Primaires Citoyennes à Marseille : heureusement qu’ils sont dans le même camp…

Publié le 18 octobre 2013 à  12h04 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h24

C’est un triste spectacle qu’ont offert aux téléspectateurs Samia Ghali et Patrick Mennucci ce jeudi devant les caméras de France 3 et de Public Sénat. Les deux rivaux, qui défendront les mêmes couleurs aux Municipales de mars prochain, n’ont cessé de se couper la parole rendant le débat inaudible à de nombreuses reprises. Et n’ont apporté que bien peu d’éléments susceptibles d’alimenter la réflexion des électeurs marseillais.

Les Marseillais devront choisir la  tête de liste du PS pour les municipales de 2014 entre Samia Ghali et Patrick Mennucci  (Photos Philippe Maillé)
Les Marseillais devront choisir la tête de liste du PS pour les municipales de 2014 entre Samia Ghali et Patrick Mennucci (Photos Philippe Maillé)
Des candidats à de nombreuses reprises inaudibles car ne s’écoutant pas parler et s’interrompant sans arrêt en se coupant la parole ou parlant en même temps, des questions politiques de fond reléguées en deuxième partie d’émission quand toute la première n’a porté que sur les ralliements de trois candidats éliminés au premier tour à l’un de ceux qui reste en lice, des journalistes ne parvenant pas à tenir les débats et interrompant à leur tour allégrement les candidats sans leur laisser la possibilité d’étayer leurs raisonnements, et ce profond sentiment que ce n’est pas ce que l’électeur potentiel voit dans la lucarne de son téléviseur qui va le pousser à se déplacer pour voter dimanche prochain : c’est un débat extrêmement décevant qui a opposé ce jeudi 17 octobre sur les plateaux de France 3 Provence Alpes – il fut également retransmis sur Public Sénat – Samia Ghali et Patrick Mennucci, les deux derniers candidats en mesure de briguer l’investiture socialiste pour les municipales de Marseille au printemps prochain. Après un débat aixois pollué la veille par la question des ralliements, on s’imaginait pourtant volontiers assister cette fois-ci à un face-à-face beaucoup plus politique entre deux protagonistes on ne peut plus rôdés aux fonctionnements des arcanes de la République, l’une étant sénatrice, l’autre député, et tous deux étant maires de secteur de la deuxième ville de France depuis maintenant six ans. Mais il n’en a rien été…
Toutes les conditions semblaient pourtant réunies pour assister à un débat franc, loyal et éclairant sur les projets politiques soumis à l’arbitrage des citoyens marseillais ce dimanche 20 octobre. Tout d’abord parce que la participation du premier tour, plus de 20 000 électeurs se sont rendus aux urnes, a donné une réelle légitimité tant à Samia Ghali, arrivée en tête avec 25,2% des voix, qu’à Patrick Mennucci, qualifié lui aussi en ayant recueilli 20,6% des suffrages. Ensuite, parce que tous deux pouvaient se féliciter d’avoir devancé des personnalités de premier ordre, au rang desquelles Marie-Arlette Carlotti, la ministre déléguée aux Personnes handicapées et à la Lutte contre l’exclusion, arrivée 3e après avoir recueilli 19,5% des suffrages, mais aussi le président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) Eugène Caselli (16,6%), le vice-président du conseil général et conseiller municipal d’opposition Christophe Masse (14,3%), et le député et conseiller général Henri Jibrayel (3,8%). Enfin, parce qu’à Marseille, les problèmes ne manquent pas et qu’il y avait là sans aucun doute plus que jamais du grain à moudre pour les deux candidats soucieux d’afficher leurs différences à 72h d’une échéance décisive dans la course à la mairie de Marseille. Mais si différences il y a bien eu, elles ont davantage porté sur le ton et la posture sur les oppositions politiques que sur les grands dossiers de la ville.

