Provence-Alpes-Côte d’Azur: émouvante inauguration du lycée Simone Veil à Marseille

Publié le 2 février 2018 à  9h58 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  17h56

Photo Robert Poulain)
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«Maman serait très émue parce que ce que nous avons vu était très émouvant», déclarera Jean Veil, fils de Simone Veil au terme de la visite du lycée portant le nom de sa mère, dans le 14e arrondissement de Marseille. Pour son frère, Pierre-François: «Marseille et la Région sont pour nous un exemple de ce que l’on peut apporter de mieux à notre mère» avant de rendre hommage au travail de l’architecte, Corinne Vezzoni, «notre grand-père, l’architecte André Jacob, 2e Prix de Rome, apprécierait».

Jean-Claude Gaudin, Renaud Muselier, Jean et Pierre-François Veil entourés des élèves du lycée fraîchement inauguré Simone Veil (Photo Robert Poulain)
Jean-Claude Gaudin, Renaud Muselier, Jean et Pierre-François Veil entourés des élèves du lycée fraîchement inauguré Simone Veil (Photo Robert Poulain)
Ouvert depuis la rentrée 2017, le lycée Saint-Mitre (14e) a pris le nom de Simone Veil, en hommage à une femme d'exception décédée le 30 juin 2017 (Photo Robert Poulain)
Ouvert depuis la rentrée 2017, le lycée Saint-Mitre (14e) a pris le nom de Simone Veil, en hommage à une femme d’exception décédée le 30 juin 2017 (Photo Robert Poulain)
Une inauguration qui se conjugue avec une exposition appelée à tourner dans les lycées de Provence Alpes-Côte d’Azur sur la vie de Simone Veil. Elle rappelle combien les combats de cette dernière sont d’une actualité toujours aussi brûlante. Il est en effet question de racisme et d’antisémitisme avec la déportation, du combat pour les femmes, toujours à mener, de l’Europe avec son élection au Parlement européen, du Droit avec son mandat au Conseil Constitutionnel et enfin de culture avec son entrée à l’Académie Française. Tout au long de l’exposition des élèves ont présenté des temps forts de la vie de Simone Veil à travers des saynètes et des lectures d’extraits de discours. Renaud Muselier, le Président de région de lancer: «Face à l’antisémitisme encore prégnant aujourd’hui, à une recrudescence des violences faites aux femmes et à l’épreuve du Brexit, essayons, à notre modeste niveau, d’être à la hauteur de son œuvre».

«Simone Veil a marqué le siècle en portant tant de combats»

Pour le Président de Région: «Nous honorons aujourd’hui la mémoire d’une femme, d’une mère, d’une partie même de l’Histoire de France que nous aimons tant : Simone Veil». Elle est à ses yeux «le symbole d’une France libre et combattante, d’un combat, celui pour la liberté et la dignité des femmes, de la paix et de la construction européenne, d’une République qui ne s’égare jamais, d’une combattante de toutes les injustices». Il rappelle que Simone Veil a marqué le siècle en portant tant de combats. «Sa détermination lui a permis de survivre aux camps de la mort, de porter une réforme sociétale fondatrice de l’égalité entre les hommes et les femmes, de faire résonner le projet européen puis de contribuer à consolider les bases de la République au sein du Conseil constitutionnel». Et de citer les mots du Président de la République, en hommage à Simone Veil: «Vous avez, Madame, prodigué à notre vieille Nation des dons qui l’ont faite meilleure et plus belle. Vous avez jeté dans nos vies cette lumière qui était en vous et que rien ni personne n’a jamais pu vous ôter. Les Français l’ont su, l’ont compris. Votre grandeur fit la nôtre».

«Toutes les écoles sont belles surtout lorsqu’elles offrent en plus la possibilité d’emprunter la voie de l’émancipation»

Insiste sur l’importance de l’Éducation à travers le lycée qui est aussi selon Renaud Muselier: «un lieu de vie, de liberté… tout ce que Simone Veil incarnait C’est un message d’espérance pour notre jeunesse et un repère dans la formation morale de nos enfants. Le plus récent des lycées marseillais prolongera cet héritage et le fera vivre tout comme le lycée éponyme de Valbonne dans les Alpes-Maritimes ».
«Ouvrir une école, poursuit Renaud Muselier, c’est porter avec vigueur les valeurs de la République.C’est d’autant plus vrai dans ces quartiers Nord de Marseille qui font tant de fois parler d’eux par des faits divers. La réalité de ces quartiers va bien au-delà. Ils recèlent une richesse inestimable, celle d’une jeunesse qui a envie de s’instruire, de s’ouvrir au monde, de s’épanouir. Toutes les écoles sont belles surtout lorsqu’elles offrent en plus la possibilité d’emprunter la voie de l’émancipation». Et d’affirmer: «J’aime l’école de la République et je mesure notre responsabilité collective pour en faire des tremplins vers une parfaite insertion personnelle et professionnelle. Je crois fondamentalement que l’École est le lieu de l’ascension sociale. Bafouer ce principe serait une erreur historique». Et d’adresser un message aux élèves de ce nouveau lycée, à toute l’équipe éducative, enseignants, administratifs, agents régionaux: «Le projet éducatif que vous faites vivre ici va bien au-delà de cet établissement, il est fondateur de notre vie en société. Cette mission peut donner le vertige car l’École ne peut pas tout faire. Elle peut en revanche donner le sentiment d’utilité des apprentissages, la confiance envers les professeurs ou encore le goût du travail en groupe. C’est déjà beaucoup et c’est là l’essentiel».

