Réseau Entreprendre Provence-Alpes-Côte d’Azur: paroles de membres

Publié le 11 juillet 2018 à  9h20 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  18h53

Début 2018, ils étaient quelque 420 entrepreneurs engagés en Provence-Alpes-Côte d’Azur dans les rangs du Réseau Entreprendre, en tant que membres. Quelles sont leurs motivations, alors même que leur quotidien de dirigeant leur demande déjà du temps ? Comment accompagner un lauréat de façon efficiente, et puis, est-ce inné ? Regards croisés.

Les encadrants du Réseau Entreprendre (Photo C.B-V.)
Les encadrants du Réseau Entreprendre (Photo C.B-V.)
Ils sont quelque 64 sélectionnés en 2017 et toutes promotions cumulées, puisqu’ils sont suivis entre deux et trois ans, leur nombre s’élève actuellement à 150. Eux, ce sont les lauréats du réseau Entreprendre en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Créateurs, repreneurs ou dirigeants avec l’objectif d’un nouveau cap de croissance, ils bénéficient donc de prêts d’honneur et d’accompagnement spécifique. Un bel atout dans la manche pour pouvoir durer… Nombreuses sont les études à démontrer en effet que les entreprises qui naviguent en solo connaissent bien plus souvent la mortalité. Ainsi l’appui d’un réseau s’avère-t-il un atout indéniable pour faire décoller et conforter son activité. En la matière, celui qui a vu le jour sous l’impulsion d’André Mulliez peut se prévaloir de beaux résultats, avec, à l’échelle nationale, un taux de pérennité de 92% à trois ans des entreprises accompagnées et de 86% à 5 ans. C’est bien plus que la moyenne française et plus encore que la régionale : selon une étude de l’Insee, parmi celles créées en 2010, seulement 55 % étaient encore actives en 2015 en Paca, contre 60 % au national… Outre le taux de pérennité, l’autre grand atout du Réseau entreprendre, c’est l’effet levier financier qu’il génère, avec des montants multipliés par treize. Ainsi ce type d’appui est-il clé. Mais qui dit accompagnement, dit aussi membre. Car ce sont eux, la sève du réseau… Soit en Paca, près de 420 entrepreneurs, engagés bénévolement. Leur rôle ? «Ils accompagnent les lauréats de manière individuelle et collective. Ils cotisent 1 700 euros par an, donnent de leur temps, de leur expérience. Sans membres, nous ne sommes pas en mesure d’accompagner les lauréats. Nous avons donc besoin de chefs d’entreprise», clame ainsi Claude Schoonheere, le président du réseau Entreprendre Paca.

Bienveillance avant tout

Nulle question pour autant d’accepter le premier venu, explique Marie Jauffret, entrepreneuse membre, ancienne lauréate suivie dans la reprise de l’agence Balle de Match : «Il faut être coopté pour entrer, validé par le comité d’administration du réseau». Et être bien conscient que «cela ne va pas de soi. On peut être un excellent chef d’entreprise et un mauvais accompagnateur. Il faut vraiment en avoir envie, partager, aider, être à l’écoute», précise Samy Aoudia, autrefois lauréat lui aussi, repreneur de Nauticom, aujourd’hui membre administrateur et responsable du pôle transmission. Car c’est déjà une question de longueur d’onde, en termes de savoir-être. «Globalement on recrute des personnes qui nous ressemblent, en ce qu’elles sont animées par les mêmes valeurs que nous», ajoute de son côté Pierre Chignac, membre et administrateur, également dirigeant de la société d’ingénierie SII Aix-en-Provence. Elles tournent autour d’une approche voulue humaine, attachée à la personne avant la qualité du projet qu’elle porte. Et cela imprègne la façon même d’accompagner… sachant que le premier carburant, c’est le feeling, reprend Marie Jauffret. «On suit le lauréat pendant 2 à 3 ans, il ne faut pas l’oublier ! Ce n’est pas un one shot mais un engagement sur une belle période. Et certains ont besoin de plus de séance d’accompagnement que d’autres… tout dépend du profil, de la personnalité du porteur de projet. Et puis, ce peut être lié aussi à la problématique du moment, il y a des périodes où ils seront plus demandeurs. On planifie généralement des rendez-vous toutes les 4 à 5 semaines, dans l’entreprise. Entre temps, on se téléphone aussi… » Il est donc important de se rencontrer lors d’un premier rendez-vous, développe l’entrepreneuse. «Et si on ne le sent pas, on n’y va pas. Le membre doit prendre plaisir à l’accompagner… Réciproquement, le lauréat aussi doit apprécier le contact de son coach. On peut être le meilleur mentor du monde, si le courant ne passe pas, ça ne marchera pas». Un binôme, c’est avant tout «une adéquation de profils. Donc si ça ne va pas, il faut le dire», renchérit Samy Aoudia.

