Paris.Théâtre du Rond-Point. Charles Berling et Stanislas Nordey complices dans ‘Deux amis’ de Pascal Rambert

Publié le 30 novembre 2022 à  10h20 - Dernière mise à  jour le 8 décembre 2022 à  10h28

Poème d’amour, mais un amour parfois haineux, hargneux à l’égard du monde et du théâtre. «Deux amis» c’est l’histoire d’un couple formé par Charles (Charles Berling) et Stan (Stanislas Nordey). Vivant ensemble et travaillant ensemble, ces deux-là souhaitent remonter -comme l’avait fait Antoine Vitez avec les 4 Molières- Le Misanthrope, L’École des femmes, Tartuffe et Don Juan, avec une table deux chaises et un bâton.

Charles Berling et Stanislas Nordey : combat d’amour de deux fauves au crépuscule de leur vie commune. (Photo Nicolas Martinez /théâtre chateauvallon-liberté)
Charles Berling et Stanislas Nordey : combat d’amour de deux fauves au crépuscule de leur vie commune. (Photo Nicolas Martinez /théâtre chateauvallon-liberté)

«Pendant la répétition et les questions de préparation du travail, Charles lit, comme cela nous arrivera à tous, sur le portable de Stanislas, un SMS qu’il n’aurait pas dû lire. À partir de là c’est l’explosion ultra violente en direct et en temps réel d’un couple d’artistes.» Charles et Stan se déchirent, s’écharpent, s’étreignent, et, amis, amants, et artistes, ils égratignent lucidement le monde de la culture et du théâtre.

«L’art c’est créer un espace, créer les conditions pour vivre en paix», et « la littérature sert à lutter contre le malheur», dira Stan à Charles. La pièce évoque cela, de la lutte pour gommer aspérités, effacer bureaucrates, butors, et fatigues inévitables quand on dirige un théâtre (c’est le cas de Nordey qui fut à la tête du Théâtre de Starsbourg, et Berling, actuel patron du Théâtre Liberté à Toulon), et surtout nous présente deux fauves au crépuscule de leur vie commune, dont le combat pour l’idée de la passion éternelle sera vouée à l’échec.

Plateau avec un espace vide, -le décor du spectacle est composé d’appareils électroménagers provenant du réseau associatif « Envie » spécialisé dans l’insertion et la réparation d’équipements électriques et électroniques depuis 1984-, une table orange. Les motifs comme le dit Pascal Rambert auteur et metteur en scène de «Deux amis» se trouvent «dans mes phrases» et la structure des textes eux-mêmes, car la pièce centre sa narration sur les deux personnages.

Hommage à «Ma nuit chez Maud» de Rohmer, au «Tartuffe» de Molière, au travail de constructeur de Vitez, la prose de Pascal Rambert secoue les lignes. Sa mise en scène également avec des moments particulièrement osés, où Charles Berling se met à nu, au sens propre du terme, et par laquelle Rambert parle de la mort qui s’avance dans la vie de Charles. Complices, et complotistes contre la bêtise, Stanislas Nordey -dont on avait salué ici même la mise en scène de «Erich von Stroheim» de Christophe Pellet, lors de la présentation de la pièce jouée au Gymnase à Marseille en avril 2017- et Charles Berling sont absolument parfaits et puissants jusqu’au vertige.

Avec au final cette confession de Isabelle Huppert qui lorsqu’on lui demanda ce qu’elle retiendra de son parcours, répondit simplement qu’elle serait contente «d’avoir été un peu regardée». Plus proche d’une pièce comme «Pour un oui ou pour un non» de Sarraute que des tragédies de Koltès, «Deux amis» regorge de bienveillance et de sens du pardon. «On peut aimer une personne pour ses erreurs c’est même souhaitable vu cette chose bancale qu’est la vie», est-il rappelé au cœur de la pièce, et en quatrième de couverture du texte édité aux «Solitaires intempestifs». Un moment de théâtre fort, radical, incandescent, où les derniers mots prononcés sont «voilà mon amour, merci».
Jean-Rémi BARLAND


-«Deux amis» jusqu’au 3 décembre 2022 à 20h30 au Théâtre du Rond-Point- 2Bis, avenue Franklin Delano Roosevelt, 75008 Paris. Plus d’info et réservations sur theatredurondpoint.fr.

-Au Théâtre Liberté scène nationale de Toulon, du 26 au 28 janvier 2023. Plus d’info et réservations chateauvallon-liberte.fr.

[(Édition de la pièce suivie du monologue «Toi» aux Solitaires intempestifs – 78 pages – 14 €.

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