Politique agricole commune (PAC) 2015-2020 : un avenir sombre pour la riziculture française

Publié le 21 mai 2014 à  20h41 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h51

Le riz de Camargue est en danger (Photo D.R.)
Le riz de Camargue est en danger (Photo D.R.)
Xavier Guyot aux côtés de Michèle Ricard directeur du Domaine Paul Ricard, exprime sa vive inquiétude pour le riz de Camargue (Photo Philippe Maillé)
Xavier Guyot aux côtés de Michèle Ricard directeur du Domaine Paul Ricard, exprime sa vive inquiétude pour le riz de Camargue (Photo Philippe Maillé)
Le riz de Camargue est en danger, Xavier Guyot, le directeur du Domaine Paul Ricard, exprime sa vive inquiétude pour le riz de Camargue et, plus largement pour l’avenir de ses terres. Tandis que Bertrand Mazel, le Président du Syndicat des Riziculteurs de France et Filière, revient sur ce dossier, explique les enjeux, les diverses initiatives prises par la profession.
Xavier Guyot lance: «Nous avions 20 000 hectares de riz sur la propriété, 12 000 cette année et sans doute seulement 6 000 l’an prochain. Cela parce que, dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC) le gouvernement ne veut plus soutenir ce secteur et le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, ne veut rien entendre. Et pourtant la France possède là d’importants atouts qui méritent d’être affirmés».
Bernard Mazel rappelle : «Le ministre de l’Agriculture a présenté, lors de la réunion du Conseil Supérieur d’Orientation (CSO) du 17 décembre, ses premiers choix gouvernementaux. Depuis cette date, nous avons eu d’autres rencontres avec le ministre de l’Agriculture sans succès pour notre filière rizicole».
Alors, à ses yeux pour la riziculture française le couperet est tombé : «Elle est totalement exclue des aides couplées à partir de 2015, alors que les riziculteurs en bénéficiaient jusqu’alors. C’est une perte nette de près de 8 millions d’euros/an qui venaient contribuer à soutenir les efforts des riziculteurs et de toute une filière régionale pour produire des riz « premiums » sous le signe de qualité IGP (Identification Géographique Protégée) et à entretenir un terroir exceptionnel dans un équilibre préservant une grande biodiversité. Les riziculteurs camarguais sont les premiers producteurs de céréales à avoir obtenu, en juin 2000, le label européen IGP qui récompense leur volonté de produire des riz de haute qualité, dans le plus grand respect de l’environnement. Rappelons qu’un quart de la Camargue est consacré au riz, ce qui permet de lutter contre la salinité des sols très préjudiciable pour l’agriculture. C’est donc une culture incontournable».

« Le delta de Camargue est la plus grande zone humide de France »

Aujourd’hui la riziculture française mériterait qu’on l’aide pour 3 raisons, considère le syndicat des Riziculteurs de France et Filière: «La première est l’intérêt à maintenir une grande filière agricole française porteuse d’emplois dans un contexte international difficile, 2 000 emplois en amont et en aval. La deuxième concerne le fait que le delta de Camargue est la plus grande zone humide de France et qu’il constitue la principale coupure verte du littoral entre Barcelone et Gênes. Par son système d’irrigation exceptionnel, la Camargue constitue une zone d’équilibre entre milieu naturel, milieu hydraulique, riziculture, tourisme et élevage. La troisième raison est qu’en matière de diversité des goûts et de sécurité alimentaire la riziculture française permet de proposer aux français et aux européens une production locale et tracée. Chaque variété de riz présente des intérêts gustatifs et nutritifs différents. Un symbole de biodiversité avec de multiples saveurs».
Puis de rappeler que la filière rizicole française est la deuxième activité économique en Camargue après le tourisme. «Dans le contexte d’une déclinaison française de la PAC 2015-2020 qui sacrifie la riziculture, nous avons donc le risque d’assister à la disparition progressive mais rapide d’une filière qui représente 230 producteurs, 7 organismes stockeurs, 16 riziers-conditionneurs et négociants-metteurs en marché, qui génère un chiffre d’affaire de 80 millions d’euros par an ».

«Une formidable opportunité de contenir les importations de riz et d’augmenter le développement du riz européen existe donc»

Le syndicat n’omet pas de signaler : « Bien qu’elles soient de taille modeste, les entreprises du riz sont reconnues pour leur réactivité et leur capacité de s’adapter aux marchés. La filière fonctionne solidairement comme une interprofession réunissant les producteurs, des organismes stockeurs, des industriels, des metteurs en marché dont le Groupe Soufflet Alimentaire et le Groupe Panzani. Avec son propre centre de recherche, le Centre Français du Riz (C.F.R.), la filière développe des relations très étroites avec la communauté scientifique (Inra, Cirad et Arvalis) ».
La profession rappelle que l’Europe produit 3 millions de tonnes de riz et en consomme 4 millions. «Une formidable opportunité de contenir les importations de riz et d’augmenter le développement du riz européen existe donc. La France approvisionnant 35% de sa consommation».
La profession s’étonne d’autant plus que : «Depuis l’après-guerre le Ministère a soutenu cette filière. Ce désaveu montre qu’il renie les efforts financiers qu’il avait lui-même fait pour le développement de la riziculture en France et l’avènement d’une production de qualité qui n’a pas d’équivalent dans le monde sur le plan environnemental. C’est d’autant plus rageant que les riz de Camargue sont en train de conquérir durablement le goût des consommateurs en France, avec le soutien de France AgriMer et des Régions Paca et Languedoc-Roussillon qui croient en l’avenir de ces riz de qualité».
Les riziculteurs envisagent de monter à Bruxelles pour tenter de trouver des solutions qu’ils ne peuvent obtenir au niveau national.
Michel CAIRE

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