Rencontre avec l’acteur Benjamin Wangermée qui joue dans ‘Les vivants et les morts’ au Théâtre du Rond-Point de Paris du 14 au 26 février

Publié le 9 janvier 2023 à  19h11 - Dernière mise à  jour le 12 janvier 2023 à  12h58

Pour tous ce fut un choc. Seul en scène Benjamin Wangermée creva les planches avec «Mickaël», donnée dans le cadre du Off d’Avignon. Impressionnant aussi dans l’aventure «Edmond» d’Alexis Michalik, (succès mondial) il participa au délirant «René l’enervé» de Jean-Michel Ribes que l’on a pu voir au Rond-Point à Paris. Ce même théâtre dans lequel il reviendra avec «Les vivants et les morts», la pièce de Gérard Mordillat, applaudie récemment au Toursky de Marseille. On signalera aussi sa performance dans «Maigret » le film de Patrice Leconte avec Gérard Depardieu dans le rôle titre. Et sa présence inoubliable sur la pièce «Nouveau roman» de Christophe Honoré, créée au théâtre de la Colline en 2012 et qui fut un des moments phares du Festival d’Avignon. Rencontre avec un comédien tout terrain toujours placé du côté de l’excellence.

L'acteur Benjamin Wangermée (Photo D.R.)
L’acteur Benjamin Wangermée (Photo D.R.)

Destimed: Parlez-nous de votre parcours, et qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier?
Benjamin Wangermée: J’ai commencé le théâtre à l’âge de 12 ans après avoir pratiqué le violon pendant cinq années. La rigueur qu’impose cet instrument a fini par me peser, j’avais besoin d’autre chose. Un cadre dans lequel je pouvais me sentir plus libre et joyeux. Et effectivement, ça m’a plu, considérablement. J’ai très vite eu envie d’en faire mon métier. J’ai donc ensuite intégré le conservatoire de Lille à dix-sept puis la classe libre des Cours Florent en 2006, et enfin le conservatoire national supérieur de la dramatique de Paris en 2008.

Et pour être un peu plus précis je me souviens d’un événement qui fut assez révélateur. C’est lorsque j’ai découvert le film Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau. Je crois que la fougue et le panache de Gérard Depardieu m’ont vraiment donné envie de me lancer dans la discipline théâtrale. C’est d’ailleurs drôle car à l’époque je ne savais pas bien sûr qu’Edmond Rostand et Gérard Depardieu m’accompagneraient quelques années plus tard…

Vous êtes embarqué sur le périple «Edmond» de Michalik. Parlez-nous de votre travail sur cette pièce virevoltante.
Concernant l’aventure d’Edmond ce qui m’a beaucoup plu c’est de travailler sur un rythme très soutenu, une vraie vague sur laquelle il fallait savoir surfer avec panache et finesse. Malgré le rythme effréné de la pièce, avoir la charge et la responsabilité de faire passer un maximum d’émotions fut un vrai défi, assez passionnant à vrai dire. Et puis un tel rôle, deux heures sur scène, sans en sortir ou presque, c’est quand même un beau cadeau. D’ailleurs, après presque 600 représentations, je ne m’ennuie toujours pas, au contraire.

Vous avez joué dans le « Maigret » de Patrice Leconte, avec Depardieu. Comment s’est passé le tournage avec lui ? Et quel est votre avis sur ce film où Maigret apparaît dépressif et obèse?
Le tournage avec Gérard Depardieu sur Maigret s’est formidablement passé. J’appréhendais forcément de rencontrer un tel monstre sacré mais il fut d’une grande gentillesse, très curieux, posant mille questions. Nous avons longuement échangé entre chaque prise. Ce fut un très beau moment, devant comme derrière la caméra.

Concernant le film et sa noirceur, j’aime personnellement beaucoup ce genre d’ambiance. Patrice Leconte a fait le choix (audacieux, surtout aujourd’hui) de la vraie lenteur. Le film, dans ce rythme étrange, dans sa puissance aussi, est un peu une mise en abyme de ce qu’incarne ou peut incarner Gérard Depardieu aujourd’hui, avec le poids de l’âge et de l’expérience. C’est surtout je pense, le film d’une très très belle rencontre entre un acteur et un personnage.

Une autre aventure, c’est « René l’énervé » de Jean-Michel Ribes donné au théâtre du Rond-Point…
«René l’énervé» est un opéra bouffe qui fut joué au théâtre du Rond-Point à l’automne 2011. C’était une aventure assez extraordinaire. Je venais tout juste de sortir du conservatoire et me voici engagé par Jean-Michel Ribes. un géant de la mise en scène et un auteur contemporain phare. La pièce est une délicieuse satire de l’accession au pouvoir et du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Nous étions 22 comédiens/chanteurs au plateau, plus un orchestre dans la fosse. Et ce fut en plus un triomphe. J’en garde un souvenir fantastique.

