Retour sur le Conseil municipal de Marseille. Budget: des débats mais pas à la hauteur

Publié le 13 février 2023 à  8h24 - Dernière mise à  jour le 7 juin 2023 à  22h17

Envolées lyriques, postures, mise en scène, la séance du conseil municipal de Marseille , comme le notera Olivia Fortin, ressemblait à, non pas au théâtre ce soir mais au théâtre ce matin.

Conseil municipal de Marseille (Photo Mireille Bianciotto)
Conseil municipal de Marseille (Photo Mireille Bianciotto)

Le vote du budget fut l’objet de joutes oratoires qui laissent à penser que, en tout cas dans les oppositions et sans doute dans quelques esprits de la majorité, la bagarre des municipales est déjà lancée pour être placée au mieux au moment de l’emballage final. Alors Joël Canicave, adjoint au maire de marseille, en charge des Finances, s’avouera déçu des prestations de l’opposition: «J’avais évoqué Platon, nous avons eu Tartuffe». La présidente de la métropole Aix-Marseille Provence, Martine Vassal, conseillère municipale de l’opposition, dans le respect des différences, appellera à un jeu collectif, tandis que le maire de Marseille Benoît Payan déplorera: «Nous méritons mieux que des caricatures».

Mais, avant les postures, la gravité était bien palpable pour la minute de silence en mémoire des victimes des séismes en Turquie et en Syrie qui a ouvert le conseil municipal. A cette occasion, Benoît Payan, annonçait que le Bataillon de marins-pompiers de Marseille allait très prochainement envoyer du matériel et que les Marseillais seront, dans les jours à venir, appelés par la Ville à participer à une collecte de solidarité. Minute d’unité avant un affrontement sur le budget qui sera finalement voté.

«Cette ville nous l’avons reçue en héritage»

Benoît Payan présente en premier lieu le rapport sur la situation en matière de développement durable. «En étant élus, nous avons été chargés par les Marseillais de les protéger et de tout mettre en œuvre pour améliorer l’environnement de cette ville». Il rappelle qu’«environnement et social sont intimement liés. Les plus pauvres et les plus précaires sont les premières victimes des vagues de froid et des canicules et c’est à eux que l’on demande le plus d’efforts».

Pour citer un exemple de la politique mise en œuvre, Benoît Payan évoque les plantations d’arbres: «En 75 ans Marseille a perdu la moitié de ses arbres. Pourtant nous avons besoin d’ombre, de fraîcheur, d’air pur. Nous allons donc planter 308 000 arbres dont 8 000 adultes». il annonce également la mise en place d’actions en faveur de la biodiversité marine et de l’accès à la mer. Indique encore qu’avec la métropole «Nous travaillons à développer les mobilités douces». Et il met en exergue une action qui consiste à développer les jardins partagés. Il conclut son intervention en déclarant: «Cette ville nous l’avons reçue en héritage avec ses atouts, ses retards. Quand viendra le moment de la transmettre nous voudrons être fiers de ce que nous avons fait».

«Les budgets ont une âme»

Joël Canicave présente le budget et avance que «derrière les chiffres il y a des idées, derrière les pourcentages il y a des choix, des priorités. Les budgets ont une âme». «Dans ce budget, poursuit-il, on retrouve nos nouvelles relations avec la métropole». Et il évoque également la Coupe du monde de rugby et les Jeux Olympiques de 2024. En ce qui concerne les chiffres, il indique: «Nous subissons les crises. La dépense prévisionnelle pour le budget 2022 en matière d’énergie était de 26 millions. Elle est cette année de 66 millions, plus 150%. Les intérêts de l’emprunt augmentent également, plus 8 millions et nous faisons un effort tout aussi conséquent que nécessaire pour nos fonctionnaires». Mais assure-t-il : «Tout cela ne nous empêche pas de poursuivre notre politique d’investissements sachant que ceux d’aujourd’hui sont les économies de demain et après-demain». Un budget qui s’élève à 1,9 milliard.

«Notre administration se renforce»

Olivia Fortin, déléguée à la modernisation, au fonctionnement, à la transparence et à la qualité des services municipaux, explique : «Notre administration se renforce; le budget de ce poste s’élève à 682 millions d’euros, en hausse. Il s’inscrit dans le cadre de la politique de réorganisation administrative que nous avons mise en place. Elle comprend la définition d’un socle commun: chaque direction construit avec les agents son projet pour répondre au mieux aux objectifs de politique publique fixé par les élus; la montée en puissance des compétences avec des recrutements et des formations. Bientôt nous présenterons un plan pluriannuel de revalorisation du point d’indice et la revalorisation des régies indemnitaires, pour la première fois depuis 2018».

