intime sur fond de tensions politiques extrêmes. Un Blockbuster musical qui nécessite la mobilisation d’une distribution XXL pour le servir. Un exercice dans lequel excelle Maurice Xiberras, le directeur de l’Opéra de Marseille, qui le prouve une fois de plus.

De A à Z tous les rôles sont pourvus de fort belle façon avec, pour débuter, Karine Deshayes qui incarne Valentine. Depuis l’une de ses récentes interviews accordée à un magazine national, on sait que la mezzo française a déclaré : «J’aime bien mourir sur scène» et elle ne s’en prive pas à Marseille sous les coups de son propre père; auparavant, dans ce rôle dédié à une soprano dramatique, elle apportera une pierre solide, vocalement et scéniquement, à l’édifice. Du haut niveau aussi pour la soprano Florina Ilie qui incarne Marguerite de Valois, la sulfureuse Reine Margot qui, au-delà de la vie sulfureuse dont l’affublent les ragots, n’avait de cesse de prôner la réconciliation des catholiques et des protestants, en vain! Le page de cette dernière, Urbain, a les traits d’Éléonore Pancrazi qui saisit son rôle toutes cordes vocales dehors et ça marche.

Du côté masculin de la distribution, c’est au ténor Italien Enea Scala qu’il revient d’endosser le très lourd costume de Raoul qui nécessite précision, puissance et endurance vocale. Sa prestation est marquée, ça et là, par de légères faiblesses liées certainement à sa volonté de chanter en français en soignant sa diction. Et fort logiquement, ceux qui n’ont aucun problème avec la diction, ce sont Marc Barrard, le comte de Nevers, Nicolas Courjal, Marcel, le serviteur fidèle et intégriste de Raoul de Nagis et François Lis, le comte de Saint-Bris. Le premier humanise son personnage avec une voix chaleureuse et ronde associée à un jeu précis. Le deuxième est une fois de plus au sommet de son art avec une basse profonde, ténébreuse et parfois inquiétante et le troisième, basse lui aussi, confère son caractère extrémiste à ce père qui deviendra meurtrier de sa fille. De la qualité, aussi, du côté de l’escouade des chevaliers et d’un chœur de l’Opéra fortement mis à contribution et qui s’en sort avec classe et honneurs. Histoire, peu-être, de laisser partir avec quelques regrets son chef Emmanuel Trenque à Bruxelles…

Très belle prestation aussi, de l’orchestre de l’Opéra de Marseille qui donne toute sa richesse et un grand volume à la partition de Meyerbeer, le directeur musical José Miguel Pérez-Sierra exploitant idéalement les qualités de tous les pupitres avec beaucoup de personnalité. Lanières de plastique ensanglantées, Mur austère et table immense composent, entre autres, les éléments d’un décor minimaliste au sein duquel Louis Désiré, le Marseillais, installe les protagonistes, réussissant à maîtriser et fluidifier les circulations sur scène de masses importantes. Un travail qui bénéficie, aussi, des lumières soignées et précises de Patrick Méeüs et des costumes intemporels et de circonstance de Diego Mendez-Casariego.

Terrible fin de saison quant à l’histoire, mais de haut niveau artistique, à laquelle vous pouvez participer pour deux représentations encore. Quant au Meyerbeer, le cycle de renaissance de ses œuvres se poursuit dès le lever de rideau de la saison prochaine, à l’automne, avec «L’Africaine» dont la production avait été différée pour cause de pandémie… Et encore avec Karine Deshayes, pour notre plus grand plaisir.
Michel EGEA

Autres représentations le jeudi 8 juin à 19 heures (attention à l’horaire) et le dimanche 11 juin à 14h30. operamarseille.fr Tél. 04 91 55 11 10 / 04 91 55 20 43.

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