Benjamin Wangermée dans Mickaël (Photo DR)
Benjamin Wangermée dans Mickaël (Photo DR)

Vous avez également crevé les planches avec « Mickaël» donné au Off d’Avignon…
La pièce «Mickaël» est un seul en scène que j’ai écrit et dans lequel je joue. C’était pour moi une grande plongée dans l’inconnu, l’exercice du solo étant toute particulière. Ce spectacle prend racine dans ce que j’ai connu à l’adolescence, en l’occurrence une immense et débordante fascination pour le chanteur et danseur Michael Jackson. Idolâtrie un peu excessive qui fut le berceau de troubles obsessionnels compulsif et d’une fascination extrême pour la perfection qu’incarnait Jackson à mes yeux. Bref tout un programme. Et le spectacle narre donc l’histoire de ce jeune adolescent qui, au moment d’entrer dans le monde des adultes, se réfugie dans une bulle idolâtrique dans laquelle il croit se construire. Idolâtrie qui sera vite source de vertiges identitaires et d’un mal être grandissant. C’est donc le parcours initiatique d’un adolescent qui va apprendre à enlever le masque et commencer à comprendre qui il est. C’est un sujet vaste, complexe mais que je traite ici avec beaucoup d’humour, de la danse bien sûr et en fil rouge une histoire poignante entre un père et son fils.Destimed les vivants et les morts photo francois catonne Comment êtes-vous arrivé sur la pièce «Les vivants et les morts » de Gérard Mordillat et qui va être reprise au Rond-Point ? Présentez-nous votre personnage de Monsieur Format.
J’avais déjà travaillé avec Gérard Mordillat dans l’adaptation télévisuelle des « Vivants et des morts» puis dans l’adaptation au cinéma d’une pièce hilarante de Frédéric Lordon sur la crise financière «Le Grand Retournement». Nous avons adoré travailler ensemble et c’est Gérard qui m’a contacté au printemps dernier pour participer à ce projet musical. J’ai immédiatement dit oui !

Mon personnage est particulièrement intéressant car il navigue entre deux eaux. Le monde ouvrier et le monde du patronat. Il fait le lien entre les exigences terribles et injustes d’un patron cynique à souhait, et les besoin d’ouvriers à l’agonie, en passe de perdre emploi et dignité. Il semble tout d’abord aussi sournois et fourbe que les patrons qu’il côtoie. Mais on se rend bien compte qu’il est lui aussi manipulé et qu’il a fait de son mieux. Simplement de son mieux. C’est un très beau personnage, très humain. Dans ces failles et sa bonté.

Que pensez-vous de la pièce ?
Gérard a réussi la prouesse de condenser un immense roman en une pièce musicale de 2 heures. Il n’en a gardé que la substantifique moelle. Comme disait Giacometti: «Je ne sculpte pas, j’enlève juste ce qui n’est pas nécessaire». Un peu comme Simenon l’auteur des Maigret qui secoua son cahier devant un interlocuteur stupéfait qui lui demanda ce qu’il faisait et à qui il répondit: « J’enlève les adjectifs». Eh bien Gérard a fait de même. Il n’a gardé que le muscle ôtant toute graisse mais en intégrant musique et chant. Et quand des personnages en détresse se mettent à chanter comme dans un dernier souffle, ça donne je crois quelque chose d’assez splendide.

Comment Gérard Mordillat vous a dirigé ?
Gérard et moi travaillons en toute confiance. Il me donne de simples indications d’énergie, d’engagement. De simples précisions d’états émotionnels et de rendez-vous à tenir. Il me connait très bien aussi. Donc en quelques mots on se comprend immédiatement. Et puis il faut dire qu’avec Gérard c’est toujours très bien écrit. Donc bien plus simple à jouer.

Quel est selon vous un grand metteur en scène ?
Un grand metteur en scène, c’est un peu bête à dire mais c’est un metteur en scène qui aime profondément les acteurs. Comme un sportif de haut niveau, les acteurs ont besoin d’être en confiance pour performer. Et un grand metteur en scène, de par son regard bienveillant, sa douceur et la précision de ses directions, doit pouvoir créer cette confiance, indispensable au déploiement d’un travail de grande qualité. Il doit aussi faire confiance et donner à l’acteur une grande liberté. Un acteur libre est un acteur heureux. Et je crois qu’il n’y a rien de plus beau que de la joie en scène.

Quels acteurs vous ont donné envie de faire ce métier ?
Comme je le disais, Gérard Depardieu m’a vraiment donné envie de faire ce métier. Je pense aussi à des acteurs comme Patrick Dewaere, Jean-Pierre Marielle, et dans un autre style moins de chez nous Al Pacino, Daniel Day-Lewis, Jim Carrey, Christoph Waltz ou encore Steve Carell.

Vos meilleurs souvenirs d’acteur ?
Mes trois années de conservatoire furent gorgées de souvenirs merveilleux. J’ai eu la chance de suivre les cours de Jean Damien Barbin qui est un pédagogue exceptionnel. Mais presque toutes les premières des spectacles ou avant-premières de films dans lesquels j’ai joué furent des moments inoubliables. Quand on découvre les premières réactions d’un public enfin là. Et que ça marche. Que ça plaît. C’est toujours grisant et magnifique.

Préférez-vous le théâtre et le cinéma ?
Je n’ai pas vraiment de préférence mais j’ai une affection toute particulière pour le théâtre car on est dans le vivant et le présent, toujours dans le vivant.

Quels sont vos projets ?
Après les «Vivants et les Morts» au Rond-point, je vais commencer les premières répétitions de la prochaine pièce de Côme de Bellecize, «Mondial Placard». Une pièce hilarante sur la parité dans le milieu de l’entreprise. Entre temps, un peu d’Edmond en alternance. La sortie d’un court-métrage que j’ai réalisé et qui est l’adaptation cinématographique de mon solo Mickaël. Et la reprise du spectacle Mickaël dans un théâtre parisien à l’automne 2023. De belles choses…
Propos recueillis par Jean-Rémi BARLAND
« Les vivants et les morts » au Théâtre du Rond-Point de Paris du 14 au 26 février 2023 à 20h30. – Dimanche 26 février – 15h30 – Relâche les 19 et 20 février. plus d’info et réservations : theatredurondpoint.fr.

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