[Retour sur…] Débat public – Projet de liaison routière Fos-Salon. Chantal Jouanno: « Nous sommes là pour, d’une part, organiser la controverse et, d’autre part, être les photographes des arguments avancés pendant le débat »

Publié le 5 octobre 2020 à  10h00 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  12h13

Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public © D.R.
Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public © D.R.

«Le débat public est un moment de démocratie participative qui permet à chacun de faire valoir son point de vue sur un projet qui engage l’avenir», rappelle Chantal Jouanno, la présidente de la Commission nationale du débat public présente à Miramas à l’occasion de la première plénière du débat, ce lundi 28 septembre, sur le projet de liaison routière Fos-Salon. Elle précise encore à cette occasion: «Le débat public doit permettre à tous d’avoir accès à une information complète afin de se forger un avis éclairé; de s’exprimer en formulant des observations, des critiques, des suggestions; d’éclairer le maître d’ouvrage». Un débat qui, en l’espèce, porte sur l’opportunité et les fonctionnalités d’un projet ancien, puisque conçu au moment de l’aménagement de la zone industrielle de Fos-sur-Mer et partiellement réalisé dans les années 1980 lors de la construction de la RN569. Le projet actuel consiste en la réalisation d’une infrastructure d’environ 25 kilomètres liant la zone portuaire de Fos-sur-Mer à l’autoroute A54 et assurant la desserte locale du territoire. Jean-Michel Fourniau, le président de la commission particulière du débat public explique que le débat s’organise en trois temps: «Explorons ensemble, quelle mobilité aujourd’hui? Imaginons ensemble, quelle mobilité demain? Et, élaborons ensemble, quelles recommandations pour la décision publique?». «Trois grandes options sont présentées, poursuit-il, la première, historique, est autoroutière, la deuxième, dite autoroutière intermédiaire, plus légère en 2X2 voies ou, enfin, une voie express à 2X1 voie sur l’emprise déjà existante, est l’option la moins chère». Un premier débat lors duquel «nous présentons une synthèse du premier mois de débat avec des réponses du préfet, de la présidence du port, du département et de la métropole ainsi que de Régis Martel le président de France Nature Environnement», explique Jean-Michel Fourniau qui précise: «Le premier point à noter réside dans le fait que, majoritairement, les personnes ne connaissent pas ce projet ce qui s’explique par la démographie soutenue de ce territoire. Les nouveaux arrivants ne maîtrisent pas forcément tous les dossiers». Puis de souligner que la question du ferroviaire a été posée, le grand port étant moins bien équipé en la matière que nombre de ses concurrents européens, un ferroviaire affiché d’autre part comme une priorité dans le plan « France Relance ». «Nous avons aussi de nombreuses questions sur le projet lui-même, sur le tracé, sur les solutions nécessaires pour le territoire».

Toucher un maximum de citoyens

Xavier Derrien, membre de la Commission revient sur les différentes modalités de débat mises en place afin de toucher un maximum de citoyens: «Nous avons un point d’accueil permanent à Miramas et nous organisons des débats mobiles. Nous avons eu une visite sur le terrain à propos de la question de la ressource naturelle en eau et une visite du projet à vélo. Un atelier citoyen s’est tenu». Il explique pour ce dernier : «L’atelier citoyen est composé de 25 citoyens, un panel recruté selon des critères sociodémographiques et géographiques qui est appelé à se réunir trois fois au cours du débat. Ses travaux sont publiés sur le site du débat et présentés lors de la réunion plénière de clôture. Nous avons trois plénières, des réunions thématiques pour entrer dans le fond de chaque enjeu et il est possible de faire venir le débat chez soi en invitant la Commission particulière du débat public pour débattre avec des amis, des proches. Puis on peut se rendre sur le Site participatif pour accéder aux ressources disponibles, en particulier le dossier du maître d’ouvrage; poser des questions sur le projet, sur le débat; commenter l’ensemble des messages déjà publiés, déposer un avis, une contribution ou un cahier d’acteurs». Certaines contributions écrites, émanant uniquement de personnes morales (collectivités locales, associations, chambres consulaires, syndicats professionnels, organismes publics, para-publics ou privés), peuvent faire l’objet de cahiers d’acteurs. C’est la pertinence de l’argumentation développée, l’enrichissement apporté au débat et le respect des principes du débat public qui guident le choix de la CPDP dans sa décision d’éditer un cahier d’acteurs. Ces cahiers -dont le contenu engage aussi la responsabilité de leurs auteurs- bénéficient du même système de diffusion que les principaux documents du débat public . Un débat qui a été préparé comme l’explique Sylvie Cachod afin d’être le plus dense possible: «Nous avons eu 54 entretiens avec 95 acteurs de ce débat. Nous avons organisé également un atelier sur la thématique de la logistique et de la desserte intermodale mais aussi des ateliers en ligne et nous avons construit un questionnaire pour lequel nous avons déjà plus de 450 réponses». Jean-Michel Fourniau reprend: «Le débat se poursuit jusqu’à fin décembre. Puis notre commission aura deux mois pour rendre son compte-rendu. Le maître d’ouvrage aura alors 3 mois pour prendre la décision de poursuite des travaux, de se prononcer sur les options et d’indiquer comment il prend en compte ce qui s’est dit dans le débat. Et notre rôle ne s’arrête pas là, il se poursuit comme garant de la concertation jusqu’à l’enquête d’utilité publique qui devrait avoir lieu en 2024 ou 2025 pour un début des travaux en 2027 et une livraison en 2030».
Michel CAIRE

