SOS-Méditerranée : Le Conseil européen débouche sur des « contradictions et incohérences » sur le cadre des sauvetages en mer

Publié le 30 juin 2018 à  20h43 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h46

« L’Aquarius », affrété par SOS-Méditerranée et opéré en partenariat avec Médecins Sans Frontières (MSF) a accosté ce vendredi 29 juin dans le port de Marseille pour une escale technique régulière au terme de sa 40e «rotation» de trois semaines, l’une des plus complexes et éprouvantes depuis le début de sa mission il y a deux ans. Alors que les États européens s’obstinent à prioriser les considérations politiques sur les vies humaines, l’Aquarius se prépare à reprendre la mer le plus tôt possible, après une évaluation lucide du contexte plus que jamais défavorable.

L'Aquarius amarré à Marseille au terme de sa rotation la plus éprouvante (Photo Robert Poulain)
L’Aquarius amarré à Marseille au terme de sa rotation la plus éprouvante (Photo Robert Poulain)
Le vendredi 8 juin 2018, l’Aquarius quittait le port de Catane en Sicile, son port d’attache habituel, pour une nouvelle mission de sauvetage en mer. Moins de 24h plus tard, à 100 km des côtes libyennes, l’Aquarius était mobilisé par le centre de coordination des secours (MRCC) de Rome pour le sauvetage de deux canots pneumatiques en détresse. 229 personnes ont été secourues dans des conditions critiques, mais au moins deux personnes ont été rapportées disparues par les rescapés. Cette même nuit, l’Aquarius a accueilli 4 transbordements de 400 personnes supplémentaires, puis reçu l’instruction des autorités maritimes italiennes de faire route vers le nord pour le débarquement des rescapés. Alors que les conventions maritimes obligent l’autorité de coordination des secours à faire débarquer sans délai les rescapés dans le port sûr le plus proche, deux jours d’incertitude et de coordination confuse ont abouti à l’instruction de faire route vers Valence en Espagne. Le dimanche 17 juin à Valence, en Espagne, après le débarquement des 630 naufragés, SOS Méditerranée a dénoncé une «odyssée forcée et inacceptable» et exhorté une nouvelle fois les chefs d’État et de gouvernements européens à prendre leurs responsabilités et à mettre en place d’urgence un modèle de sauvetage européen fondé sur le respect des Droits Humains fondamentaux. Le 23 juin, l’Aquarius, de retour en Méditerranée centrale a procédé, en coordination avec le MRCC Malte, à la recherche active au large des côtes tunisiennes d’une embarcation signalée en détresse par les autorités maritimes maltaises. L’embarcation n’a jamais été trouvée. Le 24 juin l’Aquarius a reçu via le système d’alerte Navtex présent sur tous les navires, 7 messages de signalement d’embarcations en détresse dans les eaux internationales à l’Est de Tripoli, avec potentiellement 1 000 personnes en tout à bord. Lorsqu’il est arrivé sur la zone de détresse, l’Aquarius a appris que les embarcations avaient été interceptées par les garde-côtes libyens et que plus de 800 personnes avaient été reconduites en Libye. Aucune indication n’a été fournie quant aux conditions des embarcations, ni quant à de potentielles victimes. Les équipes de l’Aquarius ont vu une vedette des garde-côtes libyens surchargée -avec plusieurs centaines de personnes à son bord sur les ponts extérieurs- se diriger vers la Libye en fin de journée. Lundi, alors qu’il devait rejoindre un port pour son escale technique régulière (changement d’équipage, réapprovisionnement en vivres et carburant), l’Aquarius s’est vu refuser par écrit l’entrée dans un port maltais, sans aucune explication. Conscient de n’être plus le bienvenu en Italie où il effectue d’ordinaire ses escales, l’Aquarius a poursuivi la navigation vers le nord, en direction du port de Marseille, en France, où il est arrivé le vendredi 29 juin. «Au cours de cette rotation, l’Aquarius a été trois fois témoin de l’inacceptable : témoin de la poursuite des départs et du drame humain quotidien en Méditerranée centrale, témoin de l’intensification des interceptions des garde-côtes libyens qui ramènent les naufragés vers l’enfer, et témoin de l’instrumentalisation et de la criminalisation par la classe politique européenne de l’obligation légale du sauvetage en haute mer», a déclaré Nicola Stalla, coordinateur des secours de SOS Méditerranée à bord de l’Aquarius.

Conseil européen : «contradictions et incohérences»

Alors que l’Aquarius entrait dans le port de Marseille, le Conseil européen réunissant les 28 chefs d’État et de gouvernement de l’UE, en grande partie consacré à la question des migrations en Méditerranée centrale, touchait à sa fin. SOS Méditerranée déplore que «ces derniers n’aient pas pris conscience de l’urgence d’apporter des réponses concrètes au drame humanitaire qui se déroule en Méditerranée, alors que le sujet avait enfin été inscrit au cœur de l’agenda politique. Les solutions esquissées pour le débarquement des personnes secourues en mer sont confuses, loin d’être concrètes, et n’offrent pas aujourd’hui un cadre d’action pour les navires impliqués dans les opérations de sauvetage. Pire encore, les 28 réaffirment leur volonté de renforcer les capacités d’interception des garde-côtes libyens, pourtant inconciliables avec le respect des mêmes conventions maritimes et humanitaires dont ils prétendent s’inspirer. Ce même 28 juin, un centre de coordination des sauvetages en Libye était officialisé par l’Organisation maritime internationale (OMI).»

Il est pourtant reconnu par tous que la Libye n’offre aucun «port sûr».

«L’issue du Conseil européen et l’officialisation par l’Organisation maritime internationale d’un Centre de coordination des sauvetages en Libye ajoutent aux contradictions et incohérences du cadre dans lequel s’effectuent les secours en Méditerranée centrale. Il est urgent de revenir à une lecture stricte du droit comme unique et seul fondement à l’assistance des personnes en danger», a déclaré Francis Vallat, président de SOS Méditerranée France. «Face à ces évolutions majeures, ajoute-t-il, notre devoir de marins est de repartir en mer dès que possible, une fois réévaluées les conditions dans lesquelles poursuivre notre mission.»

SOS Méditerranée : « Ensemble agissons pour sauver des vies en mer »
Depuis 4 ans, au moins 15 000 hommes, femmes et enfants sont morts noyés en Méditerranée en tentant la traversée sur des embarcations de fortune. SOS Méditerranée est une association de citoyens qui affrète un navire, l’Aquarius, pour porter secours à ceux qui fuient pour sauver leur vie. En deux ans, près de 30 000 personnes ont été secourues dont 23% sont des mineurs. Chaque jour en mer coûte 11 000 euros : 93 % de notre budget provient de dons privés. Nous avons le pouvoir d’agir: ensemble, évitons que la mer Méditerranée ne soit un gigantesque cimetière.
Faites un don ! #Aquarius #TogetherForRescue @SOSMedFrance
Plus d’info: sosmediterrane.fr

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