Portrait – « Marius, un parcours commando : des bérets verts aux caméras ! » par Eric Delbecque

Publié le 18 mai 2016 à  21h39 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h15

Via son éditeur, François de Saint-Exupéry, qui dirige l’excellente maison Nimrod [[nimrod.fr]], nous avons fixé un rendez-vous au Train Bleu, à la gare de Lyon. Je suis déjà installé dans le salon tunisien lorsque je le vois arriver, sorte de synthèse entre Corto Maltese et Wolverine. Marius est fidèle à son image : solide et en veille, même lorsqu’il vous serre la main en souriant. Simple et naturel, on sent néanmoins sa retenue : il observe patiemment et scrupuleusement son interlocuteur.

De nombreux téléspectateurs le connaissent via «Garde-à-vous», un prime de M6 qui fait revivre à de jeunes hommes d’une vingtaine d’années trois semaines de service militaire, au Fort de Charlemont à Givet. Il ne s’agit pas de le reproduire à l’identique mais de leur faire toucher du doigt ce que vivaient les générations précédentes. Toutefois, Marius fit d’abord son apparition en 2005 dans un documentaire, «A l’école des bérets verts», puis dans le film «Forces spéciales», de Stéphane Rybojad, en 2011. Il y jouait son propre rôle. Il a également écrit un livre, «Parcours commando» (Editions Nimrod, 2013), qui permet de suivre la dynamique de son engagement et les choix qui guidèrent son existence.
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«Va chercher la foi au fond »

Par son passé, Marius nous dit quelque chose d’essentiel sur le leadership et l’intelligence collective. Les valeurs cardinales des unités d’élite parlent aux sociétés modernes organisées en réseaux. Agilité, adaptabilité, recours au système «D», travail en équipe, combinaison de la créativité individuelle, de l’autonomie et de la capitalisation coordonnée des compétences, des expertises et des expériences, voilà les seuls principes susceptibles d’apporter vision stratégique, sens et progrès dans un univers chaotique, complexe, habité par l’incertitude et marqué par l’interdépendance.

Dans le type de modèle militaire qui l’a formé (hérité du fabuleux commandant Kieffer), le groupe valorise les individus, lui apprend la résistance, la résilience et la goût de la belle individualité volontariste qui refuse tout autant l’égoïsme que le grégarisme, cherchant exclusivement à se transcender. Du même coup, son témoignage sur ce qu’il a constaté pendant le tournage de « Garde à vous » prend un relief particulier. L’idée de base de ce projet fut simple : plonger de jeunes gens dans l’ambiance des classes des appelés d’antan, au beau milieu d’un régiment d’infanterie ! Le but ? Les sortir de leur milieu, les confronter avec un cadre, des règles, et l’autorité ; enfin, vivre l’expérience d’efforts physiques faisant appel aux ressources de l’esprit.

Marius (Photo D.R.)
Marius (Photo D.R.)

Marius précise qu’il n’a pas choisi les dossiers des candidats mais simplement accueilli ceux qui se présentaient. Le résultat ? Celui, assure-t-il, que chacun observe de ses yeux à l’écran : la rapide formation d’un «esprit de cohésion», d’une «respiration collective». Et peu de différences, finalement, avec les appelés qu’il aima jadis commander, à l’occasion. Ce qui les distingue véritablement de leurs prédécesseurs ? Leur rapport à la technologie, à l’inévitable smartphone qui encourage le narcissisme, le repli sur soi. Mais quelques jours passés avec le « Patron » (Marius) et ses adjoints suffisent à les décentrer d’eux-mêmes et permirent de donner quelques cadres à ces hommes encore en devenir. S’ils choisissent de ne pas l’oublier, peu à peu, cette expérience leur apportera toute leur vie un soutien, une inspiration. Et toujours revenir à l’essentiel répète Marius : 20 % de physique, 80 % de mental ! L’esprit au centre de tout. Dans l’espace professionnel comme personnel.

« Tu seras un homme, mon fils »

Il n’existe pas de mauvais élève, martèle-t-il, simplement des formateurs inadaptés. La «mayonnaise» a pris, confirme l’ancien commando. Très vite, les éphémères «appelés» oublièrent les caméras. D’ailleurs, la production s’adapta dès le départ, laissant vivre les jeunes comme les instructeurs. Les techniciens durent suivre, non le contraire… Il fallait pousser ce groupe hétéroclite au meilleur, sans jamais franchir la ligne rouge de l’exigence insurmontable en regard de l’endurance physique ou psychique de chacun.

Apprentissage du mélange, aptitude à se concevoir comme le maillon d’une chaîne de solidarité, goût de la confrontation nécessaire et féconde avec la réalité, réflexion sur les vertus de la cohésion par opposition aux conséquences désastreuses de la fracture des groupes coopératifs, effets pacificateurs de l’ordre raisonnable, voilà une certaine manière de concevoir le monde dont Marius revendique la transmission à travers cette immersion furtive dans le service militaire de l’ancienne République du citoyen en armes…

Les mots de Marius sifflent comme une arme de précision : « réflexe animal », « faire des choix », « décider », « se dépasser »… C’est dans le même moule que naissent l’intelligence collective et le leader : celui de l’effort, du dépassement, de la cohésion et de l’humilité. Les élites d’aujourd’hui ont quelque chose à puiser dans cette méditation simple et forte sur l’essence des liens interpersonnels et sur la nature humaine. Les organisations, entreprises en tête, y gagneraient beaucoup.

L’entretien se termine. Je lui indique que j’ai noté avec plaisir l’importance qu’avaient pour lui la prière du parachutiste (écrite par l’aspirant André Zirnheld, Compagnon de la Libération), et «If » («Tu seras un homme mon fils », le poème de Rudyard Kipling) : ils résument une culture, une histoire et un caractère. L’amoureux de l’écriture et de la poésie qu’il avoua nourrir en lui depuis toujours (dans les lignes de Parcours commando) me sourit sobrement… Je crois y discerner une expression de bienveillance. Nous quittons le Train Bleu : son sourire d’au-revoir est franc et lumineux. Espérons qu’il fasse une saison 2 et un autre bouquin : il a encore pas mal de choses à transmettre à quelques « adulescents » en mal d’exemplarité. « Garde à vous » s’inscrit harmonieusement dans son parcours commando : un prime pédagogique qui insiste sur l’esprit de défense, de cohésion et de dépassement ! Merci patron… Récidivez cher Marius/Logan

* Eric Delbecque, Directeur du département intelligence stratégique de SIFARIS, chef du pôle intelligence économique de l’Institut pour la formation des élus territoriaux (IFET), membre du Conseil scientifique du CSFRS et conférencier au Centre des Hautes Études du Ministère de l’Intérieur (CHEMI)

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