Le ralliement d’Eugène Caselli à Patrick Mennucci met le feu aux poudres

La faute au ralliement d’Eugène Caselli à Patrick Mennucci dans l’entre-deux tours de ces Primaires Citoyennes, qui, et c’est un doux euphémisme, est particulièrement resté en travers de la gorge de Samia Ghali. Car si Marie-Arlette Carlotti et Henri Jibrayel ont adopté la même position c’est bien celui-ci que « n’encaisse pas » la sénateur-maire des 15e et 16e arrondissements. Alors elle a ressorti le journal La Provence du 1er octobre dans lequel le président de la communauté urbaine avait déclaré que « Patrick Mennucci ne sera jamais maire de Marseille » : « Et avant-hier, il décide de vous soutenir en estimant que vous êtes le mieux placé pour battre Jean-Claude Gaudin (UMP). Qu’est-ce qui s’est passé, est-ce qu’effectivement des choses lui ont été promises ? ». Le gouvernement est également dans la ligne de mire puisqu’elle a accusé Matignon d’être derrière ces « petits arrangements parisiens » – « D’ailleurs Eugène Caselli ne s’en est pas caché, il a dit qu’il avait eu un échange téléphonique avec le cabinet de Jean-Marc Ayrault » -. Un échange téléphonique sur la foi duquel elle assène : « Finalement, pour tous ceux qui parlaient du système, les antis-système, les masques sont en train de tomber. Les Marseillais voient que finalement ceux qui leur ont expliqué, pendant des mois et des mois, qu’ils étaient anti-système, anti-magouilles, anti-discussions entre amis, ce sont ceux qui les pratiquent aujourd’hui. Ce sont les vieilles recettes d’il y a 30 ans, dans lesquelles ils participaient d’ailleurs déjà. Ils remettent en application tout ce que leurs aînés leur ont appris. » Et d’insister sur le ralliement d’Eugène Caselli, alors que le président de MPM et le député-maire du 1er secteur s’étaient opposés, de manière virulente, sur la propreté. «Donc si je comprends bien avec les accords parisiens, on a décidé de s’asseoir sur la moitié du programme de Patrick Mennucci. » Mais le meilleur, la sénatrice l’a réservé à Eugène Caselli en personne, accusé d’avoir évoqué « un vote communautariste pas un vote socialiste » dans les quartiers Nord dimanche dernier sur la foi de propos rapportés par Le Figaro (*). « Les propos d’Eugène Caselli insultent une partie des électeurs français car, lorsque l’on vote pour une primaire, ce sont les électeurs français, ils ont des cartes électorales. Je condamne les propos d’Eugène Caselli. Est-ce que tu les condamnes Patrick ? ».
Refusant de rentrer dans cet affrontement-là, c’est pour le coup Patrick Mennucci qui jouait la carte de l’apaisement dans un rôle aux antipodes de celui qu’on lui connaît en temps normal quand il prend place sur les bancs de l’opposition au conseil municipal de Marseille. « Je te renvoie à l’interview du Monde qui est parue tout à l’heure où la question m’est posée et où je réponds, et la réponse pour moi est très claire : il n’y a pas de vote communautariste. S’il y avait eu un vote communautariste, ça se verrait par exemple à Belsunce où tu as fait 5 ou 6% des voix. C’est la proximité des maires de secteur qui a été déterminante. Je pense que c’est un élément qui a été tout à fait décisif », réplique-t-il en tentant d’amener le débat sur le fond politique.

Celui « capable de s’asseoir sur ses convictions » face à celle qui « refuse de parler du fond »

Car c’est bien cela qui justifie selon lui le ralliement de trois éliminés du premier tour à sa candidature. « Il y a un désaccord de fond sur la question de la métropole. Samia Ghali s’est opposée à la métropole et tous ceux qui aujourd’hui m’apportent leur soutien, ont voulu la métropole, l’ont portée. Donc, il me semble que dans cette affaire-là, il y a quelque chose de tout à fait légitime », analyse-t-il. Et le député-maire du 1er secteur de regretter « profondément » que « Samia Ghali abaisse la Primaire, abaisse notre débat, parce que c’était une réussite».
Mais cette dernière persiste et signe. « Donc tu es d’accord avec Eugène Caselli. C’est pas dur de dire : « je condamne ses propos » », embraye-t-elle. Ce qui a pour le coup le don d’agacer Patrick Mennucci. « Mais qu’est-ce que tu veux dire ? Tu veux dire quoi, me concernant ? », lui lance-t-il. Et la maire du 8e secteur de lâcher un « scud » : « Je veux te dire que tu es capable de t’asseoir sur toutes tes convictions, sur toutes tes valeurs pour avoir des petits arrangements entre amis ». Et Patrick Mennucci de répliquer : « Je crois que tu es dans une situation où tu refuses de parler du fond. Moi, ce qui m’intéresse, ce sont les propositions que nous faisons aux Marseillais, la capacité que nous allons avoir, dimanche soir, à nous rassembler. Parce que moi, je n’oublie pas une chose : mon adversaire, c’est aucun de ceux qui ont été candidats. Mon adversaire, c’est Jean-Claude Gaudin et Stéphane Ravier (FN). Et on peut raconter ce que l’on veut dans cette pièce, je ne répondrai pas à la provocation. Ce qui est important, c’est ce que nous disons aux Marseillais, et que nous préparions la victoire sur Jean-Claude Gaudin, parce que cette ville a besoin de changer de destin. Et c’est ça la priorité de la Primaire, ce n’est pas des gnics gnacs qu’on veut nous raconter à longueur de colonnes. » Avant de préciser : « Samia Ghali n’est pas agréable avec moi depuis quelques minutes, mais pourtant, elle se rassemblera avec moi… ou je me rassemblerai avec toi, moi je le dis ».
Mais Samia Ghali remettra une ultime fois la question sur le tapis. « J’ai d’abord constaté que Patrick Mennucci n’a pas condamné les propos d’Eugène Caselli. Je le dis, il n’y a pas de sous-électeurs », insiste-t-elle avant de revenir à la charge : « J’aimerais que tu condamnes ces propos ». Et Patrick Mennucci de lâcher, agacé : « Quand je dis que ce n’est pas un vote communautaire, je suis clair quand même ! ». Un triste spectacle qui n’aurait pas été complet si l’affaire « des minibus » véhiculant les électeurs au premier tour n’était pas revenue sur le tapis, alors même que Patrick Mennucci n’est « pas dans la tambouille ». Samia Ghali précise qu’elle les a mis en place « parce que la Haute Autorité a fait le choix d’avoir un bureau de vote par arrondissement ce qui compliquait la tâche pour les Marseillais pour pouvoir se déplacer ».

