Pôle de l’entrepreneuriat à Marseille. Un Carburateur… et plus d’un tigre dans le moteur

Publié le 3 août 2018 à  11h54 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h46

Mission réussie pour le Carburateur : les indicateurs le concernant en termes de taux d’occupation, de porteurs de projets accompagnés ou de créations d’emplois attestent que le fameux pôle s’avère bel et bien un outil adapté à son territoire. Mieux, la stratégie de décloisonnement mise en place dès l’origine permet de booster le chiffre d’affaires des entreprises résidentes.

Le carburateur ©JP Vallorani
Le carburateur ©JP Vallorani
Trente-neuf entreprises dans les locaux, possiblement 5 de plus en septembre, ce qui fera monter le taux d’occupation à 95% sous cette échéance : le Carburateur a su, c’est un fait, s’imposer sur le territoire de la Cabucelle (15e). «C’est la preuve irréfutable que l’on répond bel et bien à un besoin», observe la directrice des lieux, Muriel Bernard-Reymond. Il faut dire que jusqu’à l’implantation en 2016 de ce nouveau pôle dédié à l’entrepreneuriat, les quartiers Nord de Marseille manquaient cruellement de ce type de structure, enregistrant de fait les plus forts taux d’émergence, mais aussi de mortalité d’entreprises de la ville, faute d’accompagnement. Telle est donc la mission du «Carbu»: accueillir le public porteur de projet (soit 500 en 2017), générer de l’animation autour de l’entrepreneuriat, héberger si besoin les jeunes pousses de la naissance à leur quatrième année d’activité en leur proposant bureaux de 15 m² mais aussi ateliers de production de 25 à 50m², open space comprenant douze postes de coworking…

Décloisonner les mondes

Le carburateur ©JP Vallorani
Le carburateur ©JP Vallorani

Le pôle a mis en œuvre pour cela une stratégie originale. «Nous avons voulu dès l’origine décloisonner trois mondes, celui des porteurs de projets, des entreprises en demande d’appui et de celles plus expérimentées, engagées pour certaines dans du mentorat». Un positionnement rendu notamment possible de par sa gouvernance, puisque le Carburateur est piloté par un groupement de sept structures locales, à savoir Esia, BGE Accès Conseil, Cosens, IMM, Couveuse Interface, Petra Patrimonia et Planète Adam. Cette approche mutualisée a permis au Carburateur d’obtenir le label Fabrique à entreprendre, initié par la Caisse des dépôts et consignations. Et puis, il y a aussi la présence de Cap au Nord dans les locaux, permettant d’œuvrer au rapprochement d’entreprises chevronnées, membres du réseau, et de TPE émergentes. Un plus, sachant que l’association compte parmi ces adhérents des majors, à l’instar de Haribo… Ainsi le Carburateur a visé un but dès la genèse : conclure des partenariats avec ces mêmes majors. Mission accomplie avec la CMA CGM, qui a lancé en 2017 un appel d’offres destiné à sélectionner cinq pépites proposant des solutions numériques appliquées au monde du maritime, du transport et de la logistique, leur allouant une enveloppe globale de 250 00€ permettant de financer leur hébergement au Carburateur. Partenariat reconduit cette année… «Ces cinq start-up sont toujours en exercice aujourd’hui, certaines grossissent bien et ont des résultats bluffant, comme Smart Sailor, qui a conçu un ERP (un progiciel permettant de gérer et suivre au quotidien l’ensemble des informations et des services opérationnels d’une entreprise, NDLR) dédié au monde du maritime et a déjà recruté quatre collaborateurs supplémentaires».

