Salon régional maçonnique du livre à Marseille : débat sur bioéthique et fin de vie

Publié le 6 avril 2014 à  10h28 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h47

6487932-9784686_1.jpgCes 5 et 6 avril, le Palais des Congrès du Parc Chanot à Marseille accueille le salon régional maçonnique du livre. Une manifestation dont l’entrée et libre et gratuite et qui est ouverte à tous les publics. Des tables-rondes ont lieu tout au long de la manifestation. Ainsi, ce samedi 5 avril était-il question de bioéthique et tout particulièrement d’euthanasie pour le premier débat du salon. Point de vérité définitive mais un véritable échange autour de la question de la dignité du corps humain et de savoir s’il faut légiférer ou non.
Tour à tour Jean-Jacques Castellani, délégué bioéthique au Grand Orient, Bernadette Cappello, cadre de santé, Michel Caillol, chirurgien et Bernard Lebeau, professeur de médecine ont avancé leur réflexion sur ce sujet sensible. Une réunion lors de laquelle il a été évidement question de la Loi Leonetti (*), qui a affirmé l’interdiction de l’obstination déraisonnable.
Jean-Jacques Castellani indique que, si l’on se réfère au 85 à 90% des Français, «ils sont favorables au suicide médicalement assisté». Puis, aborde les voies, les possibilités d’une éventuelle législation : «On peut premièrement légiférer sur l’euthanasie, deuxièmement dépénaliser et non légaliser l’injection létale. On peut, comme dans deux Etats américains, autoriser la pilule de la mort ou encore, et c’est notre position à la commission bioéthique, il faut amender avec prudence et sagesse la Loi Leonetti. Il s’impose d’avoir un vrai développement des soins palliatifs et opter pour une exception de dépénalisation du suicide médicalement assisté pour des situations hors-normes, sans issue, avec une responsabilité médicale collégiale».
« A titre personnel -poursuit-il- je ne pense pas que l’on puisse revendiquer le droit à l’euthanasie. Mais, il est des situations sans issue dans lesquelles peuvent intervenir la compassion et l’engagement solidaire afin de transgresser l’interdiction de tuer».

« Les soins palliatifs viennent interroger notre rapport à l’Autre »

Bernadette Cappello travaille dans les soins palliatifs et estime: «L’esprit qui prévaut à cette pratique soignante est très proche de l’éthique maçonnique».
Elle considère : «Les soins palliatifs représente un moment solennel, un moment d’émotion car il nous renvoie à notre finitude. En tant que soignant ils nous confrontent à une multitude de données qui peuvent s’affronter. Et il nous faut abandonner nos propres désirs pour laisser place au désir de l’Autre». Selon elle : «Les soins palliatifs représentent une alternative à l’acharnement thérapeutique et à l’euthanasie. Les soins palliatifs viennent interroger notre rapport à l’Autre, notre vision des droits de l’Homme, notre rapport au cycle de la vie. Accompagner l’Autre dans le prendre soin vient à le considérer comme notre frère ou notre sœur en humanité ».

«Le choix n’est pas entre le bien et le mal mais entre le moindre mal et le pire mal»

Michel Caillol note: «De quoi s’occupe-t-on lorsque l’on soigne ? Pas de guérir. Pas de donner la santé et encore moins de sauver la vie puisque ce combat est perdu d’avance. La finalité des soins n’est rien d’autre que la personne humaine. Ainsi opérer ne sert à rien si ce n’est pour faire du bien à la personne». Puis d’insister sur la dignité humaine qui vaut pour tous «même ceux qui sont indignes de cette dignité». Expliquant: «Si l’on voit quelqu’un tenter de se suicider, naturellement on va lui porter secours». Il en vient à la Maison de Gardanne : « Lorsqu’un patient arrive, il souffre et veut en finir. Il est pris en charge et 80% des patients expliquent alors être heureux de vivre». Puis, de pousser le débat : « Il y a culpabilité fondamentale lorsque l’on confronte une famille à la question de l’euthanasie. Cela nous interroge aussi sur le fait de savoir qui nous sommes pour prétendre être dans le vrai. Au-delà, cela pose la question de la société dans laquelle nous voulons vivre». Et de conclure en citant Jean Leonetti : «Le choix n’est pas entre le bien et le mal mais entre le moindre mal et le pire mal ».
Bernard Lebeau juge que la Loi Leonetti est loin de tout régler, tout comme les soins palliatifs. Il plaide en faveur d’une aide active à la fin de vie «comme cela peut se passer relativement bien en Belgique». Il appuie son intervention sur les notions de liberté, d’égalité et de fraternité. Liberté du citoyen face à la mort. Égalité, car aujourd’hui «seuls des patients fortunés peuvent actuellement se rendre en Suisse pour bénéficier d’un suicide assisté dans des établissements privés». Fraternité : « car, il nous revient de pratiquer ce principe : Aimons-nous les uns les autres jusqu’au terme de la vie».
Michel CAIRE

Loi Leonetti (*)
Intervenant sur un sujet sensible, notamment du fait de l’évolution des mœurs, le projet de loi apporte plusieurs modifications au droit des malades.
D’abord, pour tous les malades, y compris ceux qui ne sont pas en fin de vie, la proposition de loi affirme pour la première fois l’interdiction de l’obstination déraisonnable. L’objectif est d’autoriser la suspension d’un traitement ou de ne pas l’entreprendre, si ses résultats escomptés sont inopportuns, c’est-à-dire inutiles, disproportionnés ou se limitant à permettre la survie artificielle du malade.
Deux articles – les articles 4 et 5 – concernent précisément le cas du malade qui n’est pas en fin de vie. S’il est conscient, il pourra demander la limitation ou l’interruption de tout traitement. S’il est hors d’état d’exprimer sa volonté, ces traitements pourront être limités ou interrompus après consultation des consignes qu’il aurait pu laisser, de la personne de confiance qu’il aurait pu désigner et de son entourage – famille ou proches -, dans le respect d’une procédure collégiale.
Le texte recherche un équilibre entre les droits du malade et la responsabilité du médecin en prévoyant l’information la plus complète du malade, directement s’il est conscient ou indirectement s’il ne l’est plus. Ce souci se retrouve pour la prescription des médicaments à « double effet » – la morphine, notamment – qui, en même temps qu’ils adoucissent les souffrances, peuvent aussi abréger la vie ; on le retrouve également dans le cas où le malade, conscient, refuse un traitement et met ainsi ses jours en danger, afin qu’il prenne sa décision en parfaite connaissance de cause ; on le retrouve enfin lorsque le malade est précisément en fin de vie et qu’il demande l’interruption des traitements pour maîtriser ses derniers instants.
La proposition de loi recentre, par ailleurs, la responsabilité du médecin : le choix du traitement approprié, avec le consentement de son malade, celui de l’interrompre parfois, dans le respect des procédures prévues dans le texte et celui d’accompagner son patient dans ses derniers instants, grâce aux soins palliatifs appropriés à son état.
A ce texte a été adjoint un volet spécifique destiné à confirmer l’importance qu’il convient d’accorder aux soins palliatifs. La proposition de loi envisage non pas tant la création de services hospitaliers spécifiquement dédiés à ces traitements que la participation à cette démarche des différents services susceptibles d’accueillir des patients en fin de vie.

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