Chantal Jouanno: «La Commission nationale du débat public est là pour organiser la controverse»
Chantal Jouanno, la présidente de la commission nationale du débat public, revient sur l’objet et le fonctionnement de cette commission nationale: «Nous sommes saisi par le maître d’ouvrage, il a obligation de le faire, si nous décidons qu’un débat est nécessaire nous nommons une commission spécifique dont les membres n’ont aucun lien avec les parties prenantes». Elle poursuit: «Nous ne sommes pas là pour donner un avis favorable ou défavorable nous sommes là pour, d’une part, organiser la controverse et, d’autre part, être les photographes des arguments avancés pendant le débat. Il est important que les décideurs entendent ce qui se dit, y compris les choses fausses. Par exemple, sur l’éolien flottant nous avons eu des climatosceptiques qui se sont exprimés, nous avons retranscrit leurs propos ce qui a pu nous être reproché. Mais pour nous il importe d’une part que les décideurs entendent ces propos, deuxièmement nous sommes conscients nous ne sommes pas des experts pour juger de la pertinence d’un propos et, troisièmement, si nous nous mettions à sélectionner les propos les opposants à un projet ne viendraient plus». Puis d’avancer les maître-mots de la commission: neutralité, indépendance et transparence, l’égalité de traitement, l’argumentation et l’inclusion. Il est à noter que la CNDP est une autorité administrative indépendante. C’est une institution de l’État placée en dehors des hiérarchies administratives traditionnelles ; elle n’est pas soumise à l’autorité d’un ministre. Ce statut lui permet d’être totalement indépendante à la fois des élus, des collectivités territoriales et des maîtres d’ouvrages privés qui la saisissent. Son budget provient d’une dotation de l’État. La Commission nationale et les commissions particulières doivent rester neutres en toutes circonstances. «La transparence, nous nous l’appliquons en premier lieu à nous-mêmes, puis, également, au maître d’ouvrage auquel nous demandons de publier toutes les études sur l’objet du débat et de répondre les quinze jours aux questions». Au niveau de l’argumentation: «Nous refusons la violence mais nous acceptons le conflit. Nous favorisons l’argumentation car elle permet d’aller jusqu’aux questions de valeurs, jusqu’à chercher à comprendre l’Autre», indique Chantal Jouanno qui en vient à l’égalité de traitement: «Toute personne se sentant concernée par le projet doit pouvoir intervenir et, pour nous, tout le monde a le même poids. Mieux, et, c’est la dimension inclusion, nous allons chercher la parole des plus faibles, de ceux qui sont éloignés de la décision, que l’on entend pas contrairement aux décideurs. Notre plus-value est là, instaurer de l’égalité là où règne la dissymétrie. Et tout cela a pour but d’éclairer au mieux le maître d’ouvrage qui a trois mois pour répondre au bilan que nous réalisons». Chantal Jouanno fait savoir d’autre part que, le 2 septembre, elle a nommé Sylvie Denis-Dintilhac présidente de la Commission particulière de débat public pour la Méditerranée en matière d’éolien flottant. L’appel à projets pour les deux parcs commerciaux flottants de Méditerranée sera lancé après la fin débats publics et la remise du rapport. Concernant le développement de la 5G Chantal Jouanno avance: «Nous ne pouvons pas nous auto-saisir mais nous pourrions avoir un débat sur ce sujet si nous étions saisis par l’État ou par un collectif de citoyens».Elle ajoute toutefois: «Mais, dans ce dernier cas la loi ne dit pas qui paie les frais occasionnés par le débat».
Michel CAIRE

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