Le mentorat peut commencer

Et, lorsque le feeling est là… alors le mentorat peut commencer. Avec un maître mot : bienveillance. «C’est ce qui nous différencie beaucoup des autres réseaux», observe Pierre Chignac. Elle s’incarne de différentes manières. Tout d’abord, elle dicte au coach entrepreneur d’«aider l’entreprise que l’on accompagne à trouver des solutions, plutôt que de les lui soumettre. Ce qui génère parfois des moments de frustrations ! J’ai en tête le souvenir d’un lauréat, il parvenait à une étape qui nécessitait de façon claire la mise en place d’un commercial. Mais il a mis deux ans à le réaliser… Nous sommes à l’extérieur, nous percevons avec ce recul ce que les lauréats ne voient pas, peut-être parce qu’ils ont d’autres préoccupations. Mais c’est à eux de le découvrir», illustre Samy Aoudia. Ainsi, le lauréat ne se voit jamais rien imposer, appuie Pierre Chignac. «On n’est pas là pour le juger, on met juste le doigt sur des points sensibles. On ne se supplée pas au chef d’entreprise mais on fait en sorte qu’il ne passe pas à côté de fondamentaux. Par exemple la trésorerie, qui est un des points dans la réussite d’une entreprise. Certains confondent le chiffre d’affaires et la trésorerie… Ce sont des points sur lesquels on est regardant». Ainsi, la bonne attitude consiste également à ne pas calquer à tout prix son vécu sur celui du lauréat. «En tant qu’accompagnateur, on apprend aussi des choses. Et il faut en avoir envie, parce qu’il peut s’agir de situations que l’on n’a pas nous-mêmes traversées», reprend Samy Aoudia. Cela s’appelle l’humilité.

La franchise est de mise

Mais la bienveillance de l’accompagnateur s’illustre encore autrement. «Il ne faut pas avoir peur de dire les choses. Par exemple, si on pense que la société du lauréat va droit dans le mur, il faut s’en ouvrir à lui… La franchise, cela fait aussi partie de la bienveillance», poursuit de son côté Marie Jauffret. Elle peut dicter par ailleurs de reconnaître ses propres limites. «Un membre ne doit pas avoir peur non plus de dire « ça, je ne sais pas, je n’ai pas les compétences». D’autant qu’il est toujours possible de se retourner sur le réseau pour les trouver, ces savoir-faire. Si nécessaire, on fait donc appel à un autre membre du réseau qui est spécialiste sur des domaines pointus». Ou encore, il est possible de mettre en place une task force. «Il s’agit de réunions où on mobilise entre 6 et 10 membres pour aider le lauréat dans sa stratégie, sur une problématique rencontrée. Beaucoup écoutent les préconisations avancées lors de ces task forces, même s’ils n’appliquent pas tout au pied de la lettre», explique Pierre Chignac. Outre l’attachement à la personne du porteur de projet, le Réseau Entreprendre met aussi en avant un principe essentiel, la gratuité de l’offre aux créateurs et repreneurs, pour que toutes leurs ressources contribuent à la réussite de leur projet. Un esprit de gratuité qui anime forcément ceux qui accompagnent les lauréats… «Si vous devez gagner de l’argent, faites le ailleurs», lançait ainsi en 2006 le fondateur national du réseau, André Mulliez. Voilà peut-être pourquoi les membres ne sont généralement pas issus de la même filière que leur poulain. Mais ce n’est pas la seule raison, analyse Marie Jauffret. «Cela biaise les choses, si l’on est issu du même secteur, en ce que l’on est déformé par sa propre expérience. Cela enlève un peu l’esprit critique». Et puis, ne pas provenir du même secteur n’enlève aucune efficience aux accompagnateurs, poursuit-elle : «Les problématiques de l’entrepreneur sont toujours les mêmes, quel que soit la filière : il s’agit de trésorerie, d’investissement, de politique de ressources humaines, de stratégie commerciale… » Samy Aoudia voit dans ce parti pris un autre avantage : «Le principe de l’accompagnement, c’est de ne pas faire le job à leur place… Et puis, on s’est aperçu que c’était davantage les profils qui allaient matcher, que le fait qu’ils soient issus du même secteur».

Réciprocité

Dernière valeur fondamentale, l’esprit de réciprocité. Les bénéficiaires du réseau sont en effet invités à rendre demain à d’autres, ce qu’ils reçoivent aujourd’hui, devenant ainsi le maillon d’une chaîne d’entraide entre chefs d’entreprise… Ils sont libres, bien sûr, de le faire ou non. Certains préfèrent attendre d’avoir plus d’expérience pour se lancer… ou n’ont pas de suite le temps nécessaires à consacrer au réseau de cette façon, leur entreprise en nécessitant encore beaucoup. De façon générale, les anciens lauréats à passer le cap et à s’engager à leur tour représentent quelque 30% de l’effectif total des membres. C’est le cas de Marie Jauffret, «ancienne professeur d’école de commerce férue de transmission», de Samy Aoudia et de bien d’autres encore… «J’ai accompagné un lauréat pendant trois ans, c’est terminé depuis trois mois. Et il est devenu membre tout de suite après», illustre Pierre Chignac qui lui, a contrario, s’est engagé dans le réseau sans avoir été lauréat, comme dans 70% des cas. Avec quelles motivations ? «L’entrepreneuriat, c’est mon carburant, je suis issu d’une famille de dirigeants. J’apprécie le fait que je contribue, par mon engagement, à développer le tissu économique régional. Puisque l’on crée des employeurs pour créer des emplois, comme le dit le credo du réseau».
Carole PAYRAU

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