Regards croisés sur les Pôles de compétitivité et la politique Internationale de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur avec Émilie Royere -Pôle de Santé Eurobiomed- et Caroline Pozmentier-Sportich

Publié le 29 mai 2020 à  8h13 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  11h36

La Team Sud Export, véritable guichet unique de l’export, accompagne les entreprises du territoire dans leur développement à l’international. Depuis sa naissance, il y a plus de 18 mois, son rôle est renforcé afin de recueillir auprès des TPE-PME-ETI de la région les témoignages du terrain pour être au plus près des besoins. Durant le confinement, et pour appréhender les difficultés économiques, les comités de pilotage réunissant l’écosystème se sont maintenus pour soutenir au mieux les entreprises exportatrices au cœur du Plan de soutien de la Team France de l’Export. Celui-ci permet d’aligner l’action de l’État et de la Région au service des entrepreneurs. Après un premier focus sur le Pôle Mer Méditerranée pour voir ce qu’apportent concrètement cette Team et les comités de pilotage auprès des acteurs du territoire, nous avons décidé de faire un second gros plan sur le Pôle de Santé Eurobiomed, à travers le témoignage de sa directrice générale, Émilie Royere. Elle nous présente l’organisation de son Pôle, ses ambitions d’être le fleuron européen dans son domaine d’ici 2025 et ses échanges au sein de la Team Sud Export sur le volet de l’international.

Caroline Pozmentier-Sportich (Photo Robert Poulain) et Émilie Royere (Photo Eurobiomed)
Caroline Pozmentier-Sportich (Photo Robert Poulain) et Émilie Royere (Photo Eurobiomed)

Émilie Royere : «L’organisation de la Team Sud Export a pu nous faire reprendre par la main les entreprises, travailler sur toute la logique de diplomatie, sur les marchés publics et privés. Cette collaboration est devenue l’une des plus stratégiques à l’international».

«Pour la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les pôles de compétitivité sont des partenaires de choix et de qualité pour le développement économique et contribuent à l’attractivité de notre territoire», précise Caroline Pozmentier-Sportich, vice-présidente de la Région en charge des relations internationales qui précise: «La Région Sud compte 8 Pôles de compétitivité et 3 filières d’excellences. Grâce à leurs activités : innovation, « interclustering », expertises, ces opérateurs régionaux sont devenus des éléments fondamentaux et stratégiques des dispositifs export et d’attractivité sur lesquels la Team France de l’Export, au niveau régional (Team Sud), peut s’appuyer. Ils permettent d’aller droit au but pour sourcer bon nombre d’entreprises innovantes intéressées par un développement à l’international sur les marchés les plus porteurs. A ce titre, en réussissant à mettre en route de véritables alliances avec leurs homologues étrangers, Eurobiomed a montré la voie aux États-Unis et au Japon. Le travail de maillage et de collaboration a du sens, et de façon pragmatique la réponse et les outils se trouvent dans la Team Sud de l’Export pour accompagner les entreprises»

«Un grand regroupement d’acteurs qui innovent dans les secteurs des sciences du vivant»

En France, le principal impact des Pôles de compétitivité, les dernières années a été leur capacité «à développer de manière toujours plus efficace les partenariats public-privé» dans le cadre de projets de recherche collaborative. Et depuis 2010, Eurobiomed a été l’un des fleurons en termes de reconnaissance et progression en associant dans sa démarche : acteurs publics et privés, chercheurs, praticiens, patients, financeurs, entreprises. «Nous sommes une filière très complexe, avec des investisseurs comme des réglementations très spécifiques, explique Émilie Royere, à travers l’organisation proposée dans notre Pôle, nos entreprises doivent trouver l’offre de services la plus complète. Une offre qu’elles ne peuvent pas trouver ailleurs, notamment via le réseau consulaire, car notre accompagnement personnalisé est unique.» Eurobiomed est le Pôle de compétitivité du grand Sud-est dans le domaine de l’innovation en matière de santé. Il couvre deux Régions : Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie, avec pour vocation de soutenir et accompagner l’ensemble du tissu des entreprises qui font de la recherche en santé. Organisé sous la forme d’une association avec des présences à la fois sur Aix-Marseille, Nice, Montpellier, Toulouse, Toulon, le Pôle s’appuie sur un réseau commun et un comité d’experts scientifiques au service des porteurs de projets innovants.

«Notre Pôle est une fusion de différentes structures tournées vers la recherche en santé»

Avec son économie basée sur la connaissance de la science du vivant, le rôle du Pôle Eurobiomed est clair : «Nous sommes un grand regroupement d’acteurs qui innovent dans les secteurs des sciences du vivant , poursuit Émilie Royere, le but est d’accélérer les secteurs d’activités de tous ceux qui constituent la chaîne de cette innovation pour développer de nouveaux produits et services répondant aux enjeux de la médecine du futur. Nous nous appuyons pour cela sur des leviers essentiels : être intégré dans un réseau, faire apprendre les gens à se connaître et collaborer ensemble, arriver plus vite sur le marché et pouvoir lever les fonds, les guider dans toute la communication et le management. Notre Pôle dépasse aujourd’hui les 400 membres, alors que nous étions 200 en 2010. Précision importante : 75 % des industriels du Pôle sont des TPE-PME, nous avons peu de grands groupes et touchons l’ensemble du tissu de recherche.» Les dernières années, Eurobiomed a su rapprocher les partenariats entre le secteur public et le secteur privé. Un lien fondamental dans le cadre de projets de recherche menés dans un esprit collaboratif. «Notre Pôle est une fusion de différentes structures tournées vers la recherche en santé», précise sa responsable, nous avons connu une progression forte et régulière, avec une hausse de 6 à 10 % en moyenne par an depuis 2012. Nous en avons profité pour nous développer aussi à travers une croissance de services. Nous étions très orientés au départ vers l’animation des réseaux, nous faisons de plus en plus de l’accompagnement des entreprises.» Des entreprises adhérentes dont 95 % développent des médicaments, du diagnostic, des dispositifs médicaux, des solutions numériques pour la santé. Si la politique des Pôles de compétitivité a été remise en question par l’État depuis les dernières années, ils continuent à être les seuls « à faire pouvoir autant travailler les deux entités : public-privé, en aussi forte intensité. On attire toujours plus grâce à la confiance que nous suscitons. A l’exemple d’un Institut de recherche public ; nos entreprises, partenaires, nous font confiance ! En matière de santé, vous pouvez imaginer que cette relation est essentielle.»

