Rencontres d’Averroès 2016 : une nouvelle équipe, un retour, une nécessité

Publié le 15 octobre 2016 à  22h15 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h38

Une nouvelle équipe, un retour et une nécessité toujours plus impérative, telles sont les trois caractéristiques de l’édition 2016 des Rencontres d’Averroès qui interrogent sur le thème «surmonter les failles». La nouvelle équipe c’est celle « Des livres comme des idées » qui succède au défunt Espace Culture pour produire la manifestation. C’est aussi RFI qui succède à France Culture et, un retour celui du père fondateur des Rencontres Thierry Fabre qui, après deux ans d’absence, en reprend la conception. Et, s’il était besoin de mots pour comprendre la nécessité de cette manifestation, il importe de savoir qu’elle se déroule du 10 au 13 novembre, date des attentats de Saint-Denis et de Paris. Attentats qui avait mis fin, après une seule table ronde, à l’édition 2015 des Rencontres.

Nadia Champesme, Fabienne Pavia, Thierry Fabre, Anne-Marie d'Estienne d'Orves, Macha Makeïeff (Photo Robert Poulain)
Nadia Champesme, Fabienne Pavia, Thierry Fabre, Anne-Marie d’Estienne d’Orves, Macha Makeïeff (Photo Robert Poulain)
Thierry Fabre fondateur des Rencontres d'Averroès (Photo Robert Poulain)
Thierry Fabre fondateur des Rencontres d’Averroès (Photo Robert Poulain)

«Soudain le silence. il y a un an la parole a été empêchée par la violence des attaques terroristes à Paris et à Saint-Denis», rappelle d’une vois grave, sourde,Thierry Fabre. «La violence, poursuit-il, c’est le contraire du projet Averroès qui vise à faire partager la parole et les idées». Manifeste son plaisir de se retrouver à la Criée, «l’un des lieux de paroles dans la cité, installé sur les rives mêmes de la Méditerranée». Tient à saluer l’équipe de l’Espace Culture pour tout ce qu’elle a réalisé en faveur des Rencontres. Dévoile: «Les Rencontres auraient pu disparaître. Dans un contexte de tensions, de monter des extrêmes, il importait que la manifestation se poursuive. Ce n’est certes qu’un lieu de parole mais, tant que l’on se parle on ne se tue pas». La faille est là, peut-on la combler? «En tout cas, indique-t-il il faut éviter qu’elle devienne gouffre, et, pour cela, il importe de la définir». Et Thierry Fabre de décliner les quatre tables rondes pour autant de failles: «La première est généalogique, une faille se dessine dans la relation entre l’Europe et l’Islam. De qui sommes le « Nous »? Quelles lignes de partage ou/et de fractures entre un « Eux » et un « Nous »? Peut-on parler de failles, entre des blocs de civilisations, considérés comme irréductibles ou, au contraire, d’un système relationnel qui tisse des relations à la fois très anciennes et actuelles». Cette faille peut-elle être surmontée et comment? Pour en débattre, le 11 novembre à 15h, le philosophe Ali Benmakhlouf, le psychanalyste Fethi Benslama et le politologue François Burgat.

«Comment sortir de ce désastre ?»

La deuxième table ronde, le 12 novembre à 10 heures, abordera la faille historique: «Elle se prolonge, elle est liée notamment à l’Histoire de la colonisation qui est loin d’être soldée. Quels nœuds de mémoire et quelles failles historiques peut-on identifier, première étape nécessaire afin de pouvoir les dépasser?». Interviendront sur cette question Mohamed Kenbib, Luigi Mascilli Migliorini, Abdelmajid Merdaci et Benjamin Stora seront de la partie. A 15 heures, le débat, explique Thierry Fabre, portera sur la faille géopolitique qui s’approfondit, liée notamment à la propagation de la haine depuis le Proche-Orient. Fragmentation de la Syrie, dislocation de l’Irak et de la Libye, montée en puissance de Daech et de ses exactions, perpétuation du conflit entre Israël et la Palestine, affirmation de régimes autoritaires en Égypte et en Turquie. Comment sortir de ce désastre? », elle réunira Bertrand Badie, Myriam Benraad, Bassma Kodmani et Marc Pierini. La quatrième table ronde, le 13 novembre, à 10 heures, évoquera «une faille dans la cité». Thierry Fabre note: «La faille se creuse dans nos cités fragilisées, à partir du déni, de la relégation, voire de l’exclusion, d’un côté et du sentiment d’abandon, de mépris voire de déclassement, de l’autre, qui multiplient les incompréhensions et favorisent les antagonismes». Un débat qui réunira Marc Crépon, Smaïn Laacher, Thierry Paquot et Andrea Rea.
Mais, avant cela, le 10 novembre, à 18 heures, en ouverture, sera présenté « Le dictionnaire de la Méditerranée », publié aux éditions Actes Sud et dont les directeurs d’ouvrage sont Dionigi Albera, Maryline Crivello, Mohamde Tozy et Gisèle Seimandi. Puis, à 20 heures le collège de la Méditerranée proposera «Qu’est-ce que l’Islam a changé en Méditerranée?» avec des interventions de Julien Loiseau et Sabhi Bouderbala».

