Sarah Biasini et Yannis Baraban dans ‘Mademoiselle Julie’ le 14 janvier au Toursky de Marseille et le 7 février à Rousset

Publié le 6 janvier 2023 à  19h45 - Dernière mise à  jour le 12 janvier 2023 à  12h49

c’est une «Mademoiselle Julie» d’August Strindberg comme vous ne l’avez jamais vue que le metteur en scène Christophe Lidon propose en tournée dans toute la France, avec après un passage remarqué dans le Off d’Avignon, une escale au Théâtre Toursky le 14 janvier à 21heures, et une autre à la Salle Émile Ventre de Rousset le 7 février à 20h30.

Sarah Biasini et Yannis Baraban dans
Sarah Biasini et Yannis Baraban dans

Christophe Lidon qui est le directeur du Cado d’Orléans multiplie les prouesses pour faire exister ce lieu et proposer des spectacles à la fois pointus et populaires. On pourra y voir par exemple du 19 au 29 janvier prochain Vanessa Paradis dans «Maman» la pièce de Samuel Benchetrit qui jouera à ses côtés et qui a réalisé la mise en scène. On peut souligner la qualité des mises en scènes de Christophe Lidon notamment celle de «Agathe royale» la pièce de Jean-Benoît Patricot interprétée par Catherine Jacob dans le rôle titre. Et c’est une «Mademoiselle Julie» d’August Strindberg assez exceptionnelle qui sera présentée. Alors que bien souvent est proposée une vision assez pesante de l’œuvre avec une traduction un peu empesée, (notons cependant le travail sur la pièce proposé en 2012 par Robin Renucci, le nouveau patron de « La Criée » de Marseille) l’ensemble construit que l’on pourra applaudir en janvier puis en février à Rousset donc est ici solaire, lisible par tous et la pièce brille ainsi d’un éclat nouveau.

Le mérite en revient d’abord à Michael Stampe, adaptateur de génie de pièces étrangères qui magnifie en amont le travail de son complice Christophe Lidon, lui-même complice et ami de Richard Martin, le patron du Toursky. Travail de fond concernant Goldoni, Zweig, ou Calderon, auteur lui-même («L’art de Suzanne Brut», «L’échafaudage») Michael Stampe veille à donner, sans les trahir une vision contemporaine des textes présentés. Le deuxième mérite en revient bien entendu à Christophe Lidon lui-même qui loin d’avoir un ego propre à poser sur les œuvres une vision monolithique du théâtre, réussit à servir les textes sans se servir d’eux. La scénographie de «Mademoiselle Julie» choisit de mettre en avant les racines du mal de vivre de Julie et de son univers déséquilibré là où explique Christophe Lidon: «Les fantômes des parents hantent la vie de leur enfant» .

« Un texte mythique »

«Mademoiselle Julie est un texte mythique qui a donné envie aux plus illustres artistes de raconter cette histoire d’amour et de manipulation, de violence et de fièvre, durant la nuit de la Saint-Jean», précise Christophe Lidon. «La demoiselle de la maison va provoquer et séduire le valet de son père, transgression la plus ultime pour cette « fille à papa » qui va tout faire pour rendre cette nuit, la plus courte de l’année, la plus électrique, la plus intense, la plus définitive. La puissance de ce grand texte de théâtre réside dans la force de l’affrontement qui traverse les décennies sans que soit affaiblie pour autant la structure psychologique des personnages qui s’aiment et se combattent».

C’est donc du côté de la psychologie de la jeune femme que se tourne en priorité la pièce. Tiraillée entre deux éducations qu’elle a reçues : une mère féministe qui ne l’a pas voulue, et qui lui a proposé toutes les armes d’une éducation masculine, et son père l’a enfermé dans le carcan d’une éducation féminine bourgeoise Julie qui séduit le valet de son père le temps d’une nuit de solstice d’été, aspire à la transgression.

Christophe Lidon la présente avec empathie, résilience et un réalisme un rien désenchanté. «Tu n’es que ce que mon père a fait de toi», lance-t-elle au valet qu’elle déstabilise, affronte, malmène, étrille elle qui déclare ne jamais devenir l’esclave d’un homme. Un écran sur la scène, une musique aux accents contrastés, orchestrent cette danse de mort à laquelle nous assistons.

Acteurs bouleversants

Destimed mademoiselle julie theatre toursky c cyrille valroff7 1 Le troisième mérite du spectacle (non des moindres) demeure la prestation bouleversante de Sarah Biasini, exceptionnelle de densité, qui dans le rôle de Julie fait bouger les lignes habituelles du théâtre. Magnifique, tragique et sobre, la comédienne qui a une solide habitude de travailler avec Christophe Lidon excelle à montrer sans démontrer. Nous qui l’avions applaudie au Pasino d’Aix dans la pièce de Cabello Reyes et Bénabar intitulée «Je vous écoute» nous la redécouvrons en femme libre de corps et d’esprit. A ses côtés Yannis Baraban (inoubliable dans «La mouette» de Tchekhov montée par Christophe Lidon en 1998), campe un valet pas du tout victime se battant pour faire triompher son honneur mais qui (lutte des classes oblige) échouera mais … avec panache. Déborah Grall (petite-fille de Philippe Noiret) dans la peau de la gouvernante-cuisinière tire elle aussi les larmes . Si bien que l’on savoure cette guerre de fauves au crépuscule d’une façon pleine et entière. Et que l’on sort de «Mademoiselle Julie», thriller haletant sur fond de lutte des classes, autant que de guerre des sexes, totalement submergés d’émotion.
Jean-Rémi BARLAND
-Au Théâtre Toursky de Marseille le 14 janvier à 21 heures – plus d’info et réservations sur théâtre Toursky
-Salle Émilien Ventre de Rousset, le 7 février à 20h30. Réservations au 04 42 29 18 63

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