«Nous n’attendions pas grand chose»

La première charge contre ce budget vient du LR Pierre Robin, qui annoncera pourtant au terme de son réquisitoire que son groupe s’abstiendra. Il brosse en premier lieu une peinture «Nupestre» de la majorité marseillaise avant de décocher ses premières flèches. Pour lui: «2020 a donné lieu à un départ poussif, 2021 un rodage, en 2022 vous vous êtes hâtés lentement, en 2023 nous n’attendions pas grand chose et nous n’avons pas été déçus». Puis de brandir des graphiques pour affirmer:«La taxe d’habitation n’augmente pas mais elle augmente. Les effectifs, par exemple de la police municipale, augmentent mais ils baissent». «Arrêtez ce ton condescendant», tance Benoît Payan. Tout au contraire le zemouriste Stéphane Ravier félicite Pierre Robin pour son intervention. Au point que le maire se demande si, celui qui n’a plus de groupe depuis qu’il a quitté le RN, n’a pas trouvé un point de chute. Un zemouriste qui poursuit son propos en critiquant l’augmentation de la masse salariale des fonctionnaires avant de lancer: «On aurait aimé une ville plus provençale et plus française». Le fond de commerce est toujours là…

«Toujours plus d’impôt, toujours moins d’investissement»

Pour Bernard Marandat, RN: «Ce budget est un budget de continuité: toujours plus d’impôt, toujours moins d’investissement». Puis de critiquer les subventions : «Plus 14,5%, soit 71 millions. Si certaines subventions sont indispensables, d’autres sont plus dictées par un intérêt électoral que par l’intérêt général».

«Vous êtes loin des ambitions de la Région»

Pour Isabelle Campagnola-Savon, du nouveau groupe, macroniste, «Ensemble pour les Marseillais» conduit par Lionel Royer-Perreaut : «Nous arrivons à mi-mandat et vous nous présentez un budget d’un grand classicisme.» En matière d’environnement elle juge: «Vous êtes loin des ambitions de la Région». Et de dénoncer une politique «de déclaration d’intention, dans les vœux pieux, de saupoudrage». De même, en matière de solidarité, elle affirme: «Nous attendions mieux». Elle donne toutefois un satisfecit à certaines initiatives telle la gratuité des piscines pour les moins de 12 ans. Puis d’insister sur la volonté du président Macron de voir un «Marseille en grand». Elle déplore enfin «l’absence de la sécurité de votre curseur».

«Fiers que ce budget ne donne pas satisfaction à l’opposition»

Les critiques sont vives, elles ne déstabilisent pas la majorité municipale. Le premier à monter au créneau est Fabien Perez, délégué aux financements européens: «Nous travaillons avec la Région, la Métropole pour une ville 100% décarbonée, nous voulons faire gagner ce territoire et ces populations avec ce budget solidaire. Alors nous pouvons être fiers que ce budget ne donne pas satisfaction à l’opposition».

«Là où vous mettez des graphiques nous mettons de l’humain»

Samia Ghali, maire adjointe en charge de la stratégie municipale sur les projets structurants de la ville lance: «Certains auraient pu faire leurs révisions avant de s’exprimer. Ils oublient que nous avons pris une ville cassée, la honte de la République». Et de citer le drame de la rue d’Aubagne. Elle enchaîne: «Notre politique prend du temps ? Mais vous avez oublié la Covid… Vous avez oublié qu’il existe des lois, des règles à respecter et que cela prend du temps.». De se tourner vers le LR Pierre Robin: «Marseille ne se réduit pas à des graphiques. Là où vous mettez des graphiques nous mettons de l’humain. Ce budget n’est pas pour vous, il est pour les Marseillais. Mais pour le voir il faut être sur le terrain». Concernant le personnel municipal elle soutient: «Vous en parlez sans le connaître. Il est en souffrance et nous avons du respect pour lui». Alors, pour Samia Ghali: «Si ce budget dérange c’est que nous faisons bien. Ce budget est un budget de combat, d’avenir».

«Monsieur Robin oublie et ment»

Pierre Huguet, adjoint en charge de l’éducation, cantines scolaires, soutien scolaire, n’y va par quatre chemins: «Ce budget montre l’ambition de la majorité pour l’éducation et l’école avec plus de 136 millions pour les moyens financiers soit 18 millions de plus qu’en 2919. En 2020 le budget était de 121 millions, de 125 en 2021 et de 130 en 2022. Plus de 200 hommes et femmes vont ainsi intervenir dans les écoles au quotidien. En 2023 il y aura aussi 2 millions pour ne pas faire supporter aux familles l’inflation. Le prix de la cantine est maintenu et cela depuis deux ans. Et nous mettons aussi un million pour les moyens pédagogiques et 4 millions pour les moyens numériques».

