Rencontres de la photographie d’Arles : Rencontres avec l’Autre

Publié le 12 juillet 2021 à  16h06 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  19h19

Arles rime avec photographie comme Cannes avec cinéma. « Les Rencontres » c’est le rendez-vous incontournable de la photographie avec trente-cinq expositions qui jalonnent la ville d’Arles.

Dana Scruggs, Nyadhour, Elevated, Vallée de la Mort, Californie, 2019.
Dana Scruggs, Nyadhour, Elevated, Vallée de la Mort, Californie, 2019.

«C’est tout un écosystème qui renaît »

Après plus d’un an d’absence «c’est une joie immense de retrouver notre public. Tout un système économique renaît. L’équipe de production a progressivement retrouvé son rythme», indique Aurélie de Lanlay, directrice adjointe du festival plutôt débordée par les multiples rendez-vous de cette première semaine. Cent quarante cinq mille visiteurs sont venus aux Rencontres en 2019.

Le pouls de la société

Les Rencontres d’Arles nous disent ce que nous sommes, les courants qui traversent la société. Le nouveau directeur Christoph Wiesner veut «explorer les grandes questions sociétales», s’inspirer en partie du courant « woke » qui veut réécrire l’histoire postcoloniale, faire une place aux minorités, dénoncer les injustices sociales. Pour son directeur les rencontres d’Arles c’est l’association de «l’esthétique et de la politique».

Cartographier l’innommable

The Blue skies project (Anton Kusters)
The Blue skies project (Anton Kusters)
L’exposition « The Blue skies project» au cloître Saint-Trophime est l’exemple de cette association. Pendant six ans, Anton Kusters a parcouru 177 828 km pour rechercher les camps de déportation et d’extermination du IIIe Reich. Il a photographié le ciel bleu surplombant les 1078 camps et a cartographié chaque photo en intégrant les coordonnées GPS et le nombre de victimes. The Blue skies project évoque la représentation mentale d’un traumatisme et s’interroge sur la manière dont un souvenir peut être conservé avant de sombrer dans l’oubli. Les ciels pris par Kusters avec un Polaroïd finiront par s’effacer mais leur nombre demeurera. Une trace à la fois abstraite avec des chiffres concrets. Une manière de saisir l’innommable.

La révolution soudanaise

Cat 15 : Muhammad Salah. Un manifestant dont l'inscription au dos de sa chemise signifie « Un révolutionnaire de Kalakla, que la dictature tombe ! » ; il se tient sur la ligne ferroviaire centrale de Khartoum qui faisait partie de la zone de sit-in du QG de l'armée. Khartoum, Soudan, 13 avril 2019.
Cat 15 : Muhammad Salah. Un manifestant dont l’inscription au dos de sa chemise signifie « Un révolutionnaire de Kalakla, que la dictature tombe ! » ; il se tient sur la ligne ferroviaire centrale de Khartoum qui faisait partie de la zone de sit-in du QG de l’armée. Khartoum, Soudan, 13 avril 2019.
De la politique et de l’engagement encore avec cette série sur la révolution au Soudan en 2019. Portés par le désir de documenter la résistance et la répression du peuple, huit jeunes photographes, hommes et femmes, ont bravé tous les dangers. Soudan, histoire d’un soulèvement raconte la révolution soudanaise qui parviendra à mettre fin à 30 ans de dictature.

Révolution 2.0

CAT 01 : Ahmed Ano. Des civils escaladent d’énormes panneaux publicitaires pour crier « Liberté, paix et justice ». Sit-in, quartier général militaire, Khartoum, 19 avril 2019.
CAT 01 : Ahmed Ano. Des civils escaladent d’énormes panneaux publicitaires pour crier « Liberté, paix et justice ». Sit-in, quartier général militaire, Khartoum, 19 avril 2019.
Ces photographes sont les témoins des étapes du soulèvement jusqu’à l’émergence d’un immense sit-in démocratique à Khartoum balayé dans le sang par les militaires. Mais ces morts et cette violence n’arrêteront pas cette soif de liberté. Une scène artistique voit le jour. Elle alimente les réseaux sociaux et fait vivre la révolution. Après des semaines de terreur le peuple redescend dans la rue. Un gouvernement citoyen est instauré.

The New black vanguard

© Joël Barcy
© Joël Barcy
L’avant-garde noire, titre de l’exposition à la chapelle Sainte-Anne rassemble de nombreux photographes afro-américains et afro-européens. L’idée est de célébrer la créativité noire et la fusion, l’hybridation entre art, mode et culture. Une conversation autour de la représentation du corps à travers une série où la photo de mode s’approche de l’art, où des femmes noires comme Dana Scruggs photographient des hommes noirs, ce qui n’est pas très fréquent et célèbrent la beauté du corps noir à travers des images contrastées et percutantes.

Pas que du glamour

Cette génération émergente est à la recherche d’une nouvelle esthétique. L’exposition offre une explosion de couleurs et d’énergie. Des artistes noirs ou de la diaspora ont braqué leurs objectifs vers les silhouettes noires souvent absentes des magazines de mode. Grâce aux réseaux sociaux puis à certaines revues, cette avant-garde a réussi à se faire connaître et s’affiche aujourd’hui dans les musées et sur les couvertures en papier glacé. Les photos souvent loin du glamour cherchent à traduire non pas un monde noir homogène mais fait de communautés, de désirs variés.

Désidération, un voyage intersidéral

Du rose, du jaune, du bleu sur un fond de béton. Des tirages métalliques entre ciel et terre, des êtres reliés au cosmos, des photos infrarouges en couleur enveloppées par des néons, des couloirs en acier… le monde de Smith est à la croisée des disciplines. Il nous offre un regard vers les astres, vers notre origine via de sublimes tirages. Pour Smith «Il y a si peu de rêve dans ce monde que j’ai voulu transcrire une mélancolie douce qui trouverait ses fondements dans le cosmos».

Masculinités, la libération par la photographie

«On ne naît pas femme, on le devient», disait Simone de Beauvoir. Alors qu’en est-il pour l’homme ? C’est à cette question que répond cette exposition. La tradition de la domination masculine associée à la force, l’autorité, la violence, le courage commence à être remise en cause. Révolution sexuelle, mouvement gay, opposition à la guerre au Vietnam, mouvement MeToo, l’idéal masculin en prend un coup depuis un demi-siècle. L’exposition démontre que, débarrassé des attentes sociales et normatives, il existe finalement de multiples masculinités

Sabine Weiss, la doyenne

A bientôt 97 printemps elle est la doyenne de ce rendez-vous. Sabine Weiss qualifiée de photographe « humaniste » a photographié l’après-guerre en se concentrant sur la rue mais aussi les terrains vagues autour de sa demeure avec les «gamins morveux». Une rétrospective exceptionnelle où se traduit une douce mélancolie. Le signe que la photo traverse les âges et témoigne quelle que soit sa forme. Joël BARCY Plus d’info: rencontres-arles.com

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