«On se doit d’arracher chaque victime à l’oubli»

Renaud Muselier évoque ceux qui souhaitent que l’on ne parle plus de la Shoah. «C’était aussi le souhait des Nazis. Le silence devait parfaire le crime. Ils se sont trompés. Ce crime hantera à jamais la conscience de l’humanité. Des millions de témoins et de victimes se lèvent par-delà la mort pour raconter. Et à chaque nouveau récit la stupeur nous étreint et la question revient, lancinante : comment cela a-t-il pu être possible ?» Il invite à rester toujours vigilants. «Les élections législatives en Allemagne qui ont eu lieu l’an dernier nous le rappellent. Pour la première fois depuis 1945 l’extrême droite a fait son retour au Bundestag. On se doit d’arracher chaque victime à l’oubli. Comme on se doit d’honorer les Justes qui ont aidé à sauver des juifs.
Si nous évoquons le passé, c’est pour ne pas oublier les victimes mais c’est aussi pour prévenir d’autres crimes. Sous la haine des juifs, il y a la haine de toutes nos valeurs, de la raison, de la tolérance, de la liberté, de la démocratie
». C’est, avance-t-il «pour lutter contre cet empoisonnement des consciences qu’avec Christian Estrosi nous avons, dès le début de notre mandat, pris l’initiative d’organiser les voyages de la Mémoire à Auschwitz pour les lycéens de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Nous accompagnerons les lycéens de la région Sud à Auschwitz les 13 et 14 février prochains. Tout comme nous avons permis à nos 191 000 lycéens de visiter gratuitement le camp des Milles». Un camp des Milles «remarquablement piloté par Alain Chouraqui. Combat dans lequel je l’ai toujours soutenu. Le camp des Milles dont Simone Veil disait: « Depuis le camp des Milles, plus de 2 000 juifs ont été déportés à Auschwitz, où ils ont trouvé la mort pour la plupart d’entre eux. Il reste beaucoup de souvenirs ici et aussi des témoignages artistiques. Nous devons en tirer les leçons, pour que cela ne puisse jamais se reproduire ».

«La liberté des femmes pour être maître de leur destin et de leur vie»

Le Président de Région tient également à évoquer l’engagement de Simone Veil pour les femmes «qui était une lutte d’un pragmatisme redoutable en faveur de l’égalité. Chacun se souvient de la loi du 17 janvier 1975 relative à l’Interruption Volontaire de Grossesse. Cette réforme sociétale a su résolument engager notre pays dans la voie de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Et surtout la liberté des femmes pour être maître de leur destin et de leur vie. Toute la société lui en est aujourd’hui encore redevable et reconnaissante». Il en vient à l’Europe: «Mieux que d’autre, elle avait su comprendre l’impérieuse nécessitée de faire la paix avec l’Allemagne pour que jamais cela ne recommence. Elle savait que la paix passait par la construction européenne qui n’est autre que l’un des plus beaux projets de vie commune qui soit». Rend enfin hommage à Corinne Vezzoni: «Ce lycée s’inscrit dans la modernité avec une gestion environnementale exemplaire dont pourront bénéficier les 855 élèves dans les sections générales, technologiques et post-bac. Il est en ce sens au cœur de l’action environnementale que j’entends initier pour cette région. Les 181 lycées publics de la Région seront en effet au cœur de cette ambition. Cet établissement prend racine dans notre histoire méditerranéenne avec ses restanques, ses ocres et le voisinage immédiat de l’église Saint-Mitre. Et bien entendu, Notre-Dame-de-la-Garde qui, au loin, protège tous les Marseillais, quelles que soient leurs origines et leurs croyances».

«Désormais, dans le département des Bouches-du-Rhône, trois femmes illustres sont à l’honneur»

Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille, rappelle que, pour la réalisation de ce lycée, la ville, comme le veut la tradition, a mis à disposition le terrain, ici d’un coût de 2M€. Il souligne que désormais, dans le département des Bouches-du-Rhône, «trois femmes illustres sont à l’honneur. Marie-Madeleine Fourcade, compagnon de la libération, donne son nom au lycée de Gardanne; le lycée de la mer, dans le sud de la ville, porte celui de Germaine Poinso-Chapuis, députée des Bouches-du-Rhône et aujourd’hui, ce magnifique lycée neuf prend celui de Simone Veil». Il rappelle ses liens d’amitié avec Simone et Antoine Veil, se souvient: «J’ai eu l’honneur d’être aux côtés de Simone Veil lors d’un voyage officiel en Pologne du Premier ministre de l’époque, Édouard Balladur, nous avons vu Simone Veil se rapprocher du stalag où, avec sa mère et sa sœur, elles avaient été internées». Bernard Beignier, le recteur de l’Académie Aix-Marseille invite à la réflexion: «Les pays européens traversent une crise morale réelle. Nous devons réfléchir pour comprendre comment, dans les années 30, des pays ont basculé dans l’horreur conçue, voulue, pensée. Certains disent que les Nazis étaient fous. Malheureusement non, ils étaient intelligents. Ils ont maintenu un système jusqu’au dernier jour. Il faut s’interroger sur les raisons qui ont conduit la Gestapo à avoir autant de docteurs en droit, de scientifiques qui ont pu dévoyer leur science dans les camps». Et de considérer: «L’éducation la plus difficile est celle de l’intelligence. Elle peut être dévoyée, s’engager dans des voies que l’on croit bonne alors qu’elles sont les plus effroyables. A vous de faire confiance à vos professeurs, de vous tenir à distance de réseaux sociaux qui sont parfois les égouts de la civilisation ». Et de conclure en citant Rivarol: «Dans les crises politiques, le plus difficile pour un honnête homme n’est pas de faire son devoir, mais de le connaître».
Michel CAIRE

Diaporama Robert Poulain

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