Paris. Rencontre avec François Bérard qui joue ‘Volpone’ jusqu’au 12 juin au Café de la gare: ‘Ce métier n’existe que lorsqu’on le fait’

Publié le 11 juin 2022 à  12h53 - Dernière mise à  jour le 6 novembre 2022 à  17h51

De l’acteur François Bérard on se souvient qu’il fut étincelant en Avignon en 2017 dans «Comédiens» de Renaud Fulconis qui évoquait la vie (les vies) d’une troupe de comédiens professionnels (et amateurs) de la création d’une pièce jusqu’aux coulisses de la première en passant par les exercices des écoles et stages de théâtre. Une passion communicative et joyeuse et une plongée dans la vérité (ou presque) du métier de comédien vue au Théâtre des Barriques. François Bérard et Cécile Elias, membres de la compagnie. Les pièces rapportées y étaient complémentaires et virevoltantes.

François Bérard  © Olivier Allard
François Bérard © Olivier Allard

Ce comédien surdoué né le 22 août 1985 demeure sur scène très physique, et enchaîne les projets les plus divers. Cours Simon dans le 11e à l’âge de onze ans, puis plus tard des activités de doublages pour des séries dont «Dickinson» où il y double le rôle de Toshiaki, des films dont la participation au long métrage «Les cendres d’Angela» où il prêtait sa voix à l’acteur américain Frank McCourt. Studios d’Asnières avec une formation solide, sur deux ans 2005-2006, rôle dans la pièce Yvonne, «Princesse de Bourgogne» de Gombrowicz mise en scène de Patrick Azria, François Bérard également présent à la télé et au cinéma dans «Coexister» de Fabrice Eboué. Il est sur scène ou à l’écran explosif, inventif et toujours à l’écoute de ses partenaires. Aimant citer François Cluzet qui affirme : «Un bon acteur, c’est un bon partenaire» il privilégie l’esprit de troupe et ne tire jamais la couverture à lui.

«« Trouver sa liberté dans la contrainte », voilà un de mes credo artistiques», dit-il avant d’affirmer : «Ce métier n’existe que lorsqu’on le fait. Le jour où tu ne le fais pas, tu ne te sens pas acteur». On peut le voir jusqu’au 12 juin inclus en alternance avec Richard Delestre dans le rôle de Mosca sur la pièce Volpone au Café de la gare à Paris.

Volpone, créée à Londres en 1606

Volpone donc… ou «Le Renard» qui fut joué pour la première fois à Londres en 1606. les notes d’intentions du spectacle sont très claires : «C’est l’une des comédies les plus brillantes et exubérantes de Ben Jonson, poète et dramaturge dont la réputation fut équivalente à celle de Shakespeare en son temps. Cette pièce donne libre cours au génie satirique de l’auteur pour montrer les effets de la soif de l’argent, et la perversion des relations entre les individus. Elle a été transposée par S. Zweig et adaptée par J. Romains en une version plus dramatique. Le Volpone de Ben Jonson est une farce, une grande farce sur le pouvoir de l’argent, pour lequel les hommes sont prêts à tout donner : leur or, leur honneur, leur femme. Mais cette farce a la particularité d’aller loin, très loin, en dénonçant les différentes formes de domination et de pouvoir sur autrui, qu’elles soient financières, intellectuelles, sociales… Tout est mis en exergue pour montrer à quel point chacun, à son niveau, cherche à dominer l’autre, avec les moyens qu’il a en main. Finalement la grande question sera : « Qui sera l’ultime dominant, le grand vainqueur ? ». Les personnages de Volpone ont tous quelque chose de très troublant. Malgré leurs défauts et les horreurs qu’ils accomplissent, ils nous amusent et on les aime. Le génie satirique de l’auteur repose sur cette capacité à nous faire rire par le biais d’une ironie féroce qui ne tombe jamais dans l’aigreur. Un savant mélange de comédie à l’italienne, populaire, haute en couleur, racontée et pensée par un anglais, intelligent et raffiné».

Les intentions de la metteuse en scène Carine Montag

«Je voulais mettre en valeur le côté loufoque, décalé et généreux de cet auteur intelligent et populaire», explique la metteuse en scène Carine Montag qui ajoute : «J’ai ainsi tenu, par la mise dans l’espace, à intégrer, petit à petit, le public jusqu’à la grande scène du procès où il sera comme un jury. Il fallait que le spectateur entre dans cet univers cynique et monstrueux de façon ludique afin que toute cette noirceur humaine se transforme en rires et que le message de fond passe. Rire en dénonçant cette cour de récréation de sales gosses égoïstes et narcissiques ! Le tout, sur un ton brillant, afin de provoquer une dynamique mettant en avant la rapidité intellectuelle des personnages. Un mélange d’enfants pas sages avec des corps, des voix et une intelligence féroce d’adultes. Je voulais que chaque comédien campe son personnage selon l’attitude physique de son animal, imperturbable, virevoltant, féroce, rusé, ou encore piaillant, pour nous faire ressentir ces besoins primitifs de possession, de territoire. Partir de l’animal pour aller vers l’homme et sa capacité à recourir à toutes les bassesses, par cupidité, par avarice, par soif de pouvoir… Des personnages prêts à jouer leur âme, leur fortune, leur femme même pour gagner ! Avec Paul Montag, nous avons travaillé conjointement sur les arrangements musicaux car je tenais à des effets précis selon les scènes, et toujours dans cette idée d’une musique drôle et grinçante à la fois, comme un jeu de massacre avec le sourire. Elle est déclinée avec une rythmique particulière, différents instruments, comme une rengaine obsédante, à la fois légère, romantique, obsédante et sadique à souhait. Le spectateur pourra parfois être horrifié, outré de la situation. Mais ce qui le déstabilisera sera l’indulgence qu’il ressentira au fond de lui, incapable de condamner, riant de l’horreur. Il n’aura en partant qu’un seul choix, pardonner à l’homme d’être simplement un homme… et l’aimer pour ça.» François Bérard y est comme un poisson dans l’eau lui qui fourmille de projets et déborde d’imagination.
Jean-Rémi BARLAND
« Volpone » un spectacle festif et intelligent à voir jusqu’au 12 juin au Café de la Gare de Paris. Samedi à 21 heures et dimanche à 15 heures.

Articles similaires

Aller au contenu principal