«Lancement en 2023 d’une SEM Énergie»

Sébastien Barles, adjoint en charge de la transition écologique, annonce pour sa part le lancement en 2023 d’une SEM Énergie avec la couverture de 70 toitures municipales avec des panneaux solaires. «Nous recrutons également de nouveaux économes de flux pour réduire nos consommations et sensibiliser nos agents et les usager aux économies d’énergie. Nous avons budgété 2,5 millions, hors plan école, pour lancer des études et les premiers travaux sur nos bâtiments les plus énergivores. Nous travaillons déjà sur les marchés d’électricité et de gaz que nous passerons dans deux ans afin qu’ils soient moins coûteux et le plus vert possible».

«Simple et basique»

Yannick Ohanessian, adjoint en charge de la sécurité entend faire «simple et basique». Il assène: «Monsieur Robin vous n’aimez pas Marseille.». Il poursuit: «Vous évoquez la vidéo surveillance, j’y suis très attaché. Je l’aurais souhaité en 2020 pour surveiller ce qui se passait autour des bureaux de vote…».

Il énumère: «Oui notre majorité investit comme jamais dans la sécurité. Oui nous avons engagé 160 places dans la police municipale en 2023. Oui nous avons eu plus de 100 candidats recrutés à la ville en 2022. 30 sont en formation, 30 le seront lors du premier trimestre 2023 et 40 sont déjà en fonction au sein de notre police municipale. Nous avons recruté des Agents de surveillance de la voie publique (ASVP). Quand j’ai pris mes fonctions, il n’y en avait que 37 ASVP, Neuilly en comptait autant. Nous n’avions que 18 agents pour la police municipale de nuit, aujourd’hui nous sommes passés à 60 agents. Nous avons également mis en place une brigade de l’environnement qui a permis de traiter 170 affaires avec le parquet en 2022».

«Vous ne l’avez jamais fait en 25 ans»

Sophie Guérard, adjointe au maire, en charge de « La place de l’enfant dans la ville » «Nous faisons plus pour la petite enfance et nous venons de passer un partenariat avec la CAF pour un cofinancement, vous ne l’avez jamais fait en 25 ans». Olivia Fortin juge: «Pour monsieur Robin une collectivité c’est figée. Mais ce n’est pas cela, nous avons des départs en retraite et nous avons 968 recrutements en 2023 quand la moyenne était de 500 à 600 auparavant. De plus nous restructurons pour offrir des conditions de travail dignes à tous nos fonctionnaires. Et, concernant les écoles, le graphique de monsieur Robin est faux car il oublie d’inclure tous les métiers. Ainsi il y avait 3020 agents en 2020 ils sont aujourd’hui 3211.»

«Respectons-nous les uns les autres»

Alors Joël Canicave déplore l’absence d’échanges, de propositions, considère: «Nos interventions ne sont pas de cette tonalité à la métropole…». Avoue qu’il aurait aimé que d’autres élus de l’opposition interviennent pour un débat d’une autre tenue.
Martine Vassal répond: «C’est votre budget, il est normal d’exposer les points qui peuvent nous surprendre». Avant d’inviter la majorité à tourner la page, à ne plus parler du bilan. Pour elle: «La population veut des projets, veut que les choses avancent. C’est ce que nous avons décidé avec le maire de Marseille. Nous n’avons pas les mêmes orientations politiques mais nous avançons dans le sens de Marseille». Et de se dire «choquée par la teneur des débats à l’Assemblée Nationale. Je ne veux pas que cette agressivité vienne ici». Un message qui s’adresse aussi à ses troupes et de conclure: «Respectons-nous les uns les autres et avançons dans la même équipe».

«Avoir une opposition c’est très sain»

«Avoir une opposition c’est très sain», indique Benoît Payan mais là, à ses yeux, c’était trop: «Venir nous donner des leçons sur la police municipale quand on voit d’où on part, quand on est allés ne serait-ce qu’une fois dans les locaux de la police municipale, quand on sait les conditions de travail, le matériel dégradé. Quand on est allés une seule fois au Samu social, quand on sait l’état des écoles, des crèches, des finances, on ne donne pas de leçon». Il ajoute: «Monsieur Robin, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée d’avoir offert vos graphiques à monsieur Ravier». Puis, remercie la présidente de la métropole pour le travail entrepris avec Marseille avant d’indiquer aux élus de sa majorité: «Soyez fiers de ce que vous faites».
Michel CAIRE

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