[Retour sur…] Exposition « Indigne-Toit » en hommage aux délogés de Marseille. Michèle Rubirola: « La lutte contre le mal logement est devenue une grande cause municipale ».

Publié le 5 novembre 2020 à  9h20 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  12h19

Photo de l'exposition d'Anthony Micallef
Photo de l’exposition d’Anthony Micallef
Le 5 novembre 2018 à 9h05, deux immeubles situés aux numéros 63 et 65 de la rue d’Aubagne s’effondraient, entraînant la mort de 8 personnes. Ce drame a révélé la situation catastrophique de l’habitat à Marseille. Un habitat indigne qui met en danger une grande partie des habitants. Danger d’effondrements, insalubrité qui apporte maladies et mal-vivre puis, cette même triste année et l’année suivante une frénésie d’évacuations. Le mercredi 28 octobre, Michèle Rubirola, la maire de Marseille a inauguré l’exposition hommage «Indigne-Toit» signée Anthony Micallef, qui témoigne de la vie des délogés de la rue d’Aubagne, après le drame. Une cinquantaine de portraits accompagnés d’interviews écrites et sonores, envelopperont l’Hôtel de Ville et la place Villeneuve Bargemon. Occasion pour Michèle Rubirola d’annoncer aux nombreux Marseillaises et Marseillais présents pour cette exposition hors les murs : «Vous et nous, nous allons lancer un nouveau mode de gouvernance pour piloter la politique du logement … La ville ne peut pas agir seule mais rien ne peut se faire sans elle, nous devons créer ensemble une force de proposition que nul ne pourra ignorer». Et de donner, le 1er décembre, comme date de réunion de la Charte du logement en Préfecture…