«Marseille s’invente en permanence avec des habitants d’une grande tolérance»

Macha Makeïeff, la directrice du Théâtre de la Criée qui accueille une nouvelle fois les Rencontres exprime toute l’importance qu’elle accorde à cette manifestation: «tant il est important de rencontrer les penseurs, ceux qui travaillent sur le passé, éclairent le présent, ceux qui construisent l’avenir. C’est important dans cette ville de Marseille qui s’invente en permanence avec des habitants d’une grande tolérance». Elle évoque alors un contexte de «menaces totalitaires» pour insister sur l’importance de «ce regard sur la Méditerranée, sur ce qui nous relie et qu’il faut faire entendre».
Fabienne Pavia co-dirige avec Nadia Champesme l’association « Des livres comme des idées » présidée par la journaliste et écrivain Valérie Toranian. «Notre association a vu le jour, il y a un an, elle produit les Rencontres et porte Oh les beaux jours, en hommage à Samuel Beckett, un festival littéraire qui se déroulera en mai prochain dans de nombreux lieux culturels». Une association qui, comme l’indique Nadia Champesme, tient tout particulièrement à poursuivre le dispositif Averroès Junior.
Anne-Marie d’Estienne d’Orves, adjointe au maire de Marseille, en charge de la culture, affirme pour sa part: «Cette aventure des Rencontres, nouvelle édition, est plus que jamais nécessaire». Elle se remémore l’édition 2015 qu’«il a fallu interrompre, la tristesse, le désespoir, qui nous ont alors envahis ainsi que l’idée qu’il ne fallait pas abandonner. Alors, en décembre dernier, quelques jours après les terribles attentats, nous avons voté un plan de développement de la lecture publique. Au-delà des mètres carrés de livres supplémentaires, il s’agissait de promouvoir des actions fédératrices essentielles dans notre pays et notre ville carrefour». Et d’inscrire dans cette logique les Rencontres -tant il importe de débattre sur ce monde en perpétuel changement- «de réunir les pensées les plus vives; de poser le débat, d’apprendre à écouter nos différences. Ces nouvelles Rencontres, imaginées par Thierry Fabre, permettent de concrétiser notre engagement municipal. Et la thématique de cette édition « Surmonter la faille? » semble plus que jamais essentielle dans notre société fragilisée». Elle ne manque pas de rendre hommage à tous ceux qui contribuent à cette nouvelle aventure, dont le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et la Région Provence -Alpes-Côte d’Azur qui financent les Rencontres sans omettre l’Espace Culture «qui a si longtemps accompagné cette manifestation».
Michel CAIRE

Le programme

(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)

Jeudi 10 novembre

18h – Rencontres : Présentation du Dictionnaire de la Méditerranée (Actes Sud, oct. 2016) avec ses directeurs d’ouvrage, Dionigi Albera (anthropologue, directeur de recherche au CNRS), Maryline Crivello (historienne, professeure des Universités, Aix-Marseille Université), Mohamed Tozy (politologue, professeur à Sciences Po d’Aix-en-Provence) et Gisèle Seimandi (responsable du service publications de la MMSH).
Entrée libre.
Une rencontre organisée en partenariat avec Aix-Marseille Université, la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme (MMSH, AMU/CNRS) et les éditions
Actes Sud, modérée par Thierry Fabre.
Yvon Berland, président d’Aix-Marseille Université, ouvrira les Rencontres d’Averroès à l’occasion de la présentation de ce dictionnaire.

