Rencontre avec Félicien Juttner qui jouera Lindoro à La Criée dans ‘Le Feuilleton Goldoni’

Publié le 25 novembre 2021 à  11h06 - Dernière mise à  jour le 3 novembre 2022 à  8h55

«Goldoni est un Tchekhov de la commedia dell’arte», précise Félicien Juttner qui jouera Lindoro dans « Le Feuilleton Goldoni » trilogie théâtrale mise en scène par Muriel Mayette-Holtz programmée du 8 au 11 décembre au Théâtre de la Criée.

Félicien Juttner sera Lindoro dans le
Félicien Juttner sera Lindoro dans le

De « Zelinda et Lindoro » de Goldoni dans l’adaptation-traduction de Ginette Herry on se souvient de la production créée à Grignan en juillet 2006, donnée en décembre 2007 au théâtre du Gymnase de Marseille où la mise en scène de Jean-Claude Berutti offrait une version rafraîchie et rafraîchissante de la pièce. Antony Breurec, formé à l’école de Saint-Étienne y incarnait un Lindoro puissant, proche du «Capitaine Fracasse». Julie de Maupeou, elle aussi de la Comédie de Saint-Étienne se glissait dans la peau de Zelinda avec charme, et intensité. S’emparant de cette même version française du texte italien, Muriel Mayette-Holtz, directrice du Théâtre National de Nice, met en scène une captivante trilogie amoureuse et signe ainsi une mise en scène très commedia dell’arte avec rythme, et une qualité de jeu de la part de tous ses interprètes absolument réjouissante.

Au centre du kaléidoscope Félicien Juttner en Lindoro et Joséphine de Meaux, pétillante Zelinda apportent fraîcheur, et enthousiasme. Tous les autres acteurs autour d’eux sont détonants, et l’esprit de troupe voulu par Muriel Mayette-Holtz accentue le côté festif de la production. Très inventive la mise en scène a découpé la pièce en trois parties «Les amours de Zelinda et Lindoro», «La jalousie de Lindoro», «Les inquiétudes de Zelinda» qui sont comme autant d’épisodes donnés au Jeu de Paume lors de trois soirées distinctes. Formidable idée que celle du Théâtre de La Criée à Marseille de reprogrammer cette production festive du 8 au 11 décembre prochain avec le samedi 11 décembre la possibilité donnée aux spectateurs de voir les trois épisodes en continu à 16h, 18h, et 20h. Mais commençons par résumer ces trois moments qui forment en fait trois pièces que l’on peut découvrir indépendamment les unes des autres.

Trois épisodes d’une même pièce

Épisode I: Les amours de Zelinda et Lindoro

Zelinda et Lindoro s’aiment depuis l’enfance. Zelinda est une orpheline recueillie par Don Roberto qui en a fait sa femme de chambre et a pour elle de grands sentiments. Lindoro a fui le cocon familial pour la rejoindre en se faisant engager chez Don Roberto comme commis. Leur amour secret est bousculé car Zelinda est courtisée par Flaminio, le fils de Don Roberto, et par Fabrizio, l’intendant de la maison. Eleonora, la seconde femme de Don Roberto, s’inquiète, elle aussi, de la relation que son mari entretient avec la servante… Les amours de Zelinda et Lindoro sont finalement découverts, ils sont alors chassés de la maison. Après de nombreux pourparlers, Don Roberto accepte de les marier, mais le couple saura-t-il profiter de cette bonne nouvelle ?

Épisode II: La jalousie de Lindoro

Zelinda et Lindoro sont mariés. Par manque d’autonomie financière, le couple est contraint de rester au service du maître Don Roberto. Lindoro, malheureux de ne pouvoir subvenir aux besoins de son couple, développe une jalousie ravageuse. Flaminio a découvert le vrai amour et entretient une romance cachée avec Barbara,
une cantatrice ; Eleonora se réfugie dans les bras d’un marchand, Don Filiberto, et Fabrizio rencontre une jeune servante Tognina… De conflits en quiproquos, les personnages sont tous torturés, incapables de construire une relation amoureuse sereine…

Épisode III: Les inquiétudes de Zelinda

Don Roberto est mort et laisse un héritage conséquent à Zelinda. Le couple peut enfin vivre correctement. Les avocats s’en mêlent, une bataille entre Flaminio, le fils du maître disparu, et Eleonora, la jeune veuve, fait rage. Pour toucher une part de l’héritage, il doit renoncer à sa Barbara et elle ne doit pas se remarier. Lindoro prend sur lui pour essayer de cacher sa jalousie maladive, Zelinda ne reconnaissant plus son mari commence à douter de lui et de son amour. Libres, les amoureux ont toujours du mal à trouver le bonheur… Chacun se bat entre désir d’absolu et liberté. Malgré un dénouement heureux, leur bonheur reste fragile.

