Recherche. La date d’apparition des céréales recule de plus de deux millions d’années

Publié le 5 juillet 2021 à  12h27 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  19h19

Un consortium international, mené par Valérie Andrieu, enseignant-chercheur à l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie (IMBE – Aix-Marseille Université/CNRS/IRD France) a découvert les plus anciens pollens de céréales connus au monde et daté de 2,3 Ma dans la longue série sédimentaire d’Acıgöl (600 m de long, 0-2,3 Ma, SO Anatolie). Cette découverte permet de faire reculer de plus de deux millions d’années l’apparition des céréales dans les écosystèmes, et de remettre en question le paradigme de la domestication au Néolithique. Alors que l’on pensait que les humains étaient les géniteurs des céréales, celles-ci semblent avoir émergé naturellement, l’Homme ayant simplement accéléré leur expansion. Cette recherche a fait l’objet d’une publication sortie fin avril dans la revue Scientific Reports (Nature).

Un consortium international, mené par Valérie Andrieu, a découvert les plus anciens pollens de céréales connus au monde ©IMBE
Un consortium international, mené par Valérie Andrieu, a découvert les plus anciens pollens de céréales connus au monde ©IMBE

Les plus anciens pollens de céréales ont été trouvés dans le sud-ouest de l’Anatolie, dans la longue série lacustre d’Acıgöl datant de 2,3 millions d’années (Ma). Ces pollens, appelés «proto-céréales» apparaissent aux côtés de spores de champignons coprophiles qui sont d’excellents indicateurs de la présence des troupeaux de grands mammifères car ils se développent exclusivement sur les excréments de ces animaux. Le pollen des ancêtres d’arbres cultivés (olivier, noyer, châtaignier, noisetier Prunus), de même que d’abondants restes fossiles de grands mammifères (mammouth, rhinocéros, okapi, chameau et de nombreux chevaux et bovidés) ont également été trouvés.

Les proto-céréales proviendraient de graminées sauvages dont l’émergence a pu être favorisée par les troupeaux de grands herbivores…

Alors que l’apparition des céréales était jusqu’à présent attribuée à « l’invention » de l’agriculture par l’Homme, ces recherches soutiennent une hypothèse alternative. Les proto-céréales proviendraient de graminées sauvages dont l’émergence a pu être favorisée par les troupeaux de grands herbivores attirés par les eaux douces du lac Acıgöl. Par le piétinement, l’enrichissement des sols en azote et le broutage, les troupeaux de grands herbivores ont pu modifier le génotype des proto-céréales naturellement présentes à Acıgöl, favorisant ainsi l’émergence des céréales modernes. Les populations d’homininés, présentes dans le sud-ouest de l’Anatolie aux alentours de 1,4 Ma ont pu bénéficier de la présence de céréales dans les écosystèmes herbacés.

Au niveau régional, Valérie Andrieu poursuivra ses recherches sur le sujet dès septembre 2021 au sein de l’institut d’études avancées de l’université d’Aix-Marseille (IMéRA). Celles-ci porteront sur les pollens de proto-céréales, datant d’il y a 1,1 Ma, découverts à Marseille. Si la présence de pollen de proto-céréales se confirment ailleurs sur le globe, cela nécessitera une révision fondamentale de la vision globale de l’histoire de la nutrition humaine.
La rédaction
En savoir plus : nature.com/articles

[(Ces recherches ont été menées au niveau français par l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie Marine et Continentale (IMBE, Aix-Marseille Université/CNRS/IRD), le Centre Européen de Recherche et d’Enseignement des Géosciences de l’Environnement (CEREGE, Aix-Marseille Université/CNRS/IRD/Collège de France/ INRAE), le Laboratoire de Préhistoire, Muséum national d’Histoire naturelle (UMR 7194, UPVD, CERP), le Conservatoire Botanique National Méditerranéen de Porquerolles, le Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (IPSL‑CEA‑CNRS, UMR 8212‑UVSQ), le CEA Saclay, le laboratoire Image, Ville, Environnement (LIVE, UMR7362, Université de Strasbourg), et au niveau international par le Department of Geology, Pamukkale University, le Department of Geology, Dokuz Eylül University, le Department of Biology, Ege University ainsi que l’Institute of Earth Systems, University of Malta.)]

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