Des chiffres d’affaires en hausse

C’est un autre des points forts du bilan 2017 du Carburateur : il a contribué à créer in situ une cinquantaine de nouveaux emplois, sans compter ceux des dirigeants. «Mais encore, on constate une augmentation des chiffres d’affaires de ces structures». Cette accélération est le fruit de l’accompagnement, ce «sur tous les sujets relevant de la fonction d’entrepreneur. On leur propose des compétences internalisées, mobilisées en fonction du besoin. Si on éprouve des limites en termes d’intervention, on fait appel à un réseau d’experts, en n’hésitant pas à payer des prestations à nos résidents». Mais c’est aussi le fait de cette mise en réseau voulue par le Carburateur, génératrice de business. Ainsi certaines start-up ont-elles connu une ascension fulgurante, comme le studio de développement informatique Dev-ID. «Ils étaient cinq au départ, ils sont 21 salariés aujourd’hui», chiffre Muriel Bernard-Reymond. Toutefois, les locaux du Carburateur ne se limitent pas à l’accueil des seules start-up du numérique. Bien au contraire, la diversité est de mise dans les entreprises hébergées… «On a en effet des professionnels de l’alimentaire, comme La Compagnie des Bocaux, qui va bientôt délocaliser un peu plus loin sa conserverie à l’espace des Fabriques, sur Euromed II, tout en gardant des locaux administratifs chez nous. C’est une grande satisfaction pour nous, car une partie de notre accompagnement portait sur la recherche de lieux de production plus adaptés». Toujours dans le registre de l’alimentaire, l’installation récente d’une marque de yaourts à base de crème de riz du nom de Morice, des négociants en vin, en miel sous l’estampille du «miel des sept familles»… « Dès septembre, on comptera aussi une torréfactrice, elle officiera directement au Carbu !»

Des profils engagés

Parmi les autres locataires, des ingénieurs nucléaires, un pôle d’architectes, tous spécialisés dans le réemploi des matériaux de bâtiments, du nettoyage bio avec Bionetys, une brodeuse qui a multiplié son chiffre d’affaires par trois depuis son installation in situ, un fleuriste vendant uniquement sur internet et via des formules d’abonnement Fleur de Web, une spécialiste du remplumage des couettes et édredons, Luxiplume… des profils diversifiés mais gardant un même dénominateur commun : «Pour se retrouver ici, il faut jouer le jeu des territoires. Il s’agit donc souvent de profils engagés, œuvrant tous ensemble dans une bonne ambiance». Car le Carburateur, c’est aussi l’accès à la culture de l’entrepreneuriat pour tous, comme en témoigne les actions mises en place tout au long de l’année. «Nous proposons des ateliers d’une journée dédiés aux demandeurs d’emploi et aux bénéficiaires du RSE, financés par le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône. Nous les accueillons pour le café, faisons intervenir nos partenaires au cours d’un topo sur la création d’entreprise. On dédramatise le concept de business plan, on leur donne les clés qu’il faut maîtriser. Le midi, c’est l’heure du déjeuner avec nos résidents, ce qui permet l’échange. Puis l’après-midi laisse la place à la réception individuelle des personnes avec expert-comptable, avocat, ainsi qu’aux ateliers. Tous ne passeront pas à l’acte bien sûr, mais ils apprécient ce condensé de tout ce qu’ils doivent savoir s’ils veulent poursuivre dans leur projet de création. Cela leur fait gagner du temps».

Une antenne à la Bricarde en septembre

La même formule, là encore financée par le Département 13, est aussi déclinée à destination des collégiens, ici avec un autre objectif : les faire travailler sur les a priori, les représentations mentales, leur donner une autre vision du monde du travail. «Ces jeunes cultivent souvent une idée faussée de la sphère entrepreneuriale, dans leur vie ils voient leurs parents bien souvent confrontés au chômage ou occupant des postes de main-d’œuvre peu qualifiée». Ils ont ainsi la possibilité de se frotter à d’autres réalités en visitant les ateliers des locataires du Carburateur… Enfin, septembre marquera une autre étape pour le pôle de la Cabucelle : l’ouverture d’une antenne locale dans des locaux de la Bricarde (15e), en partenariat avec la Logirem et destinée à toucher les publics résidant en QPV (Quartiers prioritaire de la Ville) dans les cités avoisinantes, Plan d’Aou, La Castellane, Saint Antoine… «On nous a commandé ce projet, qui est financé par l’Agence France Entrepreneur. Nous allons accueillir des demandeurs d’emploi qui n’ont pas les moyens de se payer l’incubation au Carburateur, il concernera 18 bénéficiaires par an, chacun suivi pendant quatre mois à temps plein. L’objectif est soit de leur permettre de créer leur activité, soit de retrouver un travail». Et pour faire face à cette pluralité d’actions et d’accompagnements dédiés aux résidents entre et hors ses murs, le Carburateur lui-même a dû recruter. «Nous sommes désormais 5 collaborateurs». Un effet domino vertueux.
Carole PAYRAU
Plus d’info: le-carburateur.fr

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