«Une description très minutieuse de la bourgeoisie»

Du plaisir théâtral d’une durée de 1h20 pour chaque épisode. Avec sous les traits de Lindoro, le comédien Félicien Juttner vif et virevoltant et surtout qui rend à son personnage toute son âme d’enfant.. Avec lui le jeune amoureux jaloux fait des caprices, boude, rit, vitupère, s’emporte, attachant et insupportable à la fois, la mise en scène de Muriel Mayette-Holtz insistant avec légèreté et panache sur les rapports sociaux des personnages. «C’est une description très minutieuse de la bourgeoisie que fait Goldoni dans « Les aventures de Zelinda et Lindoro »», indique Félicien Juttner qui ajoute: «On a souvent rapproché Goldoni de Molière, ce qui est assez pertinent. Mais, j’ai toujours considéré qu’avec le dramaturge italien nous nous trouvions dans un univers proche de ce que sera plus tard celui de Tchekhov. Et notamment dans sa pièce « La cerisaie », une famille compliquée, une maison en crise, et une défense des droits des femmes comme chez Tchekhov justement, mais aussi Hugo, Racine et aussi bien entendu Molière.»

Pour construire la manière d’interpréter son personnage de Lindoro Félicien Juttner est parti de la position affective et sociale du jeune homme. «Le costume de Lindoro est trop grand pour lui et comme je ne pouvais rétrécir ses habits je me suis rapetissé », lance-t-il. Ainsi Félicien Juttner semble avoir l’âge du rôle, et rapproche son Lindoro du Lorenzaccio romantique de Musset. «J’aime dans l’écriture de la pièce le goût du détail dans l’exposé, des blessures d’enfance. Le défi était de rendre Lindoro aussi agaçant que touchant. Pour y parvenir, en me souvenant que pour Muriel il n’y a pas de personnages mais il n’y a que des personnes, j’ai travaillé en collaboration avec Goldoni. Et certainement pas en étant au service du texte ce qui aurait impliqué une soumission. Ce qui n’est pas dans mon tempérament. Mais avec toujours en mémoire ce conseil de Louis Jouvet quant au jeu d’acteur face à un texte: « un peu moins de respect et un peu plus d’amour ».» Une devise dont Félicien Juttner a nourri sa vie de comédien, lui qui à la Comédie-Française (c’est Christophe Montenez qui le remplacera dans son fauteuil quand il quittera la Compagnie), a frappé les esprits dans «Un chapeau de paille d’Italie» avec Pierre Niney, «Hernani» ou « La maladie de la famille M » de Fausto Paravidino.

Auteur, et metteur en scène

Acteur très physique qui réfléchit à son rôle sans le cérébraliser, Félicien Juttner est aussi un fou des chansons de Renaud, Brassens, Leprest, Barbara, ou Anne Sylvestre. C’est également un auteur et un metteur en scène qui dirigé par Muriel Mayette-Holtz dans Goldoni -femme généreuse dont il salue «l’art de réveiller la modernité de la pièce « Zelinda et Lindoro »» la mettra en scène à Nice dans la pièce qu’il vient d’écrire. Et de conclure: «J’ai été élevé à l’amour des grands textes dans l’idée que j’aimais ces textes et qu’ils m’aiment bien. De fait quand je dis une phrase d’un auteur que j’affectionne j’ai l’impression d’être chez un ami.»
Jean-Rémi BARLAND

« Feuilleton Goldoni » mis en scène par Muriel Mayette-Holtz à la Criée de Marseille du 8 au 11 décembre. Épisode 1 le mercredi 8 décembre à 19 heures. Épisode 2, le jeudi 9 décembre à 20heures. Épisode 3 le vendredi 10 décembre à 20 heures. Épisodes 1,2 & 3 le samedi 11 décembre à 16 heures, 18 heures et 20 heures – Plus d’info et réservations.
Signaler un contenu ou un message illicite sur le site

Articles similaires

Aller au contenu principal