Survivants d’Ebola : des séquelles encore présentes quatre ans après avoir été déclarés guéris

Publié le 4 mars 2021 à  14h00 - Dernière mise à  jour le 31 octobre 2022 à  15h29

Pour la première fois depuis l’apparition du virus Ebola, des survivants ont été suivis pendant 48 mois au sein d’une cohorte, appelée « PostEboGui ». Elle montre que la maladie à virus Ebola peut présenter une phase chronique longue.

© Photo illustration d'un tableau du peintre CAM
© Photo illustration d’un tableau du peintre CAM

Dans une étude menée par des chercheurs de l’IRD, de l’Inserm, de l’université de Montpellier, du Cerfig et de l’université de Conakry, coordonnée par Eric Delaporte et Abdoulaye Touré, l’équipe de recherche a pu confirmer que, même si les symptômes diminuent significativement dans le temps, de nombreux patients présentent encore des séquelles quatre ans après avoir été déclarés guéris.

Ceci démontre qu’après la phase aiguë, la maladie à virus Ebola peut présenter une phase chronique longue, soulignant l’importance d’un suivi régulier et prolongé des survivants. L’analyse met également en lumière une corrélation entre l’âge, les types de symptômes développés pendant la phase aiguë de la maladie et les séquelles à long terme.

Ces travaux ont été publiés dans la revue « Clinical Infectious Diseases » le 23 février 2021.

La cohorte PostEboGui a été financée par la Task Force Ebola France, l’Inserm, REACTing (devenu ANRS | Maladies infectieuses émergentes au 1er janvier 2021) et l’IRD. Peu après le début de l’épidémie d’Ebola en 2014, l’Inserm a organisé, en partenariat avec l’IRD et le département des maladies infectieuses du CHU de Donka à Conakry, en Guinée, un suivi médical des personnes ayant survécu à l’infection par le virus. La mise en place de cette cohorte nommée « PostEboGui » a permis de suivre un total de 802 survivants d’Ebola.

Les résultats de précédents travaux avaient mis en évidence l’existence d’un «syndrome postEbola» et l’importance des séquelles de ce virus sur le moyen terme chez 3 survivants sur 4, ainsi que la persistance possible du virus sur le long terme dans le sperme. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont analysé l’évolution de ces séquelles jusqu’à quatre ans après la sortie des patients du Centre de Traitement Ebola (CTE). Ils ont pour cela suivi 722 personnes (enfants et adultes) de la cohorte PostEboGui pendant une durée médiane de 35,7 mois. L’âge médian des patients était de 28,7 ans et 44 % étaient des hommes.

différents symptômes présents chez près d’une personne sur 3, quatre ans après avoir été déclarés guéris

Les résultats révèlent que parmi ces patients, différents symptômes étaient présents chez près d’une personne sur 3, quatre ans après avoir été déclarés guéris (c’est-à-dire que le virus n’était plus détecté dans leur sang) : 27,68 % présentaient des symptômes neurologiques (maux de tête, vertiges…); 25,35 % présentaient des symptômes généraux (fièvre, fatigue, anorexie); 17,08 % présentaient des symptômes abdominaux (douleurs ou gastrites); 16,82 % présentaient des symptômes musculo-squelettiques (douleurs au cou, au dos, aux articulations…); 6,07 % présentaient des symptômes oculaires (conjonctivites, cataracte…). En comparaison, deux ans après la sortie du CTE, ces pourcentages s’élevaient respectivement à 46,30 %, 50,70 %, 26,77 %, 35,34 % et 9,17 %. «La prévalence des symptômes diminuent au fil des années, mais reste étonnamment élevée, traduisant l’existence de formes que l’on pourrait appeler “Ebola long”, voire “très long”, par analogie avec la dénomination utilisée pour la Covid-19», précise Éric Delaporte.

Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de signaler l’apparition de symptômes abdominaux et de troubles neurologiques

L’étude de l’incidence des séquelles montre des différences en fonction du sexe ou de l’âge : les enfants sont moins susceptibles que les adultes de déclarer la survenue de problèmes musculo-squelettiques, mais risquent davantage d’avoir des séquelles abdominales. Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de signaler l’apparition de symptômes abdominaux et de troubles neurologiques. «Nous nous sommes aussi intéressés à la durée des épisodes symptomatiques des survivants pendant le suivi, indique Abdoulaye Touré, directeur du Cerfig . «Si certains survivants rapportent des épisodes brefs mais récurrents, d’autres décrivent des symptômes qui durent longtemps». La durée médiane des symptômes ressentis entre 2 et 4 ans après la guérison s’étend de 121 jours pour les séquelles abdominales à 204 jours pour celles neurologiques. L’équipe de recherche a également mis en évidence une corrélation entre certains symptômes apparus pendant la phase aiguë de la maladie, l’âge et des séquelles à long terme : par
exemple, l’âge et les symptômes hémorragiques, neurologiques et généraux ressentis
pendant l’infection sont associés de façon significative à l’apparition ultérieure de séquelles oculaires, tandis que les symptômes hémorragiques et abdominaux s’associent à des séquelles musculo-squelettiques.

«Il est important de continuer à suivre les survivants sur le long terme»

En améliorant les connaissances sur les conséquences au long cours de l’infection par le virus Ebola, cette étude apporte de nouvelles informations sur la maladie et contribue à l’optimisation de la prise en charge des patients en prenant en compte leurs antécédents et les risques associés à l’apparition de séquelles. «Les séquelles à long terme peuvent avoir un impact négatif majeur sur la santé, la qualité de vie des survivants et leur aptitude au travail. Nos résultats montrent qu’il est important de continuer à suivre les survivants sur le long terme non seulement pour améliorer leur prise en charge mais aussi pour prévenir d’éventuelles résurgences de virus comme l’illustre actuellement le redémarrage de l’épidémie à partir d’un survivant en République Démocratique du Congo», conclut Eric Delaporte.

Le suivi de la cohorte PostEboGui est réalisé au sein du Cerfig (Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée), structure intégrée de recherche et de prise en charge médicale dans le domaine des maladies infectieuses située à Conakry. Ce centre a été financé par la Task Force Ebola France, l’IRD, l’Université de Montpellier et l’Inserm / REACTing (devenu depuis le 1er janvier 2021 ANRS | Maladies infectieuses émergentes), dans une démarche de renforcement des capacités nationales et de préparation au risque d’une nouvelle épidémie. Inauguré en 2019, le Cerfig est aujourd’hui pleinement opérationnel. La réapparition récente du virus Ebola en Guinée a pu être confirmée rapidement par l’équipe du laboratoire du Dr Alpha Keita, avant d’être déclarée par l’OMS comme une nouvelle épidémie le 14 février 2021.

Source Institut de recherche pour le développement (IRD). Les intertitres sont de la rédaction

Articles similaires

Aller au contenu principal