PriMed: Entretien avec François Jacquel, directeur général du Centre méditerranéen de la communication audiovisuelle (CMCA), association organisatrice du PriMed qui se tiendra à partir de ce lundi jusqu’au 21juin.

Publié le 15 juin 2013 à  4h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  15h38

Depuis 4 ans, le Prix international du documentaire et du reportage méditerranéen (PriMed) qui affiche sa 17e édition, a élu domicile à Marseille offrant ainsi au public, une chance exceptionnelle de découvrir les deux rives de la Méditerranée autrement. Entretien avec François Jacquel, directeur général du CMCA.

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Avant d’aborder un peu plus en détail le PriMed, festival de la Méditerranée en images, qui démarre ce lundi 17 juin, pouvez-vous préciser quel est le rôle du CMCA ?

Le CMCA est une organisation internationale sous forme d’association de type ONG qui a été créée en 1995 pour fédérer les télévisions du bassin méditerranéen. Le but c’était à l’époque et cela l’est toujours aujourd’hui, de faire que ces télévisions apprennent à se connaître et à travailler ensemble. A coopérer dans un monde où bien sûr beaucoup de choses nous différencient mais où nous avons aussi en commun, soit des valeurs, soit des cultures qui, même dans leur diversité se rapportent à une aire géographique qui est la Méditerranée . C’est cela notre univers et dans cet univers, il y a aujourd’hui l’audiovisuel qui compte pour une grande part à la formation et aux divertissements des populations et que cet audiovisuel se développe. Il existe sous des formes très différentes selon les pays mais il peut être amené à conjuguer ses efforts pour pouvoir produire, travailler ensemble, puis surtout apprendre à se connaître. Travailler à une sorte de mise en évidence de nos différences mais aussi d’acceptation de nos différences au travers de la communication, de la formation et des programmes de télévision.

Comment se traduisent alors vos actions ?

Comme dans tout Club, on apprend tout d’abord à se connaître et à échanger. La première mission du CMCA, c’est la communication. Nous avons pour cela des outils, une newsletter mensuelle qui donne des informations, dans tous les domaines, sur le paysage audiovisuelle méditerranéen. Elle est lue par plus de 15 000 abonnés. Un site Internet vient compléter cette lettre. Une fois que l’on se connaît, on est amène chacun d’apprécier ses points forts, ses points faibles, ses atouts, ses lacunes et de là naissent des besoins en formations, c’est ce que le CMCA propose, c’est sa deuxième mission. Une mission de formation à destination essentiellement des journalistes pour que chacun des pays dans chacune des télévisions puisse se mettre à niveau dans des domaines spécifiques.

En quoi consiste cette formation ?

Nous avons une cession de formation en partenariat avec l’INA qui apprend aux journalistes à mieux travailler avec les archives. Comment les utiliser, comment les rechercher, elles peuvent apporter beaucoup aux reportages. C’est une formation qui existe depuis 4 ans et qui marche très bien. On a créé une autre formation sur les nouveaux supports multimédias, les nouvelles écritures, une formation de vulgarisation, pour faire toucher du doigt que l’on n’écrit pas de la même façon sur facebook, twitter, etc. que pour réaliser un web documentaire. Une autre formation est en cours d’élaboration, elle est destinée aux cameramans avec un stage de perfectionnement à la prise de vue parce que, en tant qu’ancien producteur, réalisateur de télévision, je pense qu’il y a beaucoup de progrès à faire dans tous les pays sur la qualité de l’image. Nous allons organiser, avec l’École supérieure de journalisme de Lille, des cessions de formation, en allant directement dans chacun des pays pour permettre, à chaque fois, à une dizaine de cameramans de se former. Les autres formations se déroulent à Marseille et sont prises en charge par le CMCA.