Michèle Rubirola, maire de Marseille (Photo Mireille Bianciotto)
Michèle Rubirola, maire de Marseille (Photo Mireille Bianciotto)
Michèle Rubirola a donc lancé dans ce cadre une «Convention permanente pour le logement», à savoir des réunions régulières de ses services, avec des associations et des collectifs, «pour co-construire ensemble, une rue, un quartier puis au-delà». La municipalité affiche clairement sa volonté de voir la politique du logement à Marseille se redéfinir dans le partenariat, la concertation, la transparence. Michèle Rubirola tient à souligner que, «même si la compétence logement a été transférée à la métropole, nous voulons lancer la production de 30 000 logements en 6 ans. Nous voulons lutter contre les marchands de sommeil, remettre en location des logements vacants sous peine de réquisition. Nous mettons des lieux en sécurité avec l’accord du Préfet. Et nous allons porter à 1 000 les places d’hébergement d’urgence.». Entourée de nombreux adjoints, -au rang desquels, Patrick d’Amico, en charge du logement et de la lutte contre le logement indigne et de Sophie Camard, maire des 1/7 qui représente la ville à la Spla-in [[L’État et les collectivités (métropole Aix-Marseille-Provence et ville de Marseille) ont signé en juillet 2020 l’acte de naissance de la Société publique locale d’aménagement d’intérêt national (Spla-in) qui sera chargée de piloter l’action de rénovation immobilière dans le centre-ville de Marseille.]], la société de la rénovation urbaine du centre ville de Marseille-, Michèle Rubirola, émue, parle «d’une soirée de reconnaissance, de recueillement, de prise en compte de ce que de trop nombreux Marseillais ont vécu et vivent encore…» Elle remercie tous ceux qui sont à l’œuvre dans la ville de Marseille pour que «plus jamais, on ne revive ça». Et tient à rappeler qu’«ils sont encore 400 à vivre à l’hôtel». Michel Rubirola en vient au travail d’Anthony Micallef: «Aucun mot ne peut décrire la souffrance qui émanent de ces photos». Car, poursuit-elle: «Ce soir les mots ne sont pas assez forts pour couvrir le cri de peur qui a retenti à 9h05, le 5 novembre, quand leur maison, -leur abri, leur refuge-, s’est effondrée sur eux ce matin là». Et de rendre hommage, une par une, à chacune des 8 victimes de l’effondrement du 5 novembre 2018, auxquelles elle ajoute Zineb Redouane «morte un mois plus tard d’un tir de grenade lacrymogène, alors qu’elle fermait ses volets, à Noailles, un jour de manifestation». Souligne avoir reçu les familles, alors que le lendemain du drame «aucun responsable n’est venu tendre la main aux familles, aux proches». Elle déclare: «Cette responsabilité qui n’a pas été assumée n’est pas la nôtre mais nous ne la fuyons pas, nous la prenons en charge». Et de rendre hommage au travail d’Anthony Micallef: «Ces photos montrent nos frères et nos sœurs en humanité, abandonnés, laissés au bord d’un chemin, loin des préoccupations d’une Municipalité, d’une Métropole, d’un État qui n’ont pas voulu voir et qui sont restés aveugles pendant 25 ans». Un autre temps, insiste-t-elle car, «la lutte contre le mal logement est devenue, depuis 4 mois, une grande cause municipale». La volonté d’agir rapidement est affichée: «Nous négocions avec la Région, avec la Métropole où siègent encore des responsables politiques qui ne se sont pas montrés à la hauteur de leurs fonctions». L’édile signifie ainsi que la question du logement est complexe «ce qui exige qu’on y travaille tous ensemble, avec expertise et cohérence». Et d’effectuer un état des lieux. Marseille compte: 450 000 logements, «ce n’est pas assez», 85 000 logements sociaux «ce n’est pas assez», 45 000 logements indignes, «c’est trop», 35 000 logements vacants, «c’est trop». Elle ajoute encore: «Nous devons aussi prendre en compte les grandes copropriétés qui se dégradent». N’oublie pas les 3 000 signalements d’immeubles «potentiellement en péril depuis le 5 novembre 2018, dont 500 ont dû être évacués, mettant dans des conditions difficiles plus de 4 000 personnes». Et de constater: «aujourd’hui, nous ne pouvons répondre qu’à 16% des demandes de logement social, voilà le résultat d’une politique de non-logement depuis 25 ans».
son_copie_petit-445.jpgIntervention de Michèle Rubirola, maire de Marseille michele_rubirola_28_10_20.mp3
Le photographe Anthony Micallef  (Photo Mireille Bianciotto)
Le photographe Anthony Micallef (Photo Mireille Bianciotto)
son_copie_petit-445.jpgAnthony Micallef, le photographe, qui a immortalisé les délogés sur papier glacé à travers « Indigne-Toit » évoque le reconfinement, rappelle à quel point le premier a été difficile pour des personnes vivants à l’hôtel, dans des chambres de 12m², d’autres à vivre dans des logements insalubres, sentant la moisissure, dans des «2 pièces pour 6 personnes». Et de souhaiter, avant tout, donner la parole à deux délogées, Baya, 70 ans, qui vit à l’hôtel depuis le 13 juin 2018 et Pia. anthony_micaleff_28_10_20.mp3
Baya a été évacuée mais vit toujours à l'hôtel et rêve de vivre chez elle (Photo Mireille Bianciotto)
Baya a été évacuée mais vit toujours à l’hôtel et rêve de vivre chez elle (Photo Mireille Bianciotto)
son_copie_petit-445.jpgBaya a vécu pendant plus de 20 ans dans un ancien meublé: «C’était pourri et le propriétaire ne pouvait faire que de petites bricoles». Depuis des années les demandes de logement succèdent aux demandes de logement, sans résultat. Elle est toujours à l’hôtel et ces mots, sans violence, n’en sont que plus forts: «Je suis très fatiguée, j’ai perdu le moral, je veux la paix, vivre la vie qui me reste chez moi». baya_28_10_20.mp3
Pia et sa fille Marilou évacuées de la rue d'Aubagne (Photo Mireille Bianciotto)
Pia et sa fille Marilou évacuées de la rue d’Aubagne (Photo Mireille Bianciotto)
son_copie_petit-445.jpgPia est enseignante et porte sa fille Marilou dans les bras, raconte ce quartier de Noailles où elle a choisi de vivre parce qu’elle l’aimait, l’achat d’un logement à crédit. L’évacuation quelques jours après son retour de maternité. Un quartier pour lequel, elle a eu «beaucoup beaucoup de désamour», à la suite de l’effondrement, «inconcevable», pour elle, dans un pays riche comme la France, en 2018. Désamour bref car elle découvre l’entraide mise en place dans le quartier, «magnifique, très rapide, très efficace». Elle n’est pas évacuée en quelques minutes grâce à une voisine qui, tous les jours, se renseigne sur les évacuations. Un jour pour se préparer, pour trouver des amis qui l’héberge au lendemain, avec sa fille de 2 semaines. Soutenue et hébergée chez des amis, qui, finalement, accepte un loyer, «vraiment parce qu’on a insisté» par la famille qui lui a permis de régler son crédit immobilier. Elle insiste sur le fait qu’elle n’a obtenu des droits que grâce au « Collectif du 5 novembre ». «Il n’y avait rien, aucune fissure et, du jour au lendemain nous avons dû quitter notre logement. Et depuis, rien, si ce n’est aller d’un bureau à un autre avec des dossiers qui sont passés d’un endroit à un autre, qui sont perdus, reperdus». Enfin, elle se félicite de l’élection de Michèle Rubirola: «Un grand grand soulagement pour nous tous», avant de conclure : «Nous, on va bien, maintenant» mais a une pensée pour ceux qui n’ont pas sa situation «confortable», surtout avec le confinement et le reconfinement d’aujourd’hui. pia_28_10_20.mp3 Propos recueillis par Mireille BIANCIOTTO

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