20h – Collège de Méditerranée
Présentation et première conférence du Collège de Méditerranée : «Qu’est-ce que l’Islam a changé à la Méditerranée ?». Entrée libre.
Intervention de Julien Loiseau (historien, directeur du Centre de recherche français à Jérusalem) accompagné par un discutant, Sobhi Bouderbala (historien, Université Tunis 1).
Le Collège de Méditerranée est une initiative collective portée par une nouvelle génération de chercheurs – historien(ne)s, principalement, mais aussi philosophes et anthropologues – venus des deux rives de la Méditerranée, convaincus du rôle que doivent jouer les sciences humaines dans les débats qui animent, agitent et divisent aujourd’hui de plus en plus la cité. Sur le principe d’une université populaire, il
proposera régulièrement des conférences associant un intervenant et un discutant autour d’un thème précis éclairé par l’Histoire. Ces rencontres, gratuites, auront lieu à Marseille et dans les environs, en divers lieux.

vendredi 11 novembre

15h – Première table ronde : Une faille généalogique ?
Rencontre modérée par Jean-Christophe Ploquin (rédacteur en chef, La Croix) et
Thierry Fabre.
Entrée libre (réservation conseillée).
Avec : Ali Benmakhlouf, philosophe, professeur à l’université Paris-Est Créteil Val-de-Marne, à Sciences Po Paris et à l’Université libre de Bruxelles. Dernier ouvrage paru : Pourquoi lire les philosophes arabes. L’héritage oublié, Albin Michel, 2015. Fethi Benslama, psychanalyste, professeur à l’université Paris-Diderot. Dernier ouvrage paru : Un furieux désir de sacrifice. Le surmusulman, Seuil, 2016.
François Burgat, politologue, directeur de recherche au CNRS/Iremam, porteur du projet ERC When authoritarianism fails in the arab world (WAFAW).
Dina Heshmat, journaliste, professeure de littérature arabe à l’Université américaine du Caire. Ses recherches portent notamment sur la représentation des espaces urbains et sur l’étude des figures de révolte dans le roman égyptien.

20h30 – Radio Live
la nouvelle génération au micro !
Tarif plein 12 euros. Tarif réduit 9 euros.
Avec Aurélie Charon, (journaliste et productrice radio), Caroline Gillet (journaliste et productrice radio), Amélie Bonnin (illustratrice), Paulette Wright (chanteuse et musicienne) et quatre jeunes invités qui jouent leur propre rôle sur scène et partagent en direct leur expérience de vie et leur vision de la Méditerranée.
«Radio Live sur scène et en public : c’est comme une émission de radio en trois dimensions, avec de la musique, des projections d’images et d’archives, des dessins réalisés en direct, des échanges sur le plateau… Ce n’est pas un spectacle, ce n’est pas une conférence. C’est plus qu’une rencontre. C’est un moment du futur, une écriture de demain, au présent. Chacun a sa narration et sa langue, chacun a sa façon de bouger, sa gestuelle. Quand les corps sont là, plus besoin de slogans !»
Les invités de Radio Live : Amir, 25 ans, originaire de Gaza; Amra, 30 ans, habitante de Sarajevo ; Heddy, 20 ans, en service civique au Théâtre du Merlan, à Marseille et Sophia, originaire de Marseille.

samedi 12 novembre

10h – Deuxième table ronde : Une faille historique ?
Rencontre modérée par Joseph Confavreux (journaliste, Mediapart) et Thierry Fabre.
Entrée libre (réservation conseillée).
Avec : Mohammed Kenbib, historien, professeur à l’université Mohamed V de Rabat, docteur d’État de l’université Paris I. Dernier ouvrage paru : Juifs et musulmans au Maroc : Des origines à nos jours, Tallandier, 2016.
Luigi Mascilli Migliorini, historien, professeur à l’université de Naples « L’Orientale ».
Dernier ouvrage traduit en français : Napoléon à Sainte-Hélène : la conquête de la mémoire, Gallimard, 2016 (ouvrage collectif).
Abdelmadjid Merdaci, historien, professeur à l’université de Constantine. Dernier ouvrage paru : L’Algérie rebelle, éditions La Tribune, 2005. Benjamin Stora, historien, inspecteur général de l’Éducation nationale, président du Musée national de l’histoire de l’immigration.
Dernier ouvrage paru : C’était hier en Algérie… De l’Orient à la République, une histoire des Juifs d’Algérie, Larousse, 2016.