Ensuite, une fois que l’on s’est mis à niveau on va produire, faire réaliser des reportages ou des documentaires ensemble. Et c’est la mission du CMCA que de prendre des initiatives, de suggérer des thèmes de reportages ou de documentaires pour inciter deux, trois télévisions à produire ensemble. Depuis sa création le CMCA a favorisé la mise en production de 70 documentaires qui ont été diffusés sur les chaînes de la Méditerranée sur des thèmes comme les fantômes sous-marin, les Ports en Méditerranée, la pêche en Méditerranée, etc. Au CMCA de trouver des idées, de suggérer, d’aider à la production, à l’écriture. Charge aux télévisions de se mettre d’accord et de financer, de coproduire ses séries de reportages ou documentaires. C’est un domaine qui reste aujourd’hui encore beaucoup à développer parce que ce sont des actions concrètes.

Qu’entendez-vous par actions concrètes ?

Pour moi la coopération doit dépasser les beaux discours, les belles réunions qui ne débouchent que sur de belles intentions. Le CMCA, parmi toutes les autres organisations de coopération, se distingue par les actions qu’il mène, parfois discrètes mais concrètes. Lorsque au lendemain des printemps arabes et notamment en Tunisie, le CMCA a fait envoyer par France Télévisions 1 tonne de matériel à la Télévision tunisienne, c’est du concret parce qu’il y a 10 caméras, des bancs de montage qui sont arrivés. Au moment des élections tunisiennes, en octobre 2011, le CMCA a incité France Télévisons, l’Union européenne radio-télévision et le Conseil supérieur de la Méditerranée à envoyer 7 stations satellites. Ces dernières sont parties de Marseille en bateau, puis dispersées dans tous le pays pour assurer les directs des soirées électorales. Au lendemain du printemps arabes, je suis allé en Tunisie, en Égypte et lors de l’Assemblée générale du CMCA en avril 2011, les représentants des télévisions tunisiennes et Égyptiennes sont venus lancer un appel qui a permis de déclencher, le 31 mai 2011, la Conférence internationale de Paris en faveur des médias audiovisuels d’Égypte et de Tunisie. Tous les bailleurs se sont réunis , 300 personnes, la Fondation Anna Lindh, l’Unesco, l’ONU, les télévisions européennes, les ministères, etc. pour leur venir en aide. S’en est suivi des financements.

Où se situe le PriMed dans tout cela ?

C’est une autre des missions du CMCA, qui est de faire la promotion de tout ce qui se réalise en matière de reportages et de documentaires sur la Méditerranée et pour cela on a le priMed coorganisé par France Télévisions, la Rai et l’Union des TV arabes (ASBU). Un festival qui présente les meilleurs.

Au niveau des inscriptions, vous avez battu un record, cette année avec 442 films ?

C’est vrai aussi que l’on a donné un peu plus de temps aux gens pour s’inscrire. On a décalé de six mois la date du PriMed pour le faire coïncider avec MP2013. Dès 2012, nous avons pensé, pour lui donner plus de relief, de l’associer à d’autres événements. C’est pour cela que j’ai suggéré à France Télévisions de choisir Marseille comme lieu de la traditionnelle Fête de la musique que France 2 retransmet chaque année d’une ville différente. Rémy Pflimlin, PDG de France Télévisions, en mars 2012, m’a donné son accord et a écrit à tous les représentant de MP2013, tous les élus des collectivités locales pour annoncer que France Télévisions avaient choisi Marseille. Deux autres événements sont à inscrire aux côtés du PriMed, la semaine de France télévisions qui, sur toutes ses chaînes, dans différents programmes, du 15 au 22 juin, va se mettre à l’heure de MP2013. Cette semaine se terminera avec la Fête de la musique. Et enfin, le sommet des présidents des télévisions méditerranéennes à Marseille le 21 juin.

Que représente le PriMed et comment les sélections sont-elles opérées ?

C’est le seul festival qui représente à ce point la Méditerranée en images pas seulement vue par les Méditerranéens mais par d’autres pays puisque le critère de sélection, pour s’inscrire au PriMed, c’est que l’action, le tournage se déroule en Méditerranée. Il est donc ouvert à tous. On a ainsi reçu 442 films. Après six mois pour une première sélection de 150 films, au mois de décembre dernier, durant une semaine à Rome à la Rai, un jury a déterminé la sélection finale de 31 films. Ces films seront visionnés à Marseille par deux jury internationaux constitués de réalisateurs, d’experts, pour une remise de 12 prix.

