René Gambini, le fondateur du label Lyrinx, n’est plus

Publié le 23 juin 2021 à  20h15 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  19h16

René Gambini est décédé ce mardi 22 juin à l’âge de 86 ans. En 1976, il avait créé le label de musique classique indépendant Lyrinx. Passionné par la musique et la recherche dans la qualité du son, ce Marseillais, peseur juré de profession, allait devenir un technicien incontournable et reconnu dans le monde en matière de pureté du son. Les plus grands solistes ont joué devant ses micros, notamment les pianistes qui composent une grande partie du catalogue de Lyrinx. Il avait installé son studio de montage dans son appartement et, travailleur infatigable, il vivait avec un casque sur la tête aux côtés de son épouse Suzanne, elle aussi passionnée, qui prenait soin de lui avec bienveillance et, parfois, autorité. A cette dernière et à ses enfants, la rédaction de Destimed adresse ses sincères et attristées condoléances. En octobre
2015 nous avions eu la joie de passer un long moment en compagnie de René Gambini. Il nous avait raconté ses passions, sa vie, ses rencontres, ses recherches… C’est cette rencontre que nous vous proposons de revivre dans les lignes qui suivent.

Il a créé le label Lyrinx il y a quarante ans ; René Gambini : le son sinon rien !

Suzanne et René Gambini ; Lyrinx, l’un des labels classiques les plus réputés au monde, c’est eux. Et c’est à Marseille (Photo Michel Egéa)
Suzanne et René Gambini ; Lyrinx, l’un des labels classiques les plus réputés au monde, c’est eux. Et c’est à Marseille (Photo Michel Egéa)

Drôle de titre, je vous l’accorde; mais «le son sinon rien», c’est un peu le précepte qui préside au travail de René Gambini au quotidien. Et aujourd’hui encore, au cœur de sa grotte électronique installée entre les murs épais d’un loft de l’ex-arsenal des galères, il s’extasie, comme un enfant, au montage d’un enregistrement du pianiste Daniel Wayenberg qui devrait faire parler de lui à sa sortie. Et comme l’homme n’est pas égoïste, il vous tend un casque afin de vous faire partager son bonheur sous l’œil attendri de Suzanne, l’épouse qui partage, depuis presque toujours, ces moments heureux… Et c’est vrai que piqué comme ça sur le master, le son de cet enregistrement est extraordinaire. Le piano vibre, les marteaux s’activent, les cordes délivrent leurs notes ; en fermant les yeux il est même possible de voir les mains du pianiste jouer, comme dans un rêve.

Étonnant parcours que celui de René Gambini. Jeune homme, il voulait devenir pianiste. Pour payer ses études il est devenu peseur-juré. Le matin (qui commençait pour lui peu après minuit) il pesait des marchandises, surtout sur le marché de gros des fruits et légumes du cours Julien. Et l’après-midi il essayait de travailler son piano. «Mais j’étais bien incapable de jouer tellement j’étais fatigué», se souvient-il. Exit le rêve musical, René Gambini se marie, aura quatre enfants et lorsque la fonction de peseur-juré passera sous le giron de la mairie, il intégrera l’équipe de rédaction de la Revue Marseille où sa culture trouvera un champ d’expression plus ouvert que celui de la pesée des oranges et des poireaux.

Syrinx, puis Lyrinx

1976 marquera un tournant dans l’existence de René Gambini. Ses enfants fréquentent le conservatoire et les professeurs sont des connaissances, voire des amis de la famille. Cette année-là, au Festival d’Avignon, Roland Petit chorégraphie «La Nuit transfigurée» de Schoenberg et demande un enregistrement aux Solistes de Marseille. «Tous étaient professeurs au conservatoire et connaissaient ma passion pour réparer ou bidouiller le matériel audio. Ils sont venus me voir en me disant qu’il fallait que je les enregistre. Je leur ai dit que je n’avais jamais fait ça et que c’était à leurs risques et périls.» L’enregistrement se fera dans la chapelle des Pénitents Blancs d’Avignon «avec un Nagra et deux micros», se souvient René Gambini. «Tout le monde était très content du résultat, poursuit-il, et ils ont voulu faire un disque de promotion avec une deuxième partie.»

Lyrinx était né… Enfin, pas tout à fait puisque dans un premier temps c’est la marque Syrinx qui était déposée par son créateur à la Sacem. Et au lendemain d’un Grand Prix du Disque attribué à un album Jolivet par l’Académie du Disque Français René Gambini était contacté par deux sœurs assez âgées. «Elles avaient lu un article dans la presse qui, je me souviens, était intitulé « peut-on créer une maison de disque en province ? » Elles ont voulu me voir car elles avaient une petite entreprise de réalisation de partitions pour comptines et elle l’avaient appelée Syrinx. Elles voulaient de l’argent. Je n’en avais pas… Syrinx est alors devenu Lyrinx.»

La passion du son

Nous n’entrerons pas, ici, dans les détails techniques qui ont meublé le quotidien de René Gambini, mais l’homme a glané ses titres de gloire sur le front du son. Un peu partout dans le monde ses enregistrements de très haute qualité imposent son savoir faire et il est reconnu chez lui, mais aussi aux USA ou au Japon, pays pourtant réputés en la matière. Il refusera le CD jusqu’à l’extrême limite poursuivant la gravure sur le support vinyle. Et aujourd’hui il dit en souriant : « J’étais dans le vrai puisque le vinyle revient en force.» Sa notoriété fera qu’en 1998 il sera l’un des tous premiers à se voir remettre par Sony le système DSD (Direct Stream Digital) Cette quête originale, René Gambini a commencé à la poser sur le papier. Il a appelé ce travail « Lyrinx, 40 ans de recherches du son vrai… Un parcours du combattant ». Et dans son discours des bribes de phrases décrivent sa passion mieux que tout : «J’ai toujours été un marginal qui cherche la volupté sonore qu’on avait dans les vinyles » ; « Il faut avoir une fidélité absolue au timbre de l’instrument » ou encore « Pour respecter les interprètes, il faut respecter leur propre sonorité. » « J’ai passé quarante ans de ma vie à essayer de trouver un son qui me plaise, je l’ai trouvé il y a six mois. Mais malheureusement je suis sur le point de m’arrêter. Venez, allons écouter Wayenberg, vous l’entendrez ce son… »
Michel EGEA

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