Ouverture du 6e Festival de Pâques d’Aix-en-Provence – Bartok, Stravinsky et Debussy comme les tableaux d’une exposition

Publié le 27 mars 2018 à  20h23 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  18h40

Renaud Capuçon a donné une interprétation très engagée du concerto n° 2 pour violon de Bartok. (Photo Caroline Doutre)
Renaud Capuçon a donné une interprétation très engagée du concerto n° 2 pour violon de Bartok. (Photo Caroline Doutre)
Renaud Capuçon était assez heureux, lundi soir à l’issue du concert d’ouverture de la sixième édition du Festival de Pâques. Heureux d’avoir fait le plein du Grand Théâtre de Provence (GTP) en proposant un programme « only XXe siècle » avec le «Concerto pour violon n°2» de Bartok, «Le chant du Rossignol» de Stravinsky et «La Mer de Debussy. La gageure semblait d’importance et pour mettre tous les atouts de son côté, le violoniste avait convié l’un des meilleurs ensembles au monde du moment, le London Symphony Orchestra et son «principal guest conductor», le très Français François-Xavier Roth. Que l’on ne s’y méprenne pas, «le très Français» n’a ici aucune connotation nationaliste mais veut souligner la connaissance et l’expertise du maestro en matière de musique française. Cette érudition, associée à la volonté tenace des britanniques qui tiennent à briller en interprétant le répertoire des froggies (n’ont ils pas fait découvrir Berlioz en son temps sous la direction d’un certain Sir Colin Davis?) ont encore porté des fruits superbes avec une interprétation de «La Mer» puissante et lumineuse, qui fera date. Une succession de sensations et d’émotions, comme autant de photographies d’artiste, monte dans la salle au gré de la sollicitation de chacun des pupitres par François-Xavier Roth. Cordes dociles et somptueuses, bois frisant la perfection, cuivres brillants: ce ressac là ne nous a pas entraînés jusqu’aux abysses mais plutôt transportés au paradis des sirènes. Nous ne l’avons pas encore écrit, mais la précision de cet orchestre n’a rien à envier à l’industrie horlogère helvétique. Et il en fallait de la précision pour donner ce «Chant du rossignol» de Stravinsky avec autant de beauté et de lumière.
Stravinsky compose sa musique comme un peintre réalise une toile. Grands aplats soutenus par les contrebasses et violoncelles, traits aériens ou soutenus du pinceau sur la toile avec les violons et les altos, et une myriade de petites touches colorées ici avec une trompette, là avec la flûte ou encore la harpe. Une multitude de tableaux musicaux prennent ainsi forme sous la direction d’un chef d’orchestre inspiré, pour le moins. Un grand moment de musique partagé avec tous ceux qui affectionnent Stravinsky. Donné à l’ouverture du concert, le concerto pour violon n°2 de Bartok propose des images plus tourmentées. La seconde guerre mondiale n’est pas loin, tout comme l’exil du compositeur, et l’on devine le grondement des Panzer là-bas, tout au loin, pendant qu’un orchestre de village fais danser son petit monde. Pour Bartok, Renaud Capuçon a mouillé la chemise. Au sens propre ! L’œuvre nécessitant un investissement total et quasi-permanent du soliste. Grande technique, virtuosité, le violoniste a donné toute sa dimension au concerto bénéficiant aussi de l’excellence de l’orchestre londonien et de son directeur musical. Pour terminer cette soirée d’ouverture et pour donner «la force» à cette sixième édition du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence et à son public, François-Xavier Roth et le LSO bissaient avec le «main theme» de Star Wars composé par John Williams. Il est vrai que c’est cet orchestre qui a enregistré la bande originale de «La Guerre des étoiles». Que la force soit donc avec nous tous !
Michel EGEA

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Erato vient de mettre en vente le dernier CD de Renaud Capuçon consacré aux concertos pour violon n° 1 et 2 de Bela Bartók enregistrés devant le London Symphony Orchestra et sous la direction de François-Xavier Roth. Autant dire que cet enregistrement est frappé du sceau de la qualité musicale de l’interprétation, mais aussi de la prise de son assurée par les ingénieurs spécialisés en musique classique chez Warner. Renaud Capuçon y développe des parties solistes très engagées, mettant à cœur ce qu’il qualifie «d’onirisme très engagé» du concerto n°1 et la «sombre souveraineté» du second. Mérite d’entrer dans votre discothèque.

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