Parmi tous les prix, il y en a trois à la diffusion…

Qu’est-ce qu’on cherche à faire avec un festival ? C’est déterminer, choisir de manière parfois un peu subjective, le meilleur de ce qui a été produit en Méditerranée en 2012. Et qu’est-ce que cela apporte aux réalisateurs, aux producteurs, aux auteurs ? Une ligne de plus sur leurs cartes de visites. Quand ils vont vers les télévisions, les diffuseurs en salle de cinéma, etc. Il signifie ainsi, mon film est bon puisqu’il a été primé. C’est valoriser cette production à propos de la Méditerranée. Dores et déjà le 21 juin à Marseille trois télévisions : TV5 Monde, Rai tre, France 3 Corse via Stella auront choisi, chacune, le film qu’elles vont récompenser et acheter pour une ou plusieurs diffusions.

Le PriMed se déroule à Marseille depuis 4 ans, où se tenait-il avant ?

C’est, en effet, la 17e édition du PriMed. Il est à Marseille depuis 2009 avant il circulait en Italie et était principalement organisé par la Rai. Il s’agissait d’une réunion entre professionnels. Depuis 2009 à Marseille, ce n’est plus une réunion de professionnels qui s’auto-congratulent mais une manifestation ouverte au public pour faire découvrir toute cette richesse de documentaires du monde dans lequel on vit, d’où les projections publiques. On a commencé petit jusqu’à cette année où là, on a deux auditoriums de 300 places au Mucem et à la Villa Méditerranée avec au total plus de 20 000 places proposées gratuitement au public. Entre 12 heures et 19 heures au Mucem et entre 18h30 et 22 heures à la Villa Méditerranée avec des films comme Five Broken cameras qui est également nominé aux oscars ou encore Guerre d’Algérie, la déchirure, Le Martyre des sept moines de Tibhirine, etc. Et cela concerne tous les gens qui habitent ici, c’est leur monde, leur environnement.

Qu’en est-il des conférences-débats ?

Le jeudi 20 juin à la Villa Méditerranée, une première conférence sur la production en Méditerranée notamment en Corse et en Paca avec une mise en valeur de ce qui est fait dans ces deux régions pour favoriser la production audiovisuelle. Le vendredi 21 juin à 10 heures au Mucem, le thème sera « Valeur, financement et avenir des télévisions publiques en Méditerranée » sur fond d’une actualité récente, la fermeture de la télévision publique grecque (lire interview de François Jacquel sur DésaBuzzé du 12 juin). Les valeurs, en quoi elle se différencie des télévisions commerciales, quel est son ADN, ses missions, son financement et son avenir. La conférence sera ouverte par la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova, qui délivrera un message à l’attention des présidents. Et puis, la remise des prix qui sera parrainée par Yann Arthus-Bertrand qui a réservé au priMed l’exclusivité des premières images tournées de son nouveau film Méditerranée, vue du ciel.

Vous êtes arrivé à Marseille en 2010, en tant que directeur général du CMCA. Quel a été votre parcours ?

Je suis journaliste à France Télévisions depuis quelques dizaines d’années. J’ai fait toute ma carrière à France 3 dans plusieurs régions, Strasbourg, Lyon, Paris et les 25 dernières années, je les ai passées à Thalassa et Faut pas rêver, une émission que j’ai créée en 1990 qui continue et que j’ai dirigé pendant 20 ans. Je suis toujours journaliste, rédacteur en chef de France Télévisions mais mis à disposition pour diriger le CMCA.

Comment envisagez-vous l’avenir du PriMed ?

On peut retrouver ce qu’était à l’échelle national le Sunny Side of the Doc qui, faute de soutiens est allé retrouver sur l’Atlantique des gens plus attentifs. Si Marseille veut retrouver non seulement un festival mais aussi un grand marché de l’audiovisuel, le CMCA est tout prêt à imaginer tout cela quand tout le monde aura pris conscience du véritable enjeu que l’audiovisuel peut avoir ici en Méditerranée. Nous sommes ici dans une ville où la diversité culturelle, communautaire fait que tout le monde devrait être mobilisé pour faire de ce Festival quelque chose de beaucoup plus populaire.

Propos recueillis par Patricia MAILLE-CAIRE

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