Récital Vincent Genvrin au Festival de Roquevaire : Souffle symphonique et couleurs de l’orgue

Publié le 30 septembre 2019 à  11h30 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  12h32

Le Festival de Roquevaire (13), présidé depuis l’origine par Jean-Robert Caïn, propose à l’automne des séances musicales démontrant les capacités et l’attrait de cet instrument majeur, en le mêlant aux voix ou aux instruments, mais également en invitant en récital des organistes de premier plan. C’était le cas ce dimanche 29 septembre pour le concert de Vincent Genvrin, titulaire à Paris de Saint-Nicolas des Champs et de Saint-Thomas d’Aquin, ainsi que professeur au conservatoire de Dieppe.

Récital de Vincent Genvrin (Photo P.G.)
Récital de Vincent Genvrin (Photo P.G.)

En tant qu’interprète mais aussi que transcripteur, Vincent Genvrin avait conçu un programme d’une indéniable intelligence, autour de trois œuvres d’époques différentes mais pourtant intimement reliées dans leur écriture, les divers auteurs ayant chacun recherché à unifier les phases multiples de leur inspiration en une seule grande forme.
En témoignait dès le début l’enchaînement des huit séquences d’une étonnante sonate d’Élisabeth Jacquet de la Guerre, compositrice contemporaine de Louis XIV et Louis XV et unanimement saluée par le monde musical de son temps. Respectant les timbres des registrations de l’époque, l’arrangement de Vincent Genvrin a fait merveille, rajoutant ainsi une fort crédible sonate en trio au répertoire de la musique française de la fin du XVIIe siècle. Grâce à sa science historique des alliages sonores de l’orgue, l’interprète a ensuite pleinement servi, mais cette fois par un choix de timbres d’une rondeur orchestrale assumée, la Grande Pièce symphonique de César Franck. Abordée avec rigueur et souffle formel, cette fresque de près d’une demi-heure a pu ainsi dérouler son cheminement tour à tour méditatif et grandiose, destiné à plonger l’auditeur dans une ambiance de contemplation mystique structurée cependant de bout en bout par la fameuse écriture cyclique du compositeur. On retrouvait le transcripteur dans la seconde partie, entièrement consacrée aux célèbres Tableaux d’une exposition de Moussorgsky. On sait que la richesse potentielle de la version originale pour piano, si claire et incisive, a suscité de nombreuses relectures, orchestrales ou autres. Ici, Vincent Genvrin, libéré de tout contexte référentiel dans ses mélanges de couleurs sonores, a exploité l’orgue de Roquevaire dans de multiples dimensions, avec des résultats originaux qui soulignaient l’aspect théâtral de cette partition : par exemple, lourdeur écrasante de «Bydlo», mélange très audacieux dans le «Ballet des poussins dans leurs coques» ou encore une «Grande Porte de Kiev » surgissant dans le lointain, c’est-à-dire depuis les tréfonds de l’orgue, jusqu’à sa triomphale péroraison.
Très applaudi, Vincent Genvrin prenait congé sur une délicate adaptation du Kinderstück op. 72 n° 4 de Mendelssohn. Il est à noter que, dès la semaine prochaine, le 6 octobre, le festival de Roquevaire reprogrammera la même œuvre de Moussorgsky, mais cette fois dans la transcription de Jean Guillou jouée par l’organiste Étienne Walhain, titulaire de la cathédrale de Tournai, pour un hommage rendu au maître récemment disparu. La comparaison promet d’être passionnante.
Philippe GUEIT

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