De grandes divergences sur la métropole

Il était alors enfin temps de parler politique. Mais le chronomètre ayant abondamment tourné, le temps était plus que compté. Si bien que des questions telles que l’emploi et le développement économique ne seront même pas abordées : un drame lorsque l’on sait à quel point le chômage est un fléau dans la deuxième ville de France. S’ils sont sur la même ligne sur la sécurité, doublement des effectifs de la police municipale, et la fiscalité, aucun des deux ne souhaitant l’augmenter tout en reconnaissant qu’il sera difficile de les baisser, les principales oppositions ont porté comme attendu sur la métropole.
Pour Samia Ghali, c’est « une fumisterie, une boîte à outils vide où il n’y a rien dedans » car « il manque l’argent, il manque l’essentiel dans cette métropole ». Et de pointer les 50 M€ par an promis par l’Etat, pour « 92 communes », là où elle évalue à « 3 Mds€ » l’enveloppe nécessaire « si on veut réellement que la métropole ait un sens, avec une contractualisation avec la ville de Marseille », une somme que, selon elle, «l’Etat doit à Marseille », qui correspond à ce que la ville « a perdu en 40 ans ». Après avoir recommencé trois fois son raisonnement car il était sans arrêt interrompu, Patrick Mennucci parviendra à expliquer qu’à ces 50 M€, s’ajoutent 50 M€ apportés par l’augmentation du versement transports. Et à ces 100 M€, il ajoute « un Contrat de plan avec le Département ou la Région » et « on va arriver à 120 M€ par an ». « C’est un effet de levier d’un emprunt de 2 Mds€ pour la nouvelle métropole qui nous permet d’aller à l’investissement des lignes de métro dont nous avons besoin, Capitaine Gèze-Hôpital Nord et Sainte-Marguerite-Bonneveine, et d’utiliser 800 M€ pour l’extérieur de Marseille, le lien avec Aix-en-Provence, le lien avec Fos-sur-Mer », étaye-t-il, avant d’asséner : « C’est ça le débat de la primaire ». Viennent ensuite des passes d’armes sur le stade Vélodrome, que Patrick Mennucci souhaiterait vendre à l’OM pour environ 350 M€ ce que Samia Ghali estime juridiquement impossible, ce qui fera dire au député-maire des 1/7 « je vois que tu représentes bien les intérêts de Bouygues », et sur le positionnement de l’un et de l’autre vis-à-vis de la politique du gouvernement – entre le gouvernement et les Marseillais, « j’ai toujours choisi les Marseillais », lâche Samia Ghali.
Il n’est de meilleurs amis qui ne se quittent, vient l’heure du mot de la fin. Celle qui se prévaut du « soutien des Marseillais » quand son rival peut se targuer de celui des élus, se veut à la fois maire et mère de la ville. « Je serai le maire et la bonne mère qui fera que cette ville sera gouvernée de manière apaisée avec la justice, le droit, mais surtout l’équité pour chaque citoyen qu’il soit du Sud, à l’Est ou au Nord », explique-t-elle.
Des considérations dans lesquelles ne rentre pas Patrick Mennucci. « En vous saisissant de mon bulletin de vote, vous avez l’opportunité d’ouvrir une nouvelle page du développement de Marseille en battant l’immobilisme de Jean-Claude Gaudin et en tournant la page d’un système qui, aujourd’hui a fait son temps, le système clientéliste mis en place à Marseille à la fois d’ailleurs par monsieur Guérini et monsieur Gaudin. Le moment est venu de faire votre choix et moi je veux vous dire que je serai un maire exemplaire », promet-il.
C’est désormais aux Marseillais de trancher avec à leur disposition le bien peu d’éléments que leur a apportés le triste débat de ce jeudi…
Serge PAYRAU
(*) Eugène Caselli dément avoir tenu les propos que rapporte Samia Ghali : ICI

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