15h – Troisième table ronde : Une faille géopolitique ?
Rencontre modérée par Daniel Desesquelle (journaliste, producteur, RFI) et Thierry Fabre.
Entrée libre (réservation conseillée).
Avec : Bertrand Badie, professeur des universités à Sciences-Po Paris, spécialiste des relations internationales. Dernier ouvrage paru : Nous ne sommes plus seuls au monde, La Découverte, 2016.
Myriam Benraad, politologue, spécialiste de l’Irak, chercheur à l’Iremam et à la Fondation pour la recherche stratégique. Dernier ouvrage paru : Irak : de Babylone à l’État islamique, idées reçues sur une nation complexe, Le Cavalier bleu, 2015.
Bassma Kodmani, politologue, cofondatrice du Conseil national syrien, directrice de l’Initiative Arab Reform.
Marc Pierini, ancien ambassadeur de l’Union européenne en Syrie, en Tunisie, en Libye et en Turquie. Consultant pour Carnegie. Dernier ouvrage paru : Où va la Turquie ? Carnets d’un observateur européen, Actes Sud, 2013.

20h30 – Concert Anouar Brahem Quartet
Souvenance, musique pour oud (oud, piano, clarinette basse, basse). En partenariat avec Marseille concerts.
Tarif plein 25 euros. Tarif réduit 12 euros
Anouar Brahem est un oudiste et compositeur tunisien. Il a fortement modifié le rôle traditionnel de l’oud, en le modernisant et en le e
confrontant aux musiques occidentales, en particulier le jazz. Il est considéré comme un musicien moderne majeur, tout en ayant une
profonde connaissance de la musique arabe traditionnelle.
Pour ce concert exceptionnel, il s’associe pour la première fois avec un ensemble à cordes et vents et livre une musique au souffle
impressionnant, oscillant entre climats dramatiques et atmosphères apaisées.

Dimanche 13 novembre

10h – Quatrième table ronde : Une faille dans la Cité ?
Rencontre modérée par Jean-Marie Durand (rédacteur en chef adjoint, Les Inrockuptibles) et Thierry Fabre. Entrée libre (réservation conseillée).
Avec: Marc Crépon, philosophe, professeur à l’ENS Ulm. Dernier ouvrage paru :
La Philosophie face à la violence (avec Frédéric Worms), ENS, Equateurs parallèles, 2014. Smaïn Laacher, sociologue, directeur d’études à l’EHESS. A notamment dirigé le Dictionnaire de l’immigration en France, Larousse, 2012 et Insurrections arabes, Utopie révolutionnaire et impensé démocratique, Buchet-Chastel, 2013.
Thierry Paquot, philosophe et urbaniste. Dernier ouvrage paru : Lettres à Thomas More sur son Utopie, La Découverte, 2016.
Andrea Rea, sociologue, professeur de sociologie à l’Université libre de Bruxelles, chercheur associé du Centre d’étude de la vie politique (CEVIPOL). Dernier ouvrage paru : Politiques antidiscriminatoires, avec Julie Ringelheim et Ginette Herman, De Boeck, 2015.

Averroès Junior

Le dispositif Averroès Junior s’adresse aux écoles, collèges et lycées à l’échelle de la région Paca, ainsi qu’aux étudiants d’Aix-Marseille Université (AMU).
Toute l’année, des ateliers et des rencontres abordent des questions en lien avec les thématiques des Rencontres d’Averroès, et plus largement en lien avec le monde méditerranéen et ses enjeux. En partenariat avec le Centre méditerranéen de la communication audiovisuelle (CMCA), est décerné le Prix Averroès Junior dans le cadre du PriMed (Prix international du documentaire et du reportage méditerranéen)
primed.tv
Les élèves de lycées de la Région Paca et de lycées français à l’étranger visionnent avec leurs enseignants une sélection de 3 films retenus pour la sélection officielle du PriMed. Les trois films sont départagés par plus de 700 lycéens réunis lors d’une journée spéciale qui aura lieu les 22 et 24 novembre 2016 à la Villa Méditerranée (Marseille). Leur choix est dévoilé lors de la cérémonie publique de remise des prix le 25 novembre 2016.

Plus d’info: rencontresaverroes.com

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