«Il faut repenser l’industrie de la santé en Europe, impulser une véritable politique d’innovation de la santé »

Dans sa stratégie pour viser encore plus haut, le Pôle entend mettre en avant, dans le même temps, les atouts de son réseau et les projets de recherche. «La concurrence sera accentuée de manière phénoménale, remarque encore Émilie Royere, il y a toute une recherche de proximité à développer, et davantage avec la crise du Covid-19. Notre volonté est d’être le premier réseau européen des entreprises de l’innovation en santé en 2025. Dans ce but, on entend miser sur notre tissu d’entreprises en plein essor. La crise née du Covid-19 doit amener davantage de relations européennes. Depuis les dix dernières années, il faut reconnaître que la crise de l’Europe avait freiné le développement de la coopération en matière de santé. A l’avenir, l’Europe doit pouvoir davantage disposer de ses fonds propres. Il faut repenser l’industrie de la santé en Europe, impulser une véritable politique d’innovation de la santé. Cela doit aussi passer par adapter les réglementations en vigueur aux impératifs des travaux de recherche. Les actuelles réglementations sont très lourdes. Il nous faut plus de souplesse.» Pour elle, la crise actuelle doit redonner une autonomie sanitaire en France et en Europe. Avec l’idée que l’autonomie puisse entraîner l’obligation de relancer l’industrie française et européenne de la santé en relocalisant les sites de production, de matières premières, d’équipements pour le soin. L’innovation technologique, au cœur de l’activité d’Eurobiomed, a prospéré sur Marseille et dans sa région. Profitant de la richesse de ses universités, laboratoires, instituts de recherche… afin de mener en commun des projets. En ce sens, le Pôle a joué «un rôle fédérateur des écosystèmes de recherche et d’innovation publics et privés.» Un rôle moteur de la compétitivité et de l’innovation, notamment dans le diagnostic médical, où le territoire possède des laboratoires et startup reconnus. «Plusieurs de nos entreprises ont bien sûr été impactées de plein fouet par la crise sanitaire mais la croissance dans l’innovation en matière de santé ne doit pas être freinée. Plusieurs de nos membres ont pu être acteurs de la lutte contre la pandémie, les dernières semaines, en permettant par exemple à des Ephad d’être moins isolés», signale la directrice d’Eurobiomed.

«Il va falloir travailler sur la feuille de route de l’export par filières, comme se recentrer sur la zone Europe ou Méditerranée-Afrique»

Diagnostics médicaux, thérapies, solutions numériques pour aider les établissements de soins, les patients, aidants… les filières de l’innovation dans la santé doivent profiter de l’éclairage actuel pour être davantage au cœur du débat et répondre à la crise. «Ce qui devrait entraîner sur le territoire de nouvelles opportunités et impulser des propositions pour relancer la filière Health Tech dans le grand Sud est », annonce Émilie Royere. «L’animation de notre réseau, dense en laboratoires de recherche, en TPE-PME, de très haute qualité scientifique et entrepreneuriale, offrira de nouvelles opportunités de croissance à l’étranger à la filière régionale, grâce au développement de projets partenariaux pouvant également impliquer les autres Pôles de santé du pays.» A ce titre, le Pôle a décidé de travailler dès le départ avec la Team France de l’Export, «il nous fallait des spécialistes à l’international, que nous n’avions pas. On est dans une économie mondialisée avec les difficultés d’accès aux marchés à l’étranger que cela génère. Appartenir à la Team nous apporte plus de partenariats et de visibilité. Nous avons aussi pu intensifier les actions avec Rising Sud, comme en Californie, un endroit stratégique pour nous. L’organisation de la Team a pu nous faire reprendre par la main les entreprises, pour éviter de mauvais réflexes protectionnistes. Elle nous permet de travailler sur toute la logique de diplomatie, sur les marchés publics et privés. Pour nous, cette collaboration est devenue l’une des plus stratégiques à l’international.» Profiter en quelque sorte de la réorganisation des marchés internationaux que devrait susciter la crise sanitaire a été au menu des derniers comités de pilotage organisés par la Team Sud Export. Dont le rôle pourrait s’avérer central afin d’anticiper les bouleversements économiques et nouveaux débouchés à appréhender pour les entreprises régionales. «Il va falloir travailler à repenser la feuille de route de l’export par filières , conclut Caroline Pozmentier-Sportich, comme se recentrer sur la zone Europe ou Méditerranée-Afrique. Nous devons continuer à nous mettre ensemble autour d’une table et s’organiser notamment autour de cette relation Nord-Sud que je vois revenir en force dans les échanges internationaux. La crise actuelle nous oblige à soutenir toujours plus les investissements, à travailler à des relocalisations rapides de la production industrielle de chaque filière. Et, pour cela, il me paraît évident que la dynamique impulsée par nos Pôles de compétitivité y apportera une contribution majeure.